La température monte et le marché s’enfièvre

Une épidémie de grippe particulièrement forte et des rhumes qui ont semblé plus virulents qu’avant la pandémie, certains émettant l’hypothèse d’une immunité insuffisante après deux années de Covid : autant de facteurs propices à l’épanouissement des médicaments qui aident à dégager le système respiratoire, en 2022. Selon le baromètre NèreS, réalisé en partenariat avec OpenHealth Company, cette catégorie de produits sur le premier recours (automédication, compléments alimentaires et dispositifs médicaux), s’impose comme le premier segment de l’officine (un chiffre d’affaires de 580 millions d’euros), enregistrant une progression significative de 40,8 % en valeur, versus 2021. Autre donnée non négligeable : le secteur affiche un niveau de croissance supérieur à celui réalisé avant la pandémie (+ 14 % par rapport à 2019). Enfin, sur ce marché où l’automédication représente 40 % des ventes, l’accompagnement d’un professionnel de santé n’en est pas moins essentiel puisque quatre Français sur cinq sollicitent l’avis du pharmacien pour soigner une toux, un rhume ou une bronchite simple (étude Harris Interactive réalisée pour Vicks en novembre 2021).

Les multisymptômes : une valeur sûre

Derrière les produits pour la toux et pour la gorge qui drivent la croissance, les références estampillées « rhume/nez bouché » et « état grippal » suivent la tendance croissante du secteur : + 28,5 % en valeur*. Écrasée par les marques historiques à forte notoriété, notamment Humex et Fervex, respectivement à la troisième et quatrième place du Top 10 des contributeurs de croissance selon le baromètre NèreS/OpenHealth Company, cette sphère de produits, principalement des médicaments, se distingue par sa grande pluralité de solutions. Alors que l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a recommandé, fin octobre 2023, « d’éviter les médicaments vasoconstricteurs par voie orale en cas de rhume » en raison « de risque d’effets indésirables, rares, mais très graves sur toutes les populations même sans facteur de risque et avec des utilisations limitées », et notamment « des infarctus et des accidents vasculaires cérébraux », les produits associant un antihistaminique et un vasoconstricteur (12,6 % de parts de marché en cumul annuel mobile à fin décembre 2022) ont progressé en 2022 de 31,3 % en valeur*. Parmi les meilleures ventes, Actifed Rhume jour & nuit et Humex Rhume. Cependant, et bien avant le communiqué de presse de l’ANSM, les consommateurs se reportaient déjà sur les antihistaminiques (20,1 % de parts de marché en valeur*) qui ont enregistré la plus forte croissance avec 48,5 %*. Fervex granulés pour solution buvable pour adultes (10,3 % de parts de marché en valeur) figure en tête de liste : + 52,2 %*.

Le naturel grignote des parts de marché

Le découpage du marché reflète les attentes du grand public : des solutions tout-en-un, prenant en charge tous les symptômes pour une efficacité globale et des médecines douces (homéopathie, compléments alimentaires à base de plantes, inhalation, solutions nasales, révulsifs…) sans contre-indications ni effets secondaires. Comme sur les autres sphères de la pharmacie, la part des produits naturels est en augmentation de 18,8 % en valeur* et grignote, en continu, des parts de marché jusqu’à représenter plus du tiers de l’offre totale avec 38,2 % de parts de marché en valeur*. Ici aussi, des blockbusters se détachent. Pour les états grippaux, le médicament homéopathique Oscillococcinum de 30 doses (Boiron) conserve sa place de leader avec 15,2 % de parts de marché en valeur*. « Un tiers des ventes procède du conseil officinal », précise Coralie Ramadier, chef de produit ORL hiver chez Boiron. Lancé en 2021, le sirop homéopathique Storinyl (1,9 % de parts de marché en valeur*), à l’action 2 en 1, a lui aussi trouvé sa place : « c’est le premier médicament du marché qui traite simultanément les symptômes du rhume et de la toux », détaille notre interlocutrice. L’autre médicament homéopathique phare du secteur, L52 (Lehning), a changé d’identité graphique, son nouveau packaging appuyant son positionnement de médication végétale. Forte de deux références à visée décongestionnante, Vicks VapoRub pommade et Vicks Inhaler, délivrés dans le traitement d’appoint du rhume, la marque Vicks (Procter & Gamble Health) reste, quant à elle, leader du segment baumes et inhalants avec 61,4 % de parts de marché (source fabricant, en cumul annuel mobile à fin janvier 2023).

