L’heure de l’« homéofacile » a sonné
Merci Mediator ! L’homéopathie continue de convaincre le grand public et ses spécialités OTC n’ont pas à rougir de leurs performances. La facilité de prise et l’innocuité des produits n’ont pas fini de séduire des consommateurs de plus en plus écolos.
Qu’on se le dise : le secteur de l’homéopathie se porte bien. Son chiffre d’affaires global de 349,5 millions connaît, à fin 2012, une progression de 8,4 %, le volume des ventes réalisé affichant une stabilité pérenne avec 163,2 millions d’unités vendues (source Celtipharm, Xpr-So, cumul annuel mobile à fin 2012). Notons que cette croissance s’explique, en partie, par « une augmentation des prix de certains produits remboursés », observe Laurent Priou, responsable du laboratoire Ferrier. Il convient de garder à l’esprit que la partie remboursée continue de composer l’essentiel du marché (environ 70 % en valeur et 88 % en volume). L’avantage va aux tubes granules et doses qui permettent un traitement individualisé et constituent, globalement, un réflexe de prescription bien ancré chez les médecins français. Pour autant, l’autre partie du marché, qui englobe les spécialités OTC, recevant des indications thérapeutiques précises et compréhensibles du grand public, enregistre, en valeur, une évolution positive notable : + 7,1 % (source Ospharm, année 2012). Un exploit, face au marché de l’automédication qui gagne sur la même période 3,2 % en valeur. L’homéopathie « facile », appuyée par des galéniques simples à prendre (la prise de granules pouvant constituer un frein), poursuit sa percée. L’OTC participe à la démocratisation d’une thérapeutique au concept initial… réservé aux initiés. Envisager ce marché dans son seul périmètre est désormais jugé trop restrictif et ne rend pas compte d’une réalité plus large. Selon Marc Bouchu, directeur marketing groupe du laboratoire Boiron, le médicament homéopathique doit être appréhendé au regard du marché du médicament sur lequel il s’inscrit et dont il ne représente, environ que 2 %, en valeur. La logique à suivre est la suivante : le patient dispose pour se soigner d’un arsenal de médicaments dont ceux relevant de la sphère homéopathique.
Boiron superstar
Peu d’acteurs s’attaquent à l’homéopathie. Et Boiron, numéro un français et mondial de l’industrie homéopathique, assure toujours une position archidominante avec 82,6 % de parts de marché (+ 9,2 %, en valeur). Ses spécialités OTC (soit 20 % de son portefeuille) constituent les cinq meilleures ventes du marché : Oscillococcinum s’octroie 27 % de parts de marché en valeur (+ 14,5 % en 2012 selon Ospharm), Camilia, 7,9 % (+ 9,4 %), Sédatif PC, 6,2 % et les médicaments Stodal et Homéoplasmine respectivement 5,3 % et 4,9 %. Grâce aux ventes de ses stars de l’OTC, Boiron réussit à se placer deuxième laboratoire du marché global de l’automédication en 2012, selon l’AFIPA (association professionnelle représentant les industriels des médicaments d’automédication). La raison d’un tel succès ? Une offre large de 3 000 références et de 200 spécialités, une forte notoriété soutenue par des campagnes de communication régulières et le développement d’outils spécifiques à destination, notamment, des pharmaciens. « Nous nous sommes toujours appuyés sur les professionnels de santé et considérons comme fondamentales les prescriptions médicales et officinales », affirme Marc Bouchu.
Un deuxième acteur se distingue nettement sur le secteur : le laboratoire Lehning, qui s’arroge 14,6 % de parts de marché en valeur sur l’année 2012 (source Ospharm). Ici aussi, quelques références qui sonnent comme des intitulés familiers auprès du grand public : Biomag ou encore L72 et L52 qui enregistrent respectivement des progressions, en valeur, de 5,7 % et 5,3 %, (source fabricant). Le savoir-faire de ce laboratoire ? Une offre en basse dilution (DH) avec une action physiologique revendiquée comme plus directe et rapide.
