LE RAYON PROPRE GRANDIT VITE

La crise du Covid-19 a frappé de plein fouet nos habitudes quotidiennes, nous conviant à ces fameux “gestes barrières” et à l’emploi d’un matériel ad hoc (incluant masque et gel hydroalcoolique). Clairement, le réflexe hygiéniste s’est inscrit dans nos comportements. Même si certains signes de relâchement lors du premier déconfinement (les Français étaient moins nombreux à se laver systématiquement les mains en rentrant chez eux en octobre dernier versus mars 2020 : 63 % contre 86 %1) laissent à penser que ces gestes sont encore vécus par certains comme une contrainte, l’hygiène est devenue une priorité assimilée par la majorité de la population. Ce que nous explique Pascale Hébel, directrice du pôle consommation au Crédoc2, qui a réalisé une enquête sur la prévention en matière de santé en avril dernier : « Après l’alimentation, regardée comme un facteur de bonne santé, l’hygiène et la propreté est un critère qui s’est fortement renforcé. Avec la crise sanitaire, les Français ont acquis des connaissances sur la façon dont se transmet un virus. Résultat : leur rapport à la santé s’est transformé, les amenant à adopter, plus qu’avant, des comportements de prévention ».

L’officine, en première ligne.

L’officine est devenue l’épicentre de ce nouveau marché intitulé par les fabricants “gestes barrières”. « Les consommateurs tendent à se tourner vers le réseau de la pharmacie, avec des professionnels de santé qui connaissent bien la réglementation et qui peuvent garantir les bonnes formules », indique Nathalie Bodet, responsable marketing au sein du laboratoire Cooper. Un atout du circuit alors que plusieurs solutions hydroalcooliques non conformes, qui ne contenaient pas assez d’alcool (au moins 60 %) et vendues sur internet, dans les petits commerces et les grandes surfaces, ont été, en novembre dernier, rappelées par la DGCCRF3. Ce segment constitue un nouveau levier de croissance du circuit officinal. « On assiste à un renversement : le marché de l’hygiène beauté en pharmacie, habituellement tiré par les soins du corps et du visage, l’est actuellement par les gels hydroalcooliques », fait remarquer Mélanie Vidal, directrice générale de Vichy (groupe L’Oréal).

Des gammes spécialistes en libre accès.

La nouveauté vient aussi de l’élargissement de l’offre, qui inclut de nouveaux formats pour les gels et des compléments de gamme à recommander en conseil associé. La plupart des fabricants proposent des kits antivirus, à l’instar du laboratoire Gilbert, fabricant de la gamme phare Bactidose, qui distribue, depuis septembre dernier, le désinfectant bactéricide Bactopin, jusqu’alors réservé au milieu hospitalier. Ou encore le laboratoire Urgo qui a lancé, en juin dernier, sa gamme “Gestes barrières” comptabilisant sept références, dont les nouvelles lingettes désinfectantes en sachet refermable. Alors que la concurrence sévit, il est maintenant question de se différencier. Leader du marché étudié, la marque Baccide (Cooper), qui s’est récemment complétée d’une crème mains 2 en 1, hydratante et antibactérienne, regroupe son offre, en janvier, sur un meuble sur pieds. Quant à la marque Assanis (Majorelle), qui a rapatrié sa production en France, elle livre, à la même période, son présentoir de sol. La course contre la montre menée durant le premier confinement pour fournir des masques et des gels a également eu pour effet d’ouvrir le secteur aux marques généralistes de la dermocosmétique, tel que nous l’explique Mélanie Vidal : « Après avoir participé à l’effort collectif en livrant des gels aux personnels soignants, nous nous sommes positionnés sur ce marché avec une expertise double qui inclut la santé et le soin ». L’offre Vichy comprend un gel enrichi en glycérine et une crème mains relancée avec une formule plus poussée à base d’agents hydratants et d’eau de Vichy (ces 2 produits pouvant être vendus en lots). Egalement en lice : le 2 en1 de Biphase, Lipo alcoolique, qui désinfecte et relipide la peau en un seul geste, les gels hydroalcooliques Ducray (Pierre Fabre) et La Roche-Posay (L’Oréal) ainsi que la crème mains CeraVe (L’Oréal) en format 100 ml (une contenance qui pulse les produits mains : + 8 % en valeur, en cumul annuel mobile à fin août 2020, source fabricants). Le rayon ne désemplit pas.

¹ Sondage Ifop réalisé pour la marque de savons Unbottled, publié le 15 octobre 2020.

² Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie.

³ Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

76 M€

C’est le C.A réalisé par le segment de l’hygiène en pharmacie, en CAM à fin septembre 2020, contre 19,7 M€ en 2019.

Source : fabricants

L’HYGIÈNE EN BONNE PLACE

La sphère “gestes barrières” s’est étoffée au fil des mois. Aux deux incontournables de la lutte anti-Covid – les masques et les gels hydroalcooliques proposés dans plusieurs formats -, s’ajoutent des flacons d’alcool, des lingettes désinfectantes pour les surfaces, des aérosols assainissants, des savons antibactériens ou encore des crèmes pour les mains. Une catégorie qui s’organise et s’impose en libre accès. « De nouvelles habitudes merchandising se sont mises en place conférant une plus grande visibilité à ces produits », explique Sophie Froger, responsable marketing au sein du laboratoire Gilbert. « On peut voir dans les pharmacies de véritables rayons consacrés à l’hygiène », ajoute Nathalie Bodet (Cooper). Cependant, leur taille variera en fonction des officines : linéaires complets, généralement situés à côté des premiers soins, vasques sur pieds disposées devant le comptoir, têtes de gondole ou simples produits de comptoir.