L’OFFICINE TIRE LA CROISSANCE
Pourtant fortement challengée par la grande distribution, la pharmacie devient le circuit porteur de la sphère « santé sexuelle ». Une dynamique portée par les préservatifs classiques et la progression des gels.
« LA TENDANCE S’EST INVERSÉE.
Aujourd’hui, c’est l’officine qui tire la croissance du marché de la santé sexuelle. Le sujet est devenu moins tabou et les acheteurs se rendent plus facilement dans leur pharmacie pour trouver un conseil. La démarche s’est banalisée », commente Sophie Claustres, responsable marketing, en charge des marques Manix et Skyn, au sein du groupe Lifestyles. Le secteur enregistre une croissance significative : + 6,9 %, en valeur, pour les préservatifs et + 6,8 %, pour les gels (source : Iqvia). Et conserve un bon potentiel de développement alors que le préservatif a perdu de sa superbe, notamment auprès des plus jeunes qui ont, pour une bonne part, perdu le réflexe de se protéger.
Promouvoir l’utilisation des préservatifs.
C’est justement pour renforcer la lutte contre les infections sexuellement transmissibles (IST) que le gouvernement a décidé, en 2018, de rembourser à hauteur de 60 % sur la base du prix de vente, des préservatifs masculins sur prescription d’un médecin ou d’une sage-femme (le reste pouvant être pris en charge par les mutuelles). Un biais pour améliorer, notamment, l’accès des jeunes aux préservatifs et remédicaliser un produit qui était, pour certains, devenu un gadget sexuel. « Cette mesure remet le préservatif au coeur de la prévention », se félicite Patrick Pisa, directeur général du laboratoire Polidis. En toute logique, Eden (laboratoires Majorelle), première marque de préservatifs en latex remboursée en 2018, figure dans le top 10 des meilleures ventes (3,9 % de Pdm en valeur, Ospharm). Les préservatifs “Sortez couverts !” (taille standard, sans limite d’âge), du laboratoire Polidis, ont emboîté le pas, en 2019. Cette offre remboursée s’arroge 5,8 % de parts de marché en valeur et 9,4 % en volume, selon Ospharm. Comprenons que l’officine a plusieurs cartes en main qui lui assurent une place unique : des références remboursées, des prix accessibles et le conseil du pharmacien. De plus, « l’assortiment disponible en pharmacie est plus large », observe Sophie Claustres. Il inclut, notamment, des références naturelles (préservatifs et gels à l’aloe vera) qui créent la tendance et complètent les gammes. Ultra-concentré, ce marché laisse peu de place à la concurrence et fait le jeu des marques fortes (Durex, Skyn, Manix). Résultat : les marques de distributeurs sont en voie de disparition et en chute libre (1 % de Pdm en valeur, – 64,5 %, source fabricants).
Sans latex et XL.
« En pharmacie, ce sont les préservatifs classiques de protection et ultra-fins qui progressent le plus », indique Sophie Claustres. Ils représentent la quasi intégralité de l’offre : des modèles simples (88,2 % de Pdm en valeur, + 9 %) à opposer aux préservatifs orientés “plaisir” (les perlés et nervurés ne dépassent pas les 11,8 % de Pdm en valeur, – 2,5 %, selon Ospharm) que l’on trouvera plus volontiers en GMS. Suivant la même logique, les versions aromatisées sont en baisse. Figurent ainsi dans le peloton de tête de cette sphère, les produits Durex Classic Jeans (18 % de Pdm), la référence incontournable de Durex, acteur leader du marché (53,1 % de Pdm en valeur ), Durex Feeling Sensual, un ultra-fin, à la deuxième place du podium (7,2 % de Pdm en valeur), remplacé au mois d’avril, par Feeling Extra lubrifié (520 mg), ainsi que Manix Super (source Ospharm). Dernier lancement en date, Manix Infini de 45 microns d’épaisseur. Si un vent de classicisme souffle sur ce segment, il n’en est pas moins réceptif à l’innovation. Le sans latex, répondant aux besoins des peaux allergiques, sujettes aux irritations, et surtout aux personnes en quête de sensations naturelles, continue sa poussée (35,2 % de Pdm en valeur, + 3,4 %, Ospharm). Une catégorie de préservatifs dominée par la marque premium Skyn (19,4 % de Pdm en valeur, Ospharm), en polyisoprène, assurant un effet seconde peau et ciblant les jeunes actifs. Une marque du laboratoire Lifestyles Healthcare, également propriétaire de la marque entrée/milieu de gamme Manix (destinée aux 15/25 ans, elle réalise 17,4 % de Pdm en valeur, Ospharm). La référence Skyn Original s’arroge la troisième place des meilleures ventes du segment (6,6 % de Pdm en valeur, Ospharm) ; également en tête de liste, Durex Natural Feeling, sans latex, remplacé, en mars dernier, par le produit Nude sans latex extra-lubrifié de la nouvelle gamme premium Nude de Durex. La nouveauté vient des grandes tailles qui correspondent à une demande croissante des consommateurs : le XL (16 % de Pdm en valeur) enregistre une progression significative de + 7,2 % (Ospharm). Dernières nouveautés, le King size max de Manix (190 mm x 56 mm) et le XL fin extra-lubrifié Nude de Durex (190 mm x 57 mm). Les retardants (5,6 % de Pdm en valeur, Ospharm) affichent, eux aussi, une courbe ascendante. Un segment sur lequel s’est positionnée la marque Protex (Radiatex) qui s’est enrichie, à l’automne dernier, d’une version en latex plus épaisse (90 microns) pour un plaisir plus durable : Protex Performance. Challenger du secteur avec une offre courte, la marque Reflex Condoms (Polidis) envisage une implantation étendue en pharmacie (3 000 officines d’ici à fin 2020).
