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A fond la plateforme !
Le Vidal et la base Claude Bernard ont longtemps trôné sans partage dans les cabinets des médecins et les officines. Avec la digitalisation et l’apparition de l’intelligence artificielle, de nouveaux challengers se sont positionnés sur un marché où les acteurs rivalisent d’innovations pour sécuriser la prescription et la dispensation des médicaments.
En 2019, Vidal annonçait la fin de la parution papier de son célèbre dictionnaire rouge. « Quatre ans plus tard, la version numérique disponible sur le Web, sur notre application mobile, ou intégrée dans les logiciels médicaux, répond aux besoins d’information et de sécurisation des professionnels de santé grâce aux monographies Vidal, avec la possibilité d’effectuer des recherches par indication ou par domaine thérapeutique », confie Cécile Carron de la Carrière, directrice stratégie marketing et communication de Vidal. La base Claude Bernard recense, elle aussi, dans sa version numérique, l’ensemble des monographies officielles complètes des spécialités pharmaceutiques autorisées et disponibles en France, ainsi que les catalogues des génériques soumis au tarif forfaitaire de responsabilité (TFR), de la liste des produits et prestations remboursables (LPP) et, plus largement, de tous les produits de santé, incluant la parapharmacie.
Du côté des nouveaux entrants, Synapse Medicine, une « medtech » bordelaise créée en 2017, permet de consulter les monographies de tous les médicaments fondées sur les résumés des caractéristiques du produit (RCP) de la base de données publique des médicaments. « Avec un accès à l’information qui se veut très intuitif, assure Louis Létinier, son cofondateur. Notre barre de recherche intelligente propose en temps réel des suggestions lors de la saisie du médicament et les monographies en comportent une afin d’accéder rapidement à l’information souhaitée. » Après trois années de développement, Posos vient, lui, de lancer sa propre base de données médicamenteuses. « Le développement d’une plateforme propriétaire était une étape cruciale pour renforcer notre technologie de sécurisation des prescriptions, souligne Emmanuel Bilbault, P-DG de cette « medtech » parisienne fondée en 2018. A la différence des autres acteurs, notre base est entièrement codée en terminologies internationales. Elle permet de croiser les informations de multiples sources entre elles pour apporter des réponses plus précises et personnalisées en fonction du profil du patient. En outre, elle facilite l’interopérabilité et l’intégration dans les logiciels métiers. »
Analyse d’ordonnances et personnalisation
Autour de ces bases médicamenteuses qui constituent le cœur du réacteur, les éditeurs ont développé des outils d’analyse d’ordonnance. « Sur notre plateforme, les pharmaciens et les médecins disposent d’une fonctionnalité de détection automatique des effets indésirables et des risques d’interactions entre deux médicaments », confirme Béranger Lekens, directeur produit intelligence médicale de Claude Bernard. Cette fonctionnalité rencontre d’ailleurs un réel succès dans les officines, d’après Cécile Carron de la Carrière. « Les usages montrent que les pharmaciens cherchent principalement à vérifier la posologie, les risques d’interactions médicamenteuses entre deux traitements, voire les contre-indications en cas d’insuffisance rénale ou de grossesse, mais aussi à trouver des équivalences étrangères entre deux médicaments », dévoile-t-elle.
Certains acteurs vont encore plus loin en ajoutant la personnalisation. C’est le cas de Claude Bernard, qui a conçu un dispositif d’alertes en fonction du profil d’un patient. « A partir des informations renseignées dans son dossier (âge, poids, allergies, pathologies, etc.), le pharmacien ou le médecin reçoit une alerte lorsqu’il doit adapter les traitements au profil physiopathologique de la personne, avec à chaque fois la justification de cet événement par la présentation de l’extrait du RCP. Le contenu de la base Claude Bernard doit en effet être considéré comme un ouvrage scientifique laissant aux professionnels de santé les responsabilités de la prescription, de la dispensation, ou de l’administration », rappelle Béranger Lekens. Posos et Synapse Medicine ont chacun, également, développé cette fonctionnalité. « A partir de toutes les informations disponibles sur le patient renseignées au sein du logiciel ou dans un de nos composants, et en fonction du terrain clinique, notre outil d’analyse pharmacologique est capable d’alerter lorsque la posologie n’est pas adaptée à un patient présentant une fonction rénale diminuée. Nos équipes travaillent par ailleurs sur de nouvelles fonctionnalités innovantes telles que l’orientation vers un nouveau médicament », assure Louis Létinier.
