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LES BIOSIMILAIRES DANS LES MOINDRES DÉTAILS

Publié le 16 mars 2013
Par Carole Fusi
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Binocrit, Retacrit (EPO), Nivestim, Ratiograstim, Tevagrastim (filgrastim), Omnitrope, Zarzio (somatropine) sont les sept biosimilaires disponibles en France. Les brevets d’une dizaine de biomédicaments arrivent bientôt à expiration. De fait, la substitution des biomédicaments par des biosimilaires, évoquée lors du PLFSS 2013, est actuellement soumise à réflexion pour une future autorisation en France, à l’instar d’autres pays européens. Le point sur ces molécules complexes.

Les biosimilaires, appelés également « médicaments biologiquement similaires », sont des copies de médicaments biologiques de référence dont le brevet est tombé dans le domaine public. Les brevets des biomédicaments « phares » arrivent bientôt à expiration. Ainsi, le développement d’une nouvelle génération de médicaments biosimilaires, les anticorps monoclonaux, pourrait voir le jour. Le pic du marché des biosimilaires aurait lieu après 2015 du fait de la perte de nombreux brevets : Humalog et Mabthera en 2013, Herceptin et Remicade en 2014, Lantus et Enbrel en 2015, Aranesp et Humira en 2016, Neulasta et Avastin en 2017, Lucentis et Erbitux en 2019… Sept dossiers de nouveaux biosimilaires sont en cours d’instruction auprès de l’Agence européenne du médicament : filgrastim, follitropine alfa, infliximab, insuline humaine.

Le marché des biosimilaires devrait se limiter à un petit nombre de molécules : EPO, G-CSF et hormones de croissance (déjà commercialisés), et interférons alfa et bêta, insulines et anticorps monoclonaux. En petit nombre, mais au chiffre d’affaires élevé, ces molécules sont également celles qui ont les structures chimiques les plus complexes.

Du fait notamment de leur complexité structurale, de leur mode de production et de leur sécurité d’emploi, le concept de générique assorti du droit de substitution n’est pas applicable aux médicaments d’origine biologique. Même avec des méthodes analytiques de pointe à sensibilité élevée, il est impossible de conclure que le biomédicament princeps et le biosimilaire sont strictement identiques, d’où le concept de « similarité ».

Des biomédicaments à nature complexe

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) indique, dans « Des médicaments issus des biotechnologies aux médicaments biosimilaires : état des lieux » (http://bit.ly/10BUGpo), publié en 2011, que les médicaments biologiques sont des « molécules complexes tant par leur taille que par leur conformation spatiale et leur formule chimique ». Les substances actives de ces médicaments sont, en effet, des protéines de haut poids moléculaire (jusqu’à 270 000 Da) plus ou moins fortement glycosylées et hétérogènes suivant les sources. Or, plus une molécule est complexe, plus le risque de variation est important. La difficulté de comparaison des produits biologiques existe donc non seulement entre biosimilaires et produits d’origine mais également entre les différentes variantes du produit d’origine. Deux lots d’une même biothérapie princeps ne sont pas parfaitement identiques. Contrairement à la majorité des molécules obtenues par la chimie de synthèse, les biomédicaments sont souvent produits par biotechnologie.

Un mode de production innovant et astreignant

Les biomédicaments sont obtenus par extraction soit à partir de matière biologique naturelle (micro-organismes non modifiés, sang humain, organes animaux), il s’agit alors de produits biologiques, soit à partir de matière biologique génétiquement modifiée (micro-organismes recombinants, animaux ou plantes transgéniques), il s’agit alors de produits biotechnologiques. Les biotechnologies constituent une alternative à l’extraction des protéines thérapeutiques à partir de matériels biologiques (tissus, plasma…), sources potentielles de contamination. Le procédé de l’ADN recombinant est au cœur de ce mode de production (voir page 28).

La première étape de production est la préparation de systèmes cellulaires dans des milieux de culture stérile soumis à la fermentation afin d’obtenir une quantité suffisante de cellules productrices. Ces dernières sont des clones formant une banque cellulaire (banque « maîtresse »). Ensuite, des cycles de production de la protéine d’intérêt sont réalisés à partir d’une banque de travail dans des bioréacteurs, dans un milieu de culture contrôlé. Puis la protéine brute est séparée par centrifugation et filtration avant d’être extraite et purifiée par des techniques successives (chromatographie…). Enfin, la protéine purifiée est conditionnée stérilement (ajout d’excipients, lyophilisation si nécessaire…) en produit fini.

