Mettez de l’huile dans vos relations clients
Chassez le naturel… A l’heure du génie génétique, l’aromathérapie connaît une seconde jeunesse. Un marché « niche » auquel il peut être intéressant de faire une petite place à l’officine.
Difficile d’évaluer ce que représente en France le marché des huiles essentielles. D’une part, les fournisseurs sont nombreux et très divers (on ne compte plus les petits distillateurs locaux, notamment en Provence) et, d’autre part, leur commercialisation est vouée à des secteurs aussi différents que la parfumerie, l’agroalimentaire ou l’aromathérapie.
Le plus gros consommateur est sans aucun doute la filière agroalimentaire suivie par la parfumerie, l’aromathérapie représentant encore une part infime du marché. Les officinaux qui choisissent de développer cette activité sont donc des passionnés avertis ou bien inspirés qui profitent de la demande croissante du grand public. L’aromathérapie tient en effet une place à part parmi les médecines douces, étant réputée plus efficace que la phytothérapie parce que faisant appel à l’essence même des plantes. De plus, l’aromathérapie participe à une nouvelle conception du bien-être et c’est sur ce terrain que les officinaux ont leur carte à jouer, aux dires de Jackie Tiphaigne, gérant de Cosbionat, société commercialisant les huiles essentielles du Docteur Valnet. « Avant d’utiliser les huiles essentielles pour ses aspects thérapeutiques, les consommateurs positionnent d’abord ces produits comme une source de bien-être, indique-t-il. Leurs vertus alimentaires, en massage, en diffusion d’arômes ou même leurs qualités cosmétiques sont de mieux en mieux connues d’un public bien informé et demandeur. Aux pharmaciens de savoir se positionner d’abord sur le domaine du bien-être plutôt que de faire des huiles essentielles un médicament parmi tant d’autres. »
N’importe qui peut commercialiser des huiles essentielles
Pour convaincre les officinaux encore sceptiques quant à l’engouement des Français pour l’aromathérapie, il n’est que de consulter les progressions des chiffres d’affaires de divers acteurs du marché. Chez Valnet, on observe une progression annuelle d’environ 30 % ; Sanoflore a enregistré une progression de 45 % entre 2000 et 2001. Quant à la gamme Hextrane lancée en mai 2000 par les laboratoires Monot, elle connaît déjà un vif succès et est présente dans plus de sept mille pharmacies. Ces dernières, jusqu’ici mal placées sur le marché de l’aromathérapie derrière les magasins de diététique, semblent rattraper leur retard. « Le circuit officinal gagne du terrain, déclare Jackie Tiphaigne. En dehors des pharmacies, nous distribuons nos produits dans les quelque deux mille magasins de diététique et, de façon anecdotique, par correspondance. »
Une opportunité à saisir sans doute pour l’officine, même si le développement d’un rayon d’aromathérapie nécessite la plus grande prudence dans le choix de ces fournisseurs (voir encadré). Inutile en effet de faire confiance à un quelconque label comme celui prôné il y a quelque temps par Phytosunarome sous le sigle HEBPD… qui n’est autre que la définition obligatoire des huiles essentielles selon la norme Afnor et qui ne garantit en rien sa pureté pour une utilisation en aromathérapie. La société, épinglée par la Répression des fraudes, a d’ailleurs depuis déposé le bilan avant d’être rachetée.
