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Les ventes bourgeonnent

Publié le 30 septembre 2015
Par Charlotte Nattier
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Les soins pour peaux à imperfections affichent une croissance à faire rougir les autres catégories de la dermocosmétique en officine. Le marché tire profit des formules travaillées, des prix ultracompétitifs et de la visite médicale.

Le traitement de l’acné, aussi bien médical que cosmétique, n’a pas fini sa croissance. Selon Kantar Worldpanel, 16 % des Français ont acheté un produit antiacnéique sur une année (à mi-mai 2015 ; soin visage + toilette), tous circuits confondus. Un constat prometteur, d’autant que la cible vieillit. Selon Beauty Care Women Europe, 76 % des adolescents et 65 % des femmes sont concernés par l’acné. « C’est un phénomène social : il y a quinze ou vingt ans, on acceptait les enfants avec des boutons, aujourd’hui non », raconte Christophe Billet, directeur marketing global Bioderma.

Les chiffres de ventes confirment le phénomène. Depuis plusieurs années, le marché enregistre des performances, avec un bond de 14 % en valeur entre avril 2013 et avril 2015 (source IMS). Son chiffre d’affaires atteint aujourd’hui 53,9 millions d’euros. « La catégorie pèse lourd sur le marché de la dermocosmétique en officines », estime Jean-Philippe Latapie, directeur marketing international d’Avène. Ainsi, la gamme Cleanance est la plus vendue (en volume) des soins cosmétiques en pharmacie, selon IMS en 2014.

MARQUES installées

« L’acné est l’un des premiers motifs de consultation chez le dermatologue », fait remarquer Céline Pigeon, responsable marketing des laboratoires Noreva. A fin avril 2015 selon IMS Pharmatrend, le total du marché des soins pour peaux grasses et imperfections réalise 7 % de croissance en valeur, et 3,9 % en volume. Un secteur qui se valorise donc, soutenu par le soin traitant qui progresse de 15,4 % en valeur. En haut du podium, on retrouve, selon Ospharm, en cumul annuel mobile à fin avril 2015, les deux laboratoires leaders de la dermocosmétique. D’abord Avène avec 28,57 % du CA en valeur et pour qui « le marché représente près de 2 millions d’unités vendues par an », selon Jean-Philippe Latapie. Puis La Roche-Posay, qui cumule 18,27 % des ventes. En troisième position Bioderma qui, avec sa ligne Sébium, enregistre 10,9 % des ventes. « Le marché est hypercompétitif, souligne Christophe Billet. Dès lors les lancements ont une durée de vie limitée due à la concurrence. » Omega Pharma tire cependant son épingle du jeu avec une référence historique, la lotion Eau Précieuse. Avec cette vieille dame de l’officine lancée en 1890 qui a depuis fait des petits, le groupe cumule 6,91 % de parts de marché en valeur selon Ospharm, mais ses ventes ont tendance à s’éroder (- 4,71 %) malgré des animations tous les ans autour d’éditions limitées. A l’inverse, le cinquième intervenant du marché, Ducray et sa ligne Keracnyl, voit ses écoulements flamber de 21,8 % ! Le club des 5 premiers acteurs ne décourage cependant les challengers. « Si le secteur de l’anti-âge est saturé, il y a de la place pour tout le monde sur celui de l’acné compte tenu du dynamisme des ventes et des perspectives futures », confirme Sophie Golberger, directrice marketing SVR.

Pour traiter les lésions acnéiques, les dermatologues ont à leur disposition une vaste panoplie de traitements locaux ou oraux avec AMM, mais qui sont souvent assortis d’effets secondaires. De plus, l’usage des antibiotiques a induit une certaine résistance de la bactérie Propionibacterium acnes. En quelques années, les laboratoires de cosmétique ont mis au point de nouvelles molécules actives provoquant moins d’intolérances. Sans pour autant bénéficier de l’indication « acné » comme un médicament, les soins promettent désormais des résultats probants sur tous les symptômes de la dermatose.

