Tendance : « made in local », le nouveau « made in France » ?

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Tendance : « made in local », le nouveau « made in France » ?

Publié le 16 octobre 2024
Par Carole De Landtsheer
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Quelques marques cosmétiques ont pris le parti de pousser encore plus loin le concept du « made in France ». Place désormais au « made in local » qui met en avant des productions et des ingrédients de nos terroirs. Un régionalisme évocateur de qualité.

Cette tendance conso, un brin chauviniste, qui s’est renforcée durant la crise sanitaire, a le vent en poupe et séduit les consommateurs, en attirant également dans ses filets les adeptes des circuits courts, pour des raisons écologiques évidentes. Plusieurs facteurs expliquent cette poussée : « Pour consommer éthique, nombre de clients se sont détournés du bio pour aller vers le local », indique Philippe Moati, cofondateur de l’Observatoire société & consommation (ObSoCo). Il est aussi question, pour certains d’entre eux, de « soutenir le tissu économique local », ajoute-t-il. Mais cette tendance est surtout « concomitante avec l’explosion des petites marques cosmétiques, alors que la méfiance envers les grands acteurs grandit », précise notre interlocuteur.

Les cosmétiques régionaux séduisent

D’ailleurs, ces marques régionales tiennent des discours qui tranchent : « Elles savent s’adresser avec simplicité et transparence aux consommateurs en les embarquant dans des histoires qu’ils comprennent et auxquelles ils adhèrent », observe Olivier Matharan, fondateur de la marque cosmétique Biosalines Ocean Beauty qui puise certains de ses ingrédients sur les terres de l’Île de Ré (dont les Immortelles des dunes). Une transparence qui correspond aux attentes des consommateurs, de plus en plus regardants sur les formules : « Ils souhaitent connaître l’origine des ingrédients pour être rassurés sur la qualité et l’efficacité des produits ; pour cela, ils n’hésitent pas à scanner les compositions des produits afin de vérifier par eux-mêmes qu’elles sont saines », développe-t-il. De plus, la dimension d’authenticité à laquelle elles sont attachées agit, elle aussi, comme un facteur rassurant, ce que nous explique Jean-Julien Baronnet, cofondateur de la marque de cosmétiques anti-âge Edulis, à base d’extrait d’huîtres du Cap Ferret encapsulé sur des lamelles d’argile : « Nos huîtres sont cultivées dans un parc où les eaux, brassées par les courants, sont les plus pures d’Europe, ce qui rassure les acheteurs. » S’ajoute à cela « la magie du lieu qui auréole les produits », poursuit notre interlocuteur. Ces marques régionales racontent une histoire et « sont entourées de tout un imaginaire qui leur est favorable », relève Philippe Moati.

La région, nouveau passeport officinal

Voilà autant de fleurons régionaux à mettre en avant, idéalement via des signalétiques claires (« Fabriqué en Bretagne », « Marques régionales ») et des outils de publicités sur le lieu de vente (PLV), du type affiches, réglettes, testeurs, échantillons, etc., qui leur apporteront une visibilité, quitte à les rassembler dans une même descente ou au sein d’un corner spécifique pour marquer cette singularité locale. De plus, des animations aideront à faire connaître ces marques. À titre d’illustration, la marque Edulis met à disposition des pharmaciens des affiches et des vidéos sur le bassin d’Arcachon qui montrent ses richesses naturelles (dont les huîtres). Autre exemple donné par Olivier Matharan, le fondateur de la marque Biosalines Ocean Beauty : « Nous revendiquons notre ancrage territorial via une PLV très spécifique que les pharmaciens adorent : ce sont des cubes en verre et en laiton contenant du sable, ornés d’un décor marin, à l’intérieur desquels les produits sont placés. »

Le local sort de sa niche

Ces marques, pleines de caractère, prennent, pour certaines d’entre elles, leur place dans l’univers officinal, à l’échelle locale dans un premier temps (avant, éventuellement, de tendre vers une implantation hexagonale). Une mise en avant relativement récente, qui remonte à environ cinq ans, estime Aurore Humez-Leray, fondatrice de l’Armoire à Beauté, un concept retail, proposé aux pharmaciens, qui réunit, dans un seul corner, des marques de niche bio, renouvelées tous les six mois, dont certaines sont régionales. Car en officine, « ces marques locales apportent de la différenciation et renvoient une image de spécialiste ; le consommateur sait qu’il ne trouvera pas ces exclusivités ailleurs », commente Aurore Humez-Leray. Ce que confirme Delphine Lajoie, titulaire de la pharmacie de Tohannic, à Vannes : « Je tenais absolument à me démarquer, à renvoyer une autre image, en référençant des marques de niche dont certaines, régionales. Mais celles-ci doivent également afficher de belles valeurs et donner envie ; de mon point de vue, la seule caractéristique “local” ne suffit pas. »

Les touristes aux anges

Ce régionalisme est très attractif « pour les autochtones qui vont se reconnaître dans les produits, il agit comme un moteur d’achat », fait remarquer Aurore Humez-Leray. Ce que confirme Sophie Laurent, cofondatrice de la marque de savons Comme Avant, fabriquée à Marseille : « Notre lieu de fabrication est un argument de vente à la fois pour les pharmaciens et les acheteurs marseillais. » « Particulièrement attachée à la région de la Bretagne, ma clientèle est demandeuse de petites marques locales, une offre qui engendre des achats spontanés », ajoute la pharmacienne Delphine Lajoie. L’argument vaut a fortiori pour les touristes : « Les officines installées dans des lieux touristiques ont tout intérêt à référencer ces marques locales qui vont attirer la curiosité des touristes, en quête de produits typiques », observe Aurore Humez-Leray. Un point de vue partagé par Mahmoud Bouaziz, titulaire de la pharmacie du Cap Ferret : « En référençant dans notre officine des marques régionales telles Edulis ou Océopin, nous répondons à une demande : les touristes aiment rapporter quelque chose du lieu où ils ont passé leurs vacances. » Enfin, cette démarche pro-régionale permet de s’extraire des comparaisons : « Quand les produits sont exclusifs, il est plus difficile d’évaluer la compétitivité-prix d’un commerce », conclut Philippe Moati.

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En chiffres

61 % des Français interrogés préfèrent un produit local non bio à un produit bio non local. (Étude NielsenIQ, 2023.)

52 % des Français  font davantage confiance aux petites entreprises de produits alimentaires, plutôt qu’aux grandes entreprises (préférées par 21 %). (Étude Enquête de l’institut Viavoice pour le Club We Are COM, février 2022.)