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Une variabilité possiblelors de la production

A la chute du brevet, le procédé de production et la nature des cellules productrices ne sont pas révélés par le laboratoire du biomédicament d’origine. D’où l’impossibilité pour le producteur du biosimilaire de fabriquer un produit strictement identique à l’original. « C’est comme reproduire un œuf sans savoir quel animal l’a pondu, ni comment… », souligne David Uguen, directeur exécutif chez Voisin Consulting, lors de la conférence « Biosimilaires : quel avenir ? » organisée le 4 décembre dernier par l’ACIP (Association des cadres de l’industrie pharmaceutique). Les multiples étapes de séquençage moléculaire et de caractérisation analytique des biomédicaments à copier sont donc indispensables pour le laboratoire de biosimilaires. Cela dans le but d’obtenir un principe actif fabriqué dans les conditions les plus proches possibles de celles utilisées pour le médicament d’origine afin de produire un biosimilaire le plus comparable possible au biomédicament d’origine. Lors des différentes étapes de production, il y a une inévitable variabilité biologique des sources de production pour les produits biologiques naturels et de la protéine d’intérêt. De même, des différences de fabrication dues à des altérations durant les nombreuses étapes du procédé de production, peuvent avoir un impact majeur sur les propriétés cliniques de la protéine d’intérêt.

Immunogénicité et sécurité d’emploi

Ces variants des protéines peuvent affecter l’efficacité et le profil de sécurité des produits en engendrant un phénomène d’immunogénicité et d’intolérance. Il convient de réduire au maximum la teneur des impuretés dérivant de la culture cellulaire (étape d’extraction et de purification) et d’éviter toute contamination tout au long du processus de production afin de limiter le plus possible ce phénomène (étape de contrôle).

Une rupture de tolérance du système immunitaire, avec éventuelle production d’anticorps neutralisants dirigés contre les biomédicaments, peut également apparaître du fait de la nature de la protéine d’intérêt (grande taille moléculaire pouvant être identifiée comme étrangère par l’organisme si sa structure spatiale n’est pas strictement identique à la protéine naturelle), de la voie d’administration (SC plus immunogène que IM ou IV), de la pathologie ou du patient lui-même. Cette réaction immunogène est difficile à prédire. Des études spécifiques d’immunogénicité sont réalisées pour les biosimilaires comme pour tous les autres biomédicaments. En outre, ce ne sont pas les seules études demandées pour l’autorisation de la commercialisation des biosimilaires.

Un répertoire des biosimilaires pourrait voir le jour

Les biomédicaments « princeps » ont un coût important : jusqu’à plusieurs milliers d’euros par an et par patient. Ils coûtent en général 20 fois plus cher que les petites molécules chimiques « standard » en raison d’un investissement important des laboratoires (coûts de recherche et de production). Les produits biologiques deviennent la principale source de croissance des coûts pharmaceutiques. Les enjeux économiques de la commercialisation des biosimilaires sont donc majeurs, leur mise sur le marché s’accompagnant d’une réduction significative des dépenses des médicaments puisque le biosimilaire s’avère être une solution thérapeutique similaire aux médicaments de référence pour un coût moins élevé.

Cependant, le pourcentage de réduction des prix des biosimilaires par rapport aux princeps (entre 20 et 30 %) est nettement plus faible que pour les génériques (environ 60 %) car leur coût de production et leur durée de développement sont plus élevés. La concurrence exercée par des biosimilaires sur les biomédicaments d’origine entraîne parfois également une baisse de prix des molécules princeps.

Concernant le droit de substitution des biomédicaments par des biosimilaires, l’Agence européenne du médicament laisse chaque pays autonome sur cette question. A la différence d’autres pays européens (Allemagne, Bulgarie, Danemark), les pharmaciens français ne possèdent pas ce droit, l’ANSM ne souhaitant pas que le principe de substitution s’applique automatiquement. Frédéric Collet, vice-président Affaires médicales – Hôpital et biosimilaires – du Gemme (l’association des professionnels du médicament générique) et président de Sandoz, précise que « le Gemme est contre la substitution […] et se range derrière la position de l’ANSM ». Ces médicaments sont « parfaitement similaires mais pas identiques. Un changement en cours de traitement peut poser des questions en termes de traçabilité ». Selon Frédéric Collet, il peut être question uniquement « d’alternative thérapeutique ou d’interchangeabilité ».