TOUT en un

« Nous commercialisons des produits très sophistiqués et des actifs pointus pour des prix compris entre 10 et 14 euros pour une crème », souligne Céline Pigeon chez Noreva. La rentabilité pour les laboratoires serait donc mise à rude épreuve – au vu des efforts galéniques et des multiples brevets – mais le jeu en vaut la chandelle. « La pharmacie est devenue le canal naturel de vente de produits antiacné car, pour cette problématique d’esthétique santé en rapport avec des modifications hormonales, le circuit fait sens », explique Christophe Billet chez Bioderma.

Si la garantie de sérieux officinal attire les consommateurs, l’offre hypermorcelée dans les linéaires peut vite devenir incompréhensible pour eux. Du coup, les acteurs proposent aujourd’hui, pour lutter contre les comédons et autres boutons, des références « globales ». Avec Sébium Global, Bioderma est une des premières marques à avoir lancé un produit complet pour lutter contre Propionibacterium acnes et ses conséquences visibles comme l’hyperséborrhée, l’hyperkératose, l’obstruction du canal folliculaire ou encore l’inflammation. Avène a suivi avec son émulsion Cleanance Expert qui concentre son action anti-imperfection sur les zones directement concernées, en respectant les zones saines que le soin matifie et hydrate.

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La tendance se prolonge cette année avec Uriage qui refait une beauté à sa gamme Hyséac dont le produit phare, Hyséac 3-regul, est un soin qui limite les boutons, les points noirs mais aussi affine le grain de peau et matifie. Idem pour la crème Sebiaclear du laboratoire SVR, enrichie de deux actifs hautement dosés : Niacinamide et gluconolactone. Porte-drapeau de toute la gamme Sebiaclear (en remplacement de Lysalpha), elle sera aussi poussée en visite médicale.

NETTOYAGE essentiel

Si le soin attire toutes les attentions des équipes R & D, les produits complémentaires ne sont pas à délaissés pour autant car « le marché s’est d’abord développé par l’hygiène. Les gels lavants puis les eaux démaquillantes lui ont apporté un dynamisme »,

rappelle Jean-Philippe Latapie. Les chiffres ne le démentent pas. Selon Ospharm, les nettoyants représentent 44,3 % en volume des ventes de produits antiacné en valeur. A signaler la sous-catégorie très porteuse des eaux nettoyantes qu’IMS estime en croissance de 17,2 % en valeur en cumul annuel mobile à fin avril 2015. « C’est très important de soutenir la routine complète dans la prise en charge de l’acné, décrit Leslie Bréau, directrice marketing France de La Roche-Posay. L’hygiène est presque aussi essentielle que le soin, d’où des offres croisées pour faire découvrir les différents produits au moment des lancements. » Le laboratoire lance cette année Effaclar H, geste d’hygiène associé à un actif anti-inflammatoire pour accompagner les traitements médicamenteux. Autre exemple, A-Derma a inauguré en 2014 sa première gamme antiacné, Phys-Ac, composée de soins traitants « globaux », d’une eau micellaire et d’un gel lavant purifiant. Mais a délaissé les exfoliants et les masques, qui demeurent des achats secondaires et pèsent peu dans la balance totale des ventes, respectivement 3,3 % et 2,8 % en valeur selon Ospharm. Pas de quoi démotiver Bio Beauté by Nuxe qui lance cette année un Masque Rééquilibrant Matifiant Express dans sa gamme pour les peaux mixtes inaugurée en 2014.

MÉDECINS ciblés

Pour accompagner la croissance du marché, les acteurs soutiennent massivement la visite médicale. Dès lors, les prescriptions représentent 8 % des ventes, soit 2,5 fois plus que la moyenne en dermocosmétique (source fabricants, 2014). Et, selon Dorema, l’acné est le premier acte de prescription du dermatologue (à fin novembre 2012). « Chez Avène, c’est le deuxième motif de prescription derrière les cicatrisants, détaille Jean-Philippe Latapie. « Keracnyl doit aussi ses 6,6 % de parts de marché en valeur au soutien en visite médicale de Keracnyl PP depuis son lancement en 2013 », explique Florence Grasser, chef de produit chez Ducray. Le soin à la Myrtacine à visée anti-inflammatoire est aujourd’hui rejoint deux ans après sa commercialisation par la Crème Keracnyl Control, la nouvelle réponse de Ducray pour la prise en charge de l’acné rétentionnelle.