Les lubrifiants sont rentrés dans les mœurs.
Les gels lubrifiants, auxquels se rattachent les gels de massage (45,2 % de Pdm en valeur, + 7 %, selon Ospharm) se sont démocratisés, ces produits étant de plus en plus demandés en achat associé ou seuls, pour plus de confort durant les rapports. « Aux Etats-Unis, pour chaque paquet de préservatifs acheté, un lubrifiant est également acheté. Le marché français n’est peut-être pas encore aussi mature pour cette offre groupée, mais c’est ce vers quoi l’on va tendre », estime Sophie Claustres. Les produits développant une approche médicale caracolent en tête du classement et composent l’essentiel des ventes. Leader des hydratants intimes, le gel Mucogyne (Iprad), à base d’acide hyaluronique liposomé, réalise 27,4 % de Pdm en valeur et sa version en unidoses, 6,3 % de Pdm en valeur, (Ospharm). Un produit qui répond aux problèmes de sécheresse vaginale et qui se double, depuis octobre dernier, d’ovules préconisées en cas de sécheresse vulvo-vaginale intense. « Leur formule associe acide hyaluronique et galacto-oligosaccharides (GOS) afin de stimuler la croissance des lactobacilles, notamment crispatus, marqueurs d’une bonne santé de la flore intime », résume Pascale Bocher, directrice marketing, au sein du laboratoire Iprad. Positionné sur la sécheresse vaginale, Sensilube (Durex) est l’autre produit phare de la catégorie qui rassemble 15,2 % de Pdm en valeur, devant le lubrifiant intime Monasens de Téva Santé (9,8 % de Pdm), selon Ospharm. Nouveau et affichant un positionnement médical, le gel lubrifiant Skyn Harmony, à base d’acide hyaluronique, présente un PH adapté à la zone intime de la femme et une texture unique pour une meilleure hydratation et plus de confort. Sans surprise, le naturel s’invite sur le marché de la santé sexuelle. Des versions 100 % naturelles (Durex Natural, Durex Natural Hydra+ à l’acide hyaluronique, Manix Natural) et à l’aloe vera ont fait leur apparition (Manix Aqua Aloe, Durex Natural Extra Sensitive enrichi en aloe vera).
Vers une diversification de l’offre.
En vue de proposer une offre la plus large possible, des compléments de gamme viennent étoffer le rayon “Santé sexuelle”, telles les récentes lingettes intimes nettoyantes et rafraîchissantes Skyn Get Fresh, premières du genre. L’objectif : accompagner les consommateurs à chaque moment de leur vie sexuelle. Sans compter quelques sextoys, qui ne réussissent pas à trouver leur place en officine. A cela s’ajoutent des compléments alimentaires répondant à des problématiques courantes de la vie sexuelle. Comme le produit Performerect du laboratoire Les 3 chênes, un complexe à base d’extraits de plantes sélectionnées pour stimuler la libido et favoriser l’érection en agissant sur l’afflux sanguin, qui enregistre une croissance de + 11 % en valeur (Ospharm). Autres exemples : les gélules Eroboost (Biocyte) ou Sex Control (Ineldea )… Des produits principalement dédiés aux hommes, qui se présentent comme « des alternatives naturelles aux médicaments. Depuis 3, 4 ans, les esprits se libèrent et les consommateurs ont moins de mal à poser des questions au comptoir sur ces solutions douces et sans effets secondaires », explique Marylin Large, chef de produits au sein des laboratoires Les 3 Chênes.
Massivement positionné “santé”, le marché de la santé sexuelle jouit d’une bonne forme en officine. Face à des consommateurs plus à l’aise pour parler de leur intimité sexuelle, le pharmacien peut jouer pleinement son rôle de conseil.
