Méchant coup de frein
Le marché du générique progresse encore mais sa croissance est sérieusement entamée. En cause notamment l’érosion du Répertoire et le redoublement des stratégies de contournement. L’objectif national de substitution risque fort de ne pas être atteint.
Après 10 ans de substitution, l’efficacité du modèle français du générique n’est plus à démontrer : une boîte sur quatre délivrée en officine en 2008 était un générique. Ce résultat a notamment été rendu possible grâce à l’implication des pharmaciens et à la largeur de l’offre proposée à la substitution. Celle-ci représente aujourd’hui 76 % de la demande totale de médicaments en France.
Reste que les médicaments génériques seraient en mesure de couvrir une part beaucoup plus significative de l’offre de soins de première intention si les médecins ne fuyaient pas le Répertoire (seules 30 % des prescriptions se font dans son périmètre). Au lieu de cela, le générique ne pèse que pour 23 % de parts de marché en unités, ce qui est loin de refléter l’ampleur de l’offre générique.
Les mentions « NS » se sont mises à refleurir
Sur 2009, le médicament générique ne devrait pas dépasser la barre des 20 % du marché pharmaceutique en volume, après avoir connu un très net ralentissement de sa progression sur 2008. Une tendance qui s’accentue sur les premiers mois de 2009 avec un petit 4,7 % de croissance en cumul mobile sur 12 mois à fin mai.
Malgré le discours rassurant des autorités sanitaires, les génériques continuent en effet à susciter des réticences auprès de certains médecins et même dans l’opinion. La polémique sur la qualité du générique bat son plein comme aux premières heures de la substitution. Le discrédit initié en 2008 par quelques groupes de pression ne s’est pas dissipé en 2009 et donne des arguments aux médecins récalcitrants (la refloraison des « NS l’atteste »).
Au comptoir, le dispositif « tiers payant contre génériques », en forçant la main aux sceptiques, n’a pas non plus calmé les esprits revêches. Sa quasi-généralisation sur le territoire national atteint aujourd’hui ses limites. A trop vouloir durcir les conditions, on crée une crispation des Français, ce qui est bien malvenu dans un contexte généralisé de crise de confiance. Conséquence, depuis la rentrée le taux de substitution navigue sous les 75 %. Selon toute vraisemblance, l’objectif national ne sera pas atteint fin décembre 2009.
Les génériques plafonnent depuis deux ans à 13-14 % du CA TTC du médicament remboursable. Ils réalisent tout de même un CA annuel de 3,6 milliards d’euros (à fin août 2009). Les parts du Répertoire et des princeps inscrits dans ce dernier évoluent en phase : le premier a franchi en juillet 2009 la barre fatidique des 25 % et les princeps généricables comptent pour 13 % du CA en vigneté, soit presque le même poids que les génériques (2,97 MdEuro(s)), avec des volumes de ventes environ deux fois moindres (voir p. 32). Cela signifie que l’élargissement du Répertoire se fait avec des médicaments chers et que les CAPI sont de bons outils pour freiner la fuite des prescriptions médicales hors du Répertoire. « Il y a deux explications au rapprochement des courbes « princeps » et « génériques » : les prix industriels des génériques ne cessent de baisser et les nouveaux entrants sont des médicaments plus chers que précédemment. A cela il faut ajouter une montée en charge beaucoup plus lente de la substitution sur des molécules difficiles à substituer, souligne Philippe Besset, président de la commission Economie de la FSPF. Le total du Répertoire en unités ne croît pas, mais la substitution ne paraît pas en mesure de suivre la cadence imposée par les échéances brevetaires. Et dans les prochaines années, l’innovation s’essoufflant, le Répertoire est appelé à prendre une part encore plus importante dans le marché du remboursable. »Les labos gagnent leur brevet de stratégie
« 2009 a été une année beaucoup plus riche en chutes de brevets que l’année 2008, ce qui a entraîné une baisse de 8 points du taux de substitution après rebasage », souligne Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO. Ensuite, la substitution a souffert des stratégies de certains laboratoires de princeps (contre les génériques du fentanyl ou du périndopril par exemple). En novembre, Teva a imité Ratiopharm (en bagarre avec Janssen-Cilag) en engageant à son tour une action devant l’Autorité de la concurrence, mais cette fois-ci contre Sanofi-Aventis. Objectif : faire cesser et sanctionner des pratiques visant, selon le génériqueur, à limiter l’entrée et le développement des génériques du Plavix. « Les trois années à venir vont être prolifiques en molécules majeures, d’où un renforcement aujourd’hui des manoeuvres de contournement en prévision des prochaines échéances », analyse Gilles Bonnefond.
La profession a dû aussi composer avec les modifications de prescriptions des médecins suite au retrait progressif des spécialités contenant l’association dextropropoxyphène-paracétamol. « Sur les groupes génériques du Di-Antalvic et du Propofan, respectivement n° 1 et n° 4 en unités et représentant plus de 10 % du marché en volume, les prescriptions ont chuté de moitié alors qu’elles étaient substituées à plus de 85 % avant la mesure de retrait », précise Gilles Bonnefond.
Ne pas forcer la main des médecins
Enfin, au vu de la vitesse à laquelle s’étend le Répertoire, il est clair que les pharmaciens vont aussi avoir des difficultés à maintenir la pénétration des génériques dans les groupes. « Arrêtons de raisonner en taux global de substitution. Certes, il faut éviter que les taux rechutent sur les groupes anciens du Répertoire, mais la mesure de nos efforts doit porter sur la rapidité de substitution des nouveaux entrants, car c’est sur eux que se font les économies », réclame Gilles Bonnefond.
Le gros point noir des syndicats reste néanmoins l’érosion du Répertoire. Pour inverser la tendance, il convient d’inciter plutôt que d’obliger les médecins à prescrire à l’intérieur de celui-ci. « Les derniers amendements « génériques » du PLFSS 2010 sont de la poudre aux yeux, considère Gilles Bonnefond. Tant que l’on n’utilisera pas le même attelage pour les médecins, les pharmaciens et l’Assurance maladie, on ne résoudra rien. Le problème de l’érosion du Répertoire ne peut se régler qu’en douceur, par des conjonctions d’intérêts pour que la prescription dans le Répertoire devienne la règle et qu’il y ait un vrai accord tripartite avec mise en place d’outils de suivi et d’objectifs individuels pour les médecins. »
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