Pour Pierre Lambert, directeur de Florilab, les titulaires qui souhaitent développer l’aromathérapie doivent d’abord savoir choisir prudemment leurs fournisseurs. « L’aromathérapie est en pleine expansion, notamment depuis trois ou quatre ans, mais l’officinal doit être conscient que ce marché représente une part infime de la production d’huiles essentielles – le rapport est de l’ordre de 1 à 100 avec la parfumerie – ; il doit donc être particulièrement vigilant à ce que son fournisseur ait les mêmes critères de qualité que lui car n’importe qui peut commercialiser des huiles essentielles. » Selon le directeur de Florilab, mieux vaut choisir une société ayant pignon sur rue et dont le dirigeant soit un pharmacien. Après, tout est affaire de confiance car les moyens de vérifier la qualité des matières vendues sont difficiles…
Si le choix du ou des fournisseurs est important, la formation de l’équipe officinale joue également un rôle considérable. « Il faut faire très attention car les huiles essentielles mal utilisées peuvent aussi s’avérer dangereuses », rappelle Yasmine Riche, installée à Paris dans le VIe arrondissement. Le conseil doit donc être particulièrement mis en avant et s’inscrire dans le cadre d’une compétence sans cesse mise à jour par le biais des formations. « Les laboratoires proposent des formations pratiques et concrètes qui permettent de démarrer avec des huiles essentielles de base un conseil efficace », assure Claudine Luu, P-DG de Phytofrance. Une méthode suivie également par les laboratoires Monot qui viennent de lancer une soirée formation dans diverses villes de France.
Le conseil ne prend pas plus de temps qu’avec le médicament familial
Un DU est cependant le bienvenu et sera de toute façon nécessaire lorsque l’activité se développera. Car une fois l’officine connue pour sa compétence en aromathérapie, le bouche-à-oreille fonctionne bien. « L’aromathérapie représente aujourd’hui pas moins de 25 % du chiffre d’affaires total de la phytothérapie dans notre officine », explique Gérard Magnaudeix. Pour le titulaire de Montpellier, ce succès est lié à plusieurs facteurs : « C’est un phénomène de mode, tout le monde parle des huiles essentielles, mais c’est aussi une alternative à beaucoup d’indications classiques. Herpès labial, rhume, sevrage aux benzodiazépines, les clients sont rapidement convaincus et en parlent autour d’eux. »
Le conseil, aux dires des adeptes de l’aromathérapie, ne prend pas plus de temps qu’un conseil classique. Mais la relation au client est souvent modifiée et contribue largement à sa fidélisation. Des atouts non négligeables, d’autant que l’investissement de départ reste modeste, dans les 10 000 francs de stocks environ selon Claudine Luu. Pierre Lambert préconise même de démarrer avec une trentaine d’huiles essentielles, soit environ 1 000 francs de stocks.
Ceux qui ont franchi le pas ne le regrettent pas, même s’ils avouent investir un temps important en formation. Ce créneau, encore étroit à l’officine, pourrait bien faire des émules…
Contrôler les origines
La filière bio
Elle offre une bonne traçabilité du produit. « C’est là le premier avantage du bio, confirme Stéphane Richard, P-DG de Sanoflore. Nous avons un suivi de la parcelle cultivée de la mise en terre des semences au produit fini, et les contrôles sont effectués par des organismes indépendants. »
Le bio garantit l’absence de pesticides dans la plante, produit qui se concentre lors de la distillation. Pour peser l’intérêt de ce « détail », il suffit de savoir qu’il faut 7 tonnes de mélisses pour obtenir un litre d’huile essentielle.
HEBPD
Les initiales HEBPD (pour huile essentielle botaniquement et biochimiquement définie) ne constituent en aucun cas un label suffisant pour s’assurer de la qualité d’une huile et de sa pureté pour une utilisation en aromathérapie. Ce n’est rien d’autre que la définition obligatoire des huiles essentielles selon la norme Afnor.
Réussir l’aromathérapie à l’officine
1- Apprenez à choisir des huiles de qualité et informez-vous constamment sur l’évolution de l’offre.
2- Formez-vous et assurez au moins une formation de base à vos collaborateurs (la manipulation des huiles peut présenter parfois des risques de neurotoxicité).
3- Associez le rayon d’aromathérapie (environ quatre étagères suffisent à une centaine d’huiles) au rayon de phytothérapie dans l’espace et dans le conseil.
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