+ 8,5 %
5,2 M d’unités vendues
C’est, aujourd’hui, l’officine qui tire la croissance de la sphère « santé sexuelle ». Plus à l’aise, les acheteurs se rendent plus facilement en pharmacie, pour se procurer des préservatifs et des gels lubrifiants, qui sont rentrés dans les habitudes de consommation.
+ 6,9 %
40,1 M d’€ de chiffre d’affaires
Avec un assortiment plus large qui surfe sur le naturel, des prix accessibles et le conseil du pharmacien, l’officine a toutes les cartes en main pour tirer profit du marché florissant de la santé sexuelle. Source : Iqvia, en CAM à fin février 2020.
57 %
des étudiants et 42 % des lycéens n’utilisent pas systématiquement de préservatif. 16 % estiment qu’il est susceptible de baisser le niveau de sensations ressenties durant l’acte sexuel et 10 % le jugent gênant.
Source : Etude OpinionWay pour la mutuelle étudiante.
Les gels soutiennent la croissance du secteur et multiplient les promesses : hydratation, plaisir, naturel, ultra-lubrification…, comme le nouveau lubrifiant Durex Perfect Gliss.
TENDANCELéger déclin sur le marché en GMS
En grandes et moyennes surfaces, le rayon de l’hygiène sexuelle est avant tout drivé par la facilité d’achat, l’anonymat et la promotion. Et si le circuit continue de peser de tout son poids sur le secteur – avec un C.A de 64,5 M d’ €et 9 M d’unités vendues – ses ventes se stabilisent – + 1 % en valeur et – 0,8 % en volume, total hypermarchés + supermarchés, selon le panel Iri, en cumul annuel mobile à fin février 2020 – principalement dû à une contraction du linéaire, au profit des rayons parapharmacie et premiers secours. Si les préservatifs en latex lubrifiés composent l’essentiel de l’offre (environ 95 % en volume, – 0,6 % en valeur), ce sont les versions sans latex qui tirent la croissance du segment (+ 12,4 % en valeur, selon Iri).
Après une refonte de son offre, la marque challenger Intimy (Juva Santé), présentée comme l’offre la moins chère et siglée sur chacun de ses lots du marquage “NF” (Norme française), s’impose (+ 6 %, selon l’industriel) grâce à sa gamme Classic. Ses nouveautés : le préservatif XXL (60 mm de diamètre) et le gel lubrifiant intime à l’aloe vera. Du côté des gels lubrifiants et des produits de massage, qui représentent environ 30 % des ventes, ce sont les « lubrifiants aux formules courtes et naturelles qui s’en sortent le mieux », indique Julien Laborie, chef de marque Intimy au sein du laboratoire Juva Santé.
Communication
Dans sa récente campagne d’affichage relayée par Instagram, Durex dénonce les stéréo-types ou les injonctions irréalistes qui planent sur nos vies sexuelles, avec des slogans dé-culpabilisants : “Le porno n’est pas la norme”, “On fait tous semblant”, etc.
Durex a revu son offre par besoins et a lancé, en mars dernier, sa gamme premium Nude, revendiquant une sensation peau contre peau. Elle inclut un préservatif en latex ultra-fin (48 microns), une version sans latex extra-lubrifié (480 mg) et un modèle XL (190 mm x 57 mm).
Les préservatifs dits “classiques” composent l’essentiel du C.A de l’officine. Parmi ces références, les modèles sans latex, dominés par la marque Skyn, représentent plus d’un tiers des ventes du circuit pharmaceutique.
CHIFFRES-CLÉS
TOP 5 DES LABOS
88,2 %
C’est la part de marché, en valeur, des préservatifs classiques, en hausse de 9,1%. Les préservatifs extrafi ns réalisent 40% de part de marché, en valeur
Source : Ospharm, en CAM à fin décembre 2019
TOP 5 DES PRODUITS SUR LE MARCHÉ DE LA SANTÉ SEXUELLE
PARTS DE MARCHÉ, EN VALEUR, EN CUMUL ANNUEL MOBILE, À FIN DÉCEMBRE 2019.
Source : Ospharm
1 Mucogyne gel vaginal 12,4 %
2 Durex Classic Jeans préservatif 9,5 %
3 Sensilube Fluide lubrifiant intime 6,9 %
4 Monasens gel lubrifiant 4,4 %
5 Durex Feeling Extra (anciennementFeeling Sensual) 3,8 %
18,8 %
c’est la part de marché, en valeur, de l’offre «plaisir» sur le marché des préservatifs. Un segment en hausse de plus de 10 %.
Source : Ospharm, en CAM à fin décembre 2019
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