Des challengers offensifs

L’offre émanant des laboratoires de santé naturelle, les challengers du marché, ne cesse de se déployer, les dernières innovations du secteur provenant d’acteurs positionnés sur cet axe. « Le segment santé naturelle ORL s’est fortement développé ces quatre dernières années, avec une croissance de 58 % à fin janvier 2023 », indique Lolita Hermosilla, cheffe de produit développement & opérationnel Naturactive chez Pierre Fabre. La crise sanitaire est aussi passée par là et n’a fait que renforcer cette tendance. « Avec le Covid, les consommateurs ont pris l’habitude de privilégier les produits naturels et ils ont gardé cette orientation », renchérit Jacky Loiseau, directeur des ventes du laboratoire Prescription Nature. Parmi les références qui ciblent les fameux coups de froid de l’hiver et les premiers signes de refroidissement : Actirub (Santé verte), Efirub (3C Pharma), No Rub’flash (Eric Favre), Flash’Rub (Arkopharma), etc. Quelques innovations récentes se distinguent, tel Respi’rub Flash Bio des laboratoires Santarôme, en comprimés, qui conjugue toutes les thérapies naturelles : phytothérapie, gemmothérapie, aromathérapie et apithérapie. « À prendre dès l’apparition des premiers symptômes d’un rhume, la formule de ce complément alimentaire contient, notamment, trois actifs anti-coup de froid fortement dosés (bouillon blanc, huile essentielle de ravintsara et gingembre) et revendique une action flash de cinq jours à 360° sur le système ORL », résume Laure Caste-Ballereau, responsable des médias off-line chargée du marketing au sein des laboratoires Santarôme. Parmi les autres innovations remarquées, citons également Sinufix capsule molle (Sylveos), un médicament à base d’huiles essentielles (citron, thym et menthe poivrée) pour le traitement du rhume. La diversification des galéniques va dans le sens du développement du secteur : les gommes qui envahissent toutes les sphères de la pharmacie ont ainsi fait leur entrée sur ce marché, avec le lancement des gummies Sanogem Frissons sous la marque de gemmothérapie concentrée HerbalGem (groupe Inula). Un intitulé pour le moins parlant qui positionne le produit, grâce à l’association des bourgeons d’aulne et de sureau noir aux propriétés antibactériennes et anti-infectieuses, sur le traitement de l’état grippal. « La facilité d’utilisation permet de recruter une cible plus jeune et l’absence d’alcool fait tomber les éventuels freins au recours à la gemmothérapie », explique Muriel Lambion, responsable de la marque HerbalGem.

Le succès des solutions salines

En vente associée, le segment des solutions nasales, destinées à décongestionner le nez en cas de pathologie, ne cesse, lui aussi, de s’étoffer à la faveur du naturel qui attire dans ses filets jusqu’aux gros laboratoires (comme le laboratoire Upsa qui a lancé sa gamme Phytovex, incluant une solution nasale pour le nez très bouché). Parmi les produits star du secteur, figurent, en peloton de tête, le Spray nasal décongestionnant Phytosun arôms, les sprays ProRhinel enfants/adultes et Extra eucalyptus, mais aussi la solution Physiomer Jet dynamique et le Spray nasal décongestionnant Pranarôm Aromaforce*. Le succès du spray ProRhinel enfants/adultes s’explique par « sa formule unique qui contient un agent tensioactif fluidifiant qui décolle les mucosités et fluidifie les sécrétions », souligne Rym Bergaya, responsable relations professionnels de santé catégories wellness et OTC au sein du laboratoire Haleon. Sur un segment bataillé, le spray Stérimar nez bouché affiche sur son emballage sa nouvelle promesse