Un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2013 demandant la création d’un répertoire des biosimilaires afin d’autoriser leur substitution a été proposé par la commission des Affaires sociales du Sénat. Cependant, il ne figure finalement pas dans le texte définitif de la LFSS 2013. « Il s’agissait d’un amendement d’appel, c’est-à-dire qui invite à réfléchir sur un sujet ou une question précise et permet d’ouvrir le débat, souligne Yves Daudigny, sénateur de l’Aisne, rapporteur général de la commission des Affaires sociales du Sénat et président de la mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale. C’est un sujet compliqué ! L’amendement proposé soulignait l’intérêt croissant des médicaments biologiques sur le plan thérapeutique et l’importance financière qu’ils prennent dans des circonstances où de nombreux brevets tombent dans le domaine public. Nous étions conscients que les médicaments biosimilaires ne pouvaient pas être traités comme les génériques et que la notion de dénomination commune internationale, qui convient bien pour les génériques, ne pouvait leur convenir. Personne n’a en tête de reproduire ce qui se passe pour les génériques. Il faut être plus prudent ! » L’amendement refusé avait pour but d’ouvrir la voie dans des conditions limitatives à la possibilité de substitution par le pharmacien.

L’interchangeabilitéest autorisée en France

En attendant la prochaine LFSS, l’interchangeabilité est, quant à elle, tout à fait possible, autrement dit l’échange par le prescripteur du princeps par un biosimilaire ou inversement au sein d’une même classe thérapeutique. Cette interchangeabilité doit être réalisée avec prudence, les changements multiples de traitement entre médicaments similaires et/ou médicaments de référence rendant difficile le suivi des effets indésirables et pouvant majorer les risques d’immunogénicité. De fait, l’ANSM recommande « de traiter dans la mesure du possible un même patient avec un seul produit sans procéder à des changements à l’intérieur d’une famille de biosimilaires et d’assurer la traçabilité et la surveillance adaptée du patient si un changement de traitement a été décidé par le médecin ».

L’interchangeabilité étant un acte médical, on comprend mieux pourquoi les spécialistes hospitaliers sont la cible de la promotion réalisée par les laboratoires de biosimilaires. La pénétration du marché dépend en effet de ces prescripteurs ; c’est une différence notable avec les génériques, dont la pénétration dépend du pharmacien.

Et ce, même si les biosimilaires, sont parfois improprement appelés « biogénériques ». Or, les biosimilaires ne sont pas des copies identiques aux princeps. Le seul point sur lequel ils peuvent être comparés aux génériques c’est sur le plan pharmacoéconomique. En France, la faible pénétration des biosimilaires (moins de 15 % des prescriptions) contraste d’ailleurs avec la pénétration des génériques.

Perspectives du marché des biosimilaires

En 2011, les prévisions du marché des biosimilaires n’ont pas été atteintes : 16 milliards de dollars attendus contre 0,6 milliard de dollars réalisé, du fait notamment d’une croissance du marché dépendante uniquement des nouveaux patients, d’une réduction des prix limitée, d’un scepticisme lié à la sécurité et de l’absence d’un marché aux Etats-Unis (législation récente). Actuellement, les biosimilaires représentent moins de 15 % des prescriptions pouvant les concerner. Cependant, les facteurs d’environnement leur semblent désormais favorables. Les biomédicaments qui ne seront plus protégés par un brevet d’ici 2017 représentent un chiffre d’affaires annuel de 70 milliards de dollars. Les projections du marché pour 2015 s’élèvent à 2 à 3 milliards de dollars et à au moins 15 milliards en 2020. « Les biothérapies représenteraient 30 % du pipeline de l’industrie », selon Ameet Mallik. Le directeur général de Sandoz Biopharmaceuticals prévoit qu’en 2017, « sept médicaments du top-10 mondial seront d’origine biologique, et les ventes de ces médicaments devraient atteindre 170 milliards de dollars ».

L’article L. 5121-1 du Code de la santé publique présente les médicaments biologiques similaires comme « tout médicament biologique de même composition qualitative et quantitative en substance active et de même forme pharmaceutique qu’un médicament biologique de référence mais qui ne remplit pas les conditions prévues […] pour être regardé comme une spécialité générique en raison de différences liées notamment à la variabilité de la matière première et aux procédés de fabrication nécessitant que soient produites des données précliniques et cliniques supplémentaires dans des conditions déterminées par voie réglementaire ».

Qu’est-ce qu’un biomédicament ?

