Retournement de tendance ?
La profession l’avait dit à Jean-François Mattei : le TFR va tuer le générique. Ce qui est peut-être en train d’arriver. Alors que le marché continue de progresser, pour la première fois, certains groupes sous TFR voient leur courbe de croissance s’infléchir. Les princeps regagnent du terrain. Explications.
De mon point de vue, l’opération TFR a été un vrai succès, expliquait Noël Renaudin, président du Comité économique des produits de santé, fin janvier à nos confrères de l’Agence de presse médicale. Le risque de retour de bâton que l’on pouvait craindre sur la dispensation des génériques ne s’est pas produit. »
Pas si sûr. A éplucher les statistiques Pharmastat du marché des génériques à fin décembre le « retour de bâton » semble se profiler à l’horizon. « Lorsque l’on a dit que le TFR allait tuer le générique à court ou moyen terme, on avait tort de parler de court terme », ironise Claude Japhet, président de l’UNPF. « C’est la confirmation de ce que j’ai dit au ministre en commission des comptes de la Sécurité sociale dès le mois de septembre 2002 : vous allez tuer le générique », constate Bernard Capdeville, président de la FSPF.
Globalement, le marché du générique continue de progresser atteignant, fin décembre, 62,19 % de taux de pénétration dans le Répertoire de l’Afssaps, soit une progression de près de 2,72 % sur deux mois et de plus de 12 % depuis le mois d’août (lire encadré) ! Mais voilà, alors que sur le seul mois de décembre la pénétration des génériques dans les groupes non soumis à TFR progresse de près de 0,83 % à 64,90 %, elle stagne dans les groupes soumis à TFR avec un bien maigre 0,09 %. Pire, dans les groupes soumis à TFR pour lesquels les princeps ont aligné leurs prix, la courbe s’inverse. Le taux de pénétration est passé de 34,99 % en septembre à 39,85 % en octobre puis 41,46 % en novembre pour chuter à 40,76 % en décembre : – 0,7 % ! Pour la première fois, certaines molécules prennent le bouillon. Le bromazépam, stable en novembre, perd 1,64 % en décembre à 51,08 % de taux de pénétration. Et le phloroglucinol perd 2,12 % à 33,28 % fin décembre.
Le Surgam en exemple.
Accident de parcours ou prémices d’une descente aux enfers pour les génériques sous TFR ? Difficile à dire pour le moment. « Les faits sont là. Mais il faut attendre encore un ou deux mois pour confirmer ces baisses », nuance Claude Japhet. Mais comment expliquer ce retournement de tendance ? « On voit bien que la visite médicale a repris la main sur un certain nombre de molécules, commente Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’USPO. Les médecins ne prennent même plus la peine de prescrire en DC dans les groupes sous TFR. Le taux de prescription en DC n’a pas bougé ces derniers mois. On reste à 8 %, bien loin des 25 % prévus… Et les pharmaciens ne peuvent pas faire grand-chose puisque l’alignement des prix des princeps sur le TFR nous enlève le seul argument dont nous disposons pour dispenser du générique auprès des patients : le différentiel de prix, donc l’économie générée pour la Sécu. »
Les pharmaciens portent donc désormais leurs efforts sur les groupes hors TFR. Indéniablement, les princeps regagnent des parts de marché dès lors qu’ils s’alignent sur le TFR. Démonstration avec le Surgam. Notons d’abord que dans les groupes où les princeps ne se sont pas alignés sur le TFR, soit en maintenant leurs prix, comme le Surgam, ou au contraire en les augmentant, le taux de pénétration du générique atteint des sommets à 74,03 %, en progression de 36,63 % depuis le mois de septembre ! Preuve que les patients ne souhaitent pas payer la différence au comptoir. Le laboratoire du Surgam a fait savoir au mois de décembre qu’il alignerait son prix sur le TFR dès le mois de janvier. Résultat : alors que l’acide tiaprofénique connaissait une croissance en unité de 27,21 % au mois d’octobre puis de 10,2 % au mois de novembre à 78,11 %, sa progression est littéralement cassée en décembre avec seulement 0,82 % de croissance ! « Le TFR casse la dynamique du générique. Pourtant les Français semblaient être entrés dans une culture du générique. Il est de bon ton d’en demander au comptoir », remarque Gilles Bonnefond.
« Sauver le bébé. »
Mais ce que redoute surtout les syndicats de pharmaciens, c’est l’application d’une seconde vague de TFR à laquelle Noël Renaudin se dit « très favorable » dans la même interview. Pourtant, l’objectif de 60 % fixé par le gouvernement est atteint et les nouvelles molécules qui arrivent sur le marché sont rapidement substituées. Mais le gouvernement l’a dit : le TFR est pour lui un moyen d’aller chercher les surremises des génériques. Le pire des moyens pour les officinaux. « Le pharmacien est le moteur de la substitution. Ne tuez pas le bébé que vous avez contribué, avec nous, à mettre au monde ! », lance Claude Japhet à l’adresse du ministre de la Santé. Une seconde vague de TFR étranglerait le générique. Mattei ne l’a pas encore tué, mais il commence à suffoquer.
La substitution dépasse les 60 %
La courbe de progression des génériques fluctue au fil des décisions politiques. Le premier envol des génériques correspond à l’accord passé entre le gouvernement et les médecins en juin 2002 1. : consultation à 20 euros contre prescriptions en dénomination commune. Les praticiens desserrent le frein, la substitution du pharmacien s’en trouve facilitée.
Deuxième cassure 2. : l’apparition dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2003 du tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) dans les groupes génériques à « faible rendement ». Stupeur dans la profession. La courbe se stabilise en attendant la mise en place de la mesure. Le TFR, entré officiellement en vigueur en octobre 2003, semble redonner vie au générique 3.. Les interprétations divergent : est-ce le TFR qui agit comme un détonateur, faisant prendre conscience aux pharmaciens de la nécessité de substituer, est-ce la peur de la seconde vague prévue initialement en décembre ou au contraire la décision du gouvernement de repousser cette seconde vague ?
En tout cas, la substitution dépasse désormais le plafond de 60 % fixé par le gouvernement. Plafond en deçà duquel il menaçait de mettre en place une seconde vague de TFR.
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