Le reste du marché (2,7 % en valeur) est investi par une poignée d’acteurs, légitimes sur le terrain des médecines naturelles. Ainsi, les laboratoires Ferrier (Arkopharma) et Weleda se situent sur les deux segments de l’automédication et de la prescription. Le premier envisage l’homéopathie (2 % de son chiffre d’affaires) parmi d’autres solutions naturelles (phytothérapie, aromathérapie) et prévoit de porter à 35/40 le nombre de souches disponibles dans son offre d’ici trois ans. Le second, fortement tourné vers la prescription (90 % de son activité homéopathique enregistre une évolution de + 9 %, en valeur), propose notamment des ampoules injectables. « Weleda bénéfice de l’image de qualité de sa gamme dermocosmétique construite autour de plantes phares », souligne Séverine Dewally, responsable marketing au sein des laboratoires Weleda. Signalons la volonté de Weleda, jusqu’à présent plus proche des prescripteurs (médecins et sages-femmes), de se tourner vers le corps officinal et de se positionner comme une gamme OTC de référence en donnant au pharmacien un rôle central.
Dernier arrivé (en 2009) dans l’univers de l’infinitésimalité, le laboratoire Sevene Pharma s’est positionné sur l’homéopathie bio. Son offre ne comprend que des spécialités OTC en libre accès (proposées sous la forme de granules) articulée autour de sphères (circulatoire, digestive…). La promesse transversale à tous les produits étant la détoxification, cheval de bataille de la société. Approche thérapeutique trop complexe ? Mal comprise ? Ou serait-ce le leadership de Boiron qui limite l’essor de Sevene Pharma, présent dans seulement 70 officines ? Reste le laboratoire Pierre Fabre, qui édite sa gamme historique de complexes Poconeol sous la bannière Naturactive.
Tout naturellement
Plus largement, l’homéopathie a « fait ses preuves à travers le regard du grand public », souligne Stéphane Lehning, président du groupe Lehning. Et, de fait, les Français ont majoritairement recours à l’homéopathie (56 % d’entre eux ont déjà utilisé des médicaments homéopathiques, soit + 3 points par rapport à 2010, contre 40 % de la population en Belgique et 33 % en Espagne, source Ipsos 2012, sondage réalisé pour les laboratoires Boiron). Deux principales raisons à cela, l’une et l’autre étant liées : les scandales réguliers qui secouent le monde de la santé et rendent méfiant le grand public qui se tourne volontiers, pour traiter des pathologies courantes du quotidien, vers des solutions sans effets secondaires, autrement dit sans danger. « Il y a également une conscience de soi qui se rattache au mouvement écologique actuel : il est question de prendre soin de son corps comme de l’environnement », explique Marc Bouchu. « La recherche de naturalité, même dans le médicament, est une tendance de fond », confirme Séverine Dewally. Et l’innocuité de l’homéopathie permet au pharmacien « de l’intégrer de plus en plus dans sa démarche de conseil », selon Stéphane Lehning.
De plus, signalons un rajeunissement actuel de la population consommatrice. « Les nouvelles générations sont demandeuses d’homéopathie et, notamment, les 15/25 ans qui ont recours d’eux-mêmes à cette thérapeutique pour traiter des problèmes de stress et de sommeil par exemple », indique Marc Bouchu. L’utilisation de médicaments homéopathiques n’exclut pas le recours à d’autres solutions. Ce serait même une pratique établie : sa combinaison possible avec d’autres remèdes.
Sans surprise, la sphère ORL – portée par les blockbusters Oscillococcinum et Stodal – représente la moitié des ventes OTC en homéo (52 % de parts de marché en valeur et 46,1 % en volume). Un secteur où l’arsenal allopathique n’a pas ou peu de réponses spécifiques aux infections virales. Les sédatifs et calmants (19,1 % de parts de marché en valeur et 18,7 %, en volume) composent l’autre segment clé du marché (Sédatif PC est le troisième produit le plus vendu du secteur, et Camilia arrive en deuxième position). Si tous ces segments sont stables, la tendance du moment résiderait, selon Stéphane Lehning, dans « une plus grande segmentation du marché ». Il cite, à titre d’illustration, le médicament Angipax, lancé en 2011, destiné à traiter les angines non bactériennes. L’objectif : « mieux cerner les pathologies et répondre aux différents besoins ». On trouve aussi des références qui s’inscrivent sur les segments porteurs de l’automédication, ouvrant en homéopathie autant de champs d’application nouveaux, tel Tabapass, un adjuvant du sevrage tabagique proposé par Ferrier.