Et le corps médical visité s’élargit. Outre les dermatologues, le médecin généraliste prend de l’importance. Christophe Billet précise : « Le médecin a besoin d’un schéma thérapeutique simple alors que le pharmacien est en attente d’une offre large pour conseiller la routine la plus adaptée. » Reste que ce sont les vraies innovations qui sont présentées aux prescripteurs. Chez Noreva, il s’agit de Global 6 dans la gamme Exfoliac, un soin anti-imperfections sévères. « Nous avons vraiment matière à défendre cette référence », avance Céline Pigeon. « Mais il faut des années pour faire intégrer un nouveau nom de prescription à un médecin », signale Jean-philippe Latapie.

Pourtant, les cosmétiques antiacnéiques sont loin d’avoir une durée de vie extraordinaire. Une nouveauté en chassant une autre…

53,9 MILLIONS D’EUROS DE CHIFFRE D’AFFAIRES

ÉVOLUTION en valeur

+ 7 %

La forte progression du chiffre d’affaires témoigne du succès des soins complets à forte valeur ajoutée.

Source IMS, en cumul annuel mobile à avril 2015.

5,56 MILLIONS D’UNITÉS VENDUES

ÉVOLUTION en volume

+ 3,9 %

Le marché est tiré par les soins traitants et les eaux nettoyantes.

Source IMS, en cumul annuel mobile à avril 2015.

SOINS COMPLETS

Plus besoin de superposer les soins pour corriger points noirs, brillance et grain de peau. Les références tout en un comme Sebiaclear Active de SVR, Hyséac 3-regul d’Uriage ou Exfoliac Global 6 de Noreva simplifient le quotidien.

La TENDANCE

L’acné ne touche plus seulement les adolescents, la pathologie se rencontre de plus en plus souvent chez la jeune femme. En cause, la pollution, les dérèglements hormonaux, mais aussi l’arrêt récent des pilules de troisième génération prescrites en cas d’hyperséborrhée. Du coup, on voit fleurir des offres spécifiques pour la femme adulte. Citons Actipur, une gamme à visée anti-inflammatoire, travaillée pour matifier mais aussi hydrater l’épiderme. Même Avène en 2014 a fait évoluer le positionnement de son soin Tri-Acnéal Expert avec des codes produits plus féminins. Bioderma apporte cette année avec Sébium Mat Control une hydratation prolongée et un effet flouteur – le blur – emprunté au circuit sélectif. Quand La Roche-Posay rénove Effaclar K+ contre les symptômes postinflammation avec un effet peau propre pendant 8 heures, Vichy, lui, reformule son soin de jour Normaderm en un soin embellisseur anti-imperfections Hydratation 24 h.

AU FÉMININ

Les laboratoires répondent aux attentes plus cosmétiques des femmes en termes de teint, matité ou hydratation. Tels Bioderma avec Sébium Mat Control, La Roche-Posay avec Effaclar K+ ou encore Vichy et son soin embellisseur.

CHIFFRES CLÉS

5 PREMIÈRES MARQUES DES COSMÉTIQUES ANTIACNÉIQUES. En valeur, en cumul annuel mobile à fin avril 2015.

CIRCUITS DE DISTRIBUTION. En valeur, source IRI (cumul annuel mobile au 2/8/2015) et IMS pour la pharma (cumul annuel mobile à fin avril).

TOP-3* des produits

1 Cleanance gel nettoyant

7,8 %

2 Eau Précieuse lotion

6,8 %

3 Effaclar Duo+ soin anti-imperfections

5,4 %

* Le top-3 des produits est calculé en valeur par Ospharm en cumul annuel mobile à fin avril 2015.

RÉPARTITION DE VENTES. En volume, en cumul annuel mobile à fin avril 2015.

LES parapharmacies des enseignes de GMS réalisent un CA plus important que les

7 634 GMS, avec seulement

642 points de vente.

EN PARTENARIAT AVEC ospharm

Ospharm Datastat comprend un panel de 5 500 pharmacies. Ospharm traite et restitue l’ensemble des flux de ventes de ses adhérents en temps réel.

RELEVÉ DE PRIX des produits les plus vendus, réalisé en juin 2015.

MALIN

Uriage décline pour l’officine la pâte grise, best-seller de Payot. La nouvelle pâte SOS Soin Local s’applique localement sur les imperfections au coucher pour assécher au maximum.

PERFORMANCE

Cleanance est la première gamme de tous les soins visage confondus, en volume, sur 2014 (IMS).

Concurrence

Atouts limités

L’acné ayant une image médicale, les hypermarchés ou encore la parfumerie ne font pas le poids face à la pharmacie. Mais attention aux parapharmacies des GMS !

Avec l’acné, les consommateurs réclament de l’efficacité à un prix avantageux. Sur ce créneau l’officine ne laisse guère de place aux autres circuits. Selon Ospharm (voir p. 39), le prix moyen d’un soin traitant vendu s’y situe autour de 12 €. Et on peut en trouver à partir de 8 €. La croix verte cumule ici l’atout prix et la caution sécuritaire. A titre de comparaison, il faut compter 7,90 € pour le Soin 2-en-1 Très Hydratant Anti-Imperfections Mixa lancé en septembre. Néanmoins, selon Kantar Worldpanel, seul un utilisateur de produits antiacnéiques sur trois achète des marques de pharmacie. Explication : pour l’hygiène du visage – soit un acte moins impliquant que le soin – les achats consommateurs se tournent plutôt vers le mass market. Pas de quoi rendre les GMS performantes sur le créneau des comédons. En cumul annuel mobile (arrêté au 2 août 2015), leurs ventes de produits pour peaux à imperfections s’élèvent à 13 millions d’euros (+ 0,3 %). C’est près de 5 fois moins qu’en officine ! Selon Charlotte Kuhn, consultante Iri, « les soins antiacnéiques représentent une catégorie mineure en grande distribution puisqu’ils ne pèsent que 2,7 % du chiffre d’affaires du marché visage femmes. L’offre est assez peu travaillée et le nombre de références est en baisse ». L’hygiène via des gels lavants, des lingettes ou des eaux micellaires tire clairement son épingle du jeu. Les références ludiques – comme des patchs anti-points noirs ou des scrubs tout-en-1 – signées Nivea, Diadermine ou Neutrogena arrivent à séduire les adolescents. Les parapharmacies des GMS, elles, s’en sortent honorablement. Les peaux à problèmes leur rapportent 18,32 M€, soit un CA en hausse de 7,2 %, réalisé par seulement 642 points de vente (panel Iri, cumul annuel mobile au 2/8).

Côté circuit sélectif, l’offre reste logiquement limitée. La problématique de l’acné, plus médicale que beauté, y trouve difficilement sa place. Il n’empêche, Clinique a largement fondé sa notoriété sur sa ligne Basic 3 Temps, devenue un incontournable de la peau saine en parfumerie. Et Estée Lauder a lancé l’année dernière une large gamme, Clear Difference, comprenant des produits de soins mais aussi de couvrance type BB crèmes. Le circuit de l’institut est en revanche bien placé pour purifier les peaux à tendance acnéique, en témoignent les protocoles de soin prodigués dans les cabines Yves Rocher, Clarins ou encore Guinot.

HYGIÈNE

Incontournable pour les peaux à problèmes, l’hygiène du visage représente 44,3 % du marché en volume. Le segment, dominé par les gels moussants, doit cependant son dynamisme aux eaux nettoyantes.

Communication

Deux temps forts

La problématique de l’acné n’étant pas assez « beauté », la communication grand public en télé ou presse reste faible. Le canal digital est préféré pour informer… et distribuer des bons de réduction. Surtout, les laboratoires privilégient les animations en rayons et en vitrines dans les pharmacies. Si, en grande distribution, la rentrée des classes rime avec fournitures scolaires, en officine, ce sont les références antiacné qui règnent en maître. Une seconde période de promotion s’est organisée au printemps. « Nous n’avons pas d’autre choix que celui du prix attractif pour faire émerger nos gammes car ces deux temps forts représentent 50 % de nos ventes », explique Céline Pigeon chez Noreva. Chez SVR, Sophie Golberger émet un bémol : « Les prix sont déjà tellement cassés que l’on encourage plutôt nos consommateurs à adopter une routine complète via des produits découverte offerts. » Et Christophe Billet, directeur marketing Bioderma, de confirmer : « On privilégie les offres croisées et les bons de réduction offerts sur les réseaux sociaux. »