Le Code de la santé publique (article L. 5121-1) définit le médicament biologique comme « tout médicament dont la substance active est produite à partir d’une source biologique ou en est extraite et dont la caractérisation et la détermination de la qualité nécessitent une combinaison d’essais physiques, chimiques et biologiques ainsi que la connaissance de son procédé de fabrication et de son contrôle ». La source biologique d’origine peut être des cultures cellulaires, des cellules ou des organismes vivants : bactéries (Escherichia coli…), levures (Saccharomyces cerevisiæ…), cellules de mammifères (Chinese Hamster Ovary…)

Ces sources biologiques permettent la production de plus de 100 substances actives dans le monde : hormones (insuline, hormone de croissance, hormones thyroïdiennes, EPO), cytokines (interférons, interleukines, CSF ou facteurs stimulants les cellules souches hématopoïétiques), facteurs de coagulation, anticoagulants, anticorps monoclonaux, vaccins recombinants… Les médicaments biologiques, également appelés « biomédicaments » ou « biothérapies », sont indiqués dans des pathologies qui présentent souvent un besoin médical non satisfait (cancer, maladies infectieuses, pathologies auto-immunes…). Leur système d’administration est pour la plupart l’injection et/ou la perfusion pour éviter leur dégradation par le système digestif.

Qui fabrique les biosimilaires ?

La fabrication des biosimilaires est coûteuse et les incertitudes sur les retours sur investissement ainsi que les contraintes réglementaires freinent les ardeurs des laboratoires pharmaceutiques pour se lancer dans leur production. Actuellement, et à la différence des génériqueurs, seuls des laboratoires, ayant les compétences techniques et possédant la technologie nécessaire dans les biotechnologies s’intéressent aux biosimilaires. Sandoz est le leader du marché mondial avec 51 % des parts de marché en 2011. Teva (25 %) et Hospira (17 %) arrivent derrière. Seuls 10 fabricants réalisent 70 % du marché des biomédicaments. Afin de se positionner sur le marché des biosimilaires, une multitude de partenariats, d’alliance ou de restructurations internes voient le jour dans les laboratoires pharmaceutiques (Merck et Bioventures, Amgen et Watson…).

Les pays émergents commencent également à s’y intéresser (Fujifilm, Samsung Biologics…).

Une réglementation exigeante

Les biosimilaires doivent démontrer leur qualité (propriétés physicochimiques et biologiques), leur sécurité (propriétés pharmacodynamiques et toxicologiques) et leur efficacité clinique en comparaison avec le produit innovant d’origine par de nouveaux essais de comparabilité précliniques et cliniques, pour chacune des indications revendiquées, et ce, contrairement aux génériques qui doivent prouver uniquement leur bioéquivalence. Lorsque le produit de référence déjà commercialisé est associé à plusieurs indications thérapeutiques, il est nécessaire de justifier l’efficacité et la sécurité du produit biosimilaire pour toutes les indications et les mécanismes d’action impliqués. Les autorités peuvent cependant revoir cette disposition au cas par cas, notamment si l’activité pharmacologique est identique pour les différentes indications. La demande d’AMM, déposée à l’Agence européenne du médicament par procédure d’enregistrement centralisée, permet l’accès direct à l’ensemble du marché communautaire européen. La complexité de la structure tridimensionnelle et de la fabrication des biosimilaires, l’importance des conditions de fabrication, le choix des étapes de production et la variabilité des excipients entraînent des différences entre le princeps et le biosimilaire, mais tous ces paramètres sont encadrés par les autorités de santé européennes qui exigent des études approfondies. En Europe, les études demandées sont identiques à celles d’un développement classique d’un médicament princeps, à l’exclusion de la phase 2 (études sur la recherche de la dose efficace chez l’homme). Enfin, après commercialisation, un plan de gestion des risques est établi. Toutes ces études demandées aux fabricants de biosimilaires engendrent un coût supplémentaire à l’obtention de ces produits par rapport aux coûts de production des génériques.

Sondage directmedia

Sondage réalisé par téléphone du 20 au 21 février 2013 sur un échantillon représentatif de 100 titulaires en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d’affaires.

Pouvez-vous dire précisément ce qu’est un médicament biosimilaire ?

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Souhaiteriez-vous avoir le droit de substituer des biomédicaments par des biosimilaires ?

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Sinon, pourquoi ? (1 seule réponse possible) entreprise

En savoir plus

Jean-Louis Prugnaud et Jean-Hugues Trouvin, « Les Biosimilaires », Edition Springer, juin 2011.