Cette capacité à identifier des solutions alternatives personnalisées, on la retrouve déjà chez Posos. Et elle se révèle très précieuse pour les pharmaciens d’officine, d’après Emmanuel Bilbault. « Lorsqu’ils sont confrontés, comme c’est le cas actuellement, à de nombreuses ruptures d’approvisionnement, ils perdent souvent un temps fou à aller chercher l’alternative adaptée, et il leur est impossible d’effectuer tous les croisements en fonction de l’âge, du poids et des pathologies, rappelle le P-DG de Posos. Nos algorithmes n’ont, eux, besoin que de quelques secondes pour reproduire la démarche clinique du soignant en croisant les données médicamenteuses issues de multiples sources de référence avec les données patients pour formuler des recommandations de prise en charge. »
Décloisonner ville et hôpital
Certains acteurs commencent enfin à explorer un nouveau territoire : le décloisonnement entre la ville et l’hôpital. C’est le cas de Keenturtle, l’éditeur de PharmaClass. Ce logiciel spécialisé dans la sécurisation de la médication à l’hôpital utilise l’intelligence artificielle pour récupérer et croiser les données issues de toute une série de flux : médicaments, prescriptions, biologie, constantes et diagnostics, ainsi que les éléments d’identité et de mouvements des patients. « Nos algorithmes identifient les principaux risques médicamenteux de l’hôpital, avec un système d’alertes hiérarchisées qui permet aux pharmaciens hospitaliers de se focaliser sur les problèmes les plus importants à régler », explique François Versini, président et fondateur de Keenturtle. Déjà déployé dans sept centres hospitaliers universitaires et une quarantaine d’hôpitaux en France, en Suisse et en Belgique, PharmaClass est en train de s’étendre au territoire ville-hôpital. « Nous expérimentons actuellement notre plateforme en relation avec une agence régionale de santé, un groupement e-santé (Grades) et un groupement hospitalier de territoire, pour étendre la collecte de data et l’algorithmique à la ville, confie François Versini. Le premier cas d’usage étant un suivi posthospitalisation. La solution dirige le résultat des algorithmes vers le pharmacien, le médecin, ou les deux, qu’ils soient de ville ou d’hôpital, selon les protocoles souhaités par l’écosystème. »
Sur un marché devenu très concurrentiel, les éditeurs historiques Vidal et Claude Bernard conservent une longueur d’avance. « Notre base équipe sept pharmacies sur dix et un médecin libéral sur deux », rappelle Béranger Lekens. Pour les nouveaux entrants, l’enjeu sera de mettre en place des partenariats avec les éditeurs de logiciels de gestion officinale (LGO) et d’aide à la prescription (LAP), comme le reconnaît Emmanuel Bilbault. « Pour commencer, nous avons ciblé les logiciels des hôpitaux, confie-t-il. La prochaine étape sera de travailler avec les LGO et les LAP sous forme d’option payante. Les pharmaciens et les médecins pourront accéder gratuitement à la recherche d’informations dans les monographies et à l’analyse d’ordonnance. Un abonnement leur sera proposé dès lors qu’ils désireront bénéficier des modules complémentaires d’analyse d’ordonnances multisources ou trouver une équivalence de dose lors d’un changement de traitement. » De son côté, Synapse Medicine collabore déjà avec plusieurs éditeurs de LAP. La société équipe notamment les utilisateurs de Calimed, et a annoncé en mai dernier un partenariat avec CompuGroup Medical. « L’objectif pour nous, en 2023, sera de finaliser les négociations en cours avec les éditeurs de LGO pour qu’ils proposent Synapse Medicine à leur officines clientes avant la fin de l’année », conclut Louis Létinier.
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