Rares innovations
Cependant le secteur ne se distingue pas par une foultitude de lancements, loin s’en faut. Certains évoquent la position dominante des établissements Boiron qui n’inclinerait pas à une forte créativité. Il est toutefois primordial de rester dans la course, comme le souligne Laurent Priou : « Elargir l’offre permet aussi de faire vivre le rayon homéopathique. » Quoi qu’il en soit, les quelques lancements qui alimentent le segment des spécialités 0TC sont tous pensés dans le sens du patient. Les galéniques facilitent la bonne observance. Weleda a, par exemple, mis sur le marché fin 2012 des unidoses pour conditionner son collyre Euphrasia 3 DH. « Nous devons mettre à disposition des patients des médicaments pratiques, à la hauteur de ce qu’ils utilisent par ailleurs dans leur quotidien », résume Marc Bouchu. Citons les lancements des comprimés orodispersibles Arnicalm (Boiron) et Lergypax (Lehning) pour lutter contre la rhinite allergique saisonnières.
Côté nouveauté, Boiron vient de s’attaquer aux troubles de la ménopause avec la spécialité Acthéane, un secteur où la polémique autour des traitements de substitution hormonale laisse le champ libre à l’homéopathie. Et Camilia vient de voir tout récemment sa posologie évoluer : de 3 à 6 unidoses par jour sur une durée de 3 à 8 jours. S’adapter aux besoins des patients, voilà donc la nouvelle force du marché de l’homéopathie. Des patients-consommateurs de plus en plus amenés à s’automédiquer en homéo, en raison du nombre décroissant de médecins 100% homéopathes. Parallèlement, le nombre de généralistes sensibilisés à la « médecine par granules » – mais non spécialistes – augmente. Car sur le terrain des formations délivrées aux médecins comme aux pharmaciens, Boiron répond présent.
Cap vers l’observance
Reste à assurer la bonne observance des traitements. Là, Boiron se montre particulièrement actif, dans l’esprit d’un service après-vente. Le laboratoire a édité la boîte de rangement « Homéo famille » ou encore le boîtier « Homéo solo », à prendre avec soi lors de déplacements. Et a créé « Oméomémo » l’année dernière, dans la même optique de facilitation. Il s’agit d’une application iPhone gratuite (sur Android en 2013) qui permet de saisir le nom et la posologie des médicaments prescrits par le médecin ou conseillés par le pharmacien. Un planning personnalisé, assorti d’un système d’alarme automatique, est alors créé. Clairement, l’homéopathie « facile » s’impose comme la donne du moment !
EN PARTENARIAT AVEC ospharm
OSPharm Datastat comprend un panel de 3 000 pharmacies. OSPharm traite et restitue l’ensemble des flux de ventes de ses adhérents en temps réel. Le panel est surreprésenté sur les fortes strates de chiffres d’affaires, > à 2,3 millions d’euros, là où la variabilité statistique est importante OSPharm revendique moins de 1 % d’inconnus sur l’intégralité des marchés médicaments, OTC et para.
chiffres clés
→ 36 % des Français sont des utilisateurs réguliers de médicaments homéopathiques. Le recours régulier est supérieur chez les femmes (46 %) et les personnes vivant en province (42 %).
→ 39 % des utilisateurs de médicaments homéopathiques les choisissent parce qu’ils les perçoivent comme naturels.
→ L’homéopathie est identifiée comme un médicament qui respecte l’organisme pour 48 % des interrogés.
→ La note obtenue sur l’efficacité (6,2/10) est proche de celle attribuée à l’allopathie (6,9/10).
→ 83 % des Français aimeraient se voir proposer plus souvent des médicaments homéopathiques par les professionnels de santé.
→ 77 % considèrent que les médicaments homéopathiques devraient être prescrits plus souvent en premier recours.
Source : sondage réalisé par Ipsos pour les laboratoires Boiron, février 2012.
Boiron
L’archileader entretient la notoriété de ses produits en misant sur la pub et le conseil du pharmacien.
Ferrier
La marque du giron d’Arkopharma poursuit le développement de son offre.
Lehning
Le numéro 2 continue d’innover, avec notamment Lergypax contre les allergies saisonnières.
Pierre Fabre
La vente des gouttes Poconeol permet de satisfaire une clientèle d’habitués.
Sevene Pharma
Dernier arrivé sur le marché, le laboratoire se veut « pharmécologique ».
Weleda
Le laboratoire a désormais la volonté de travailler sa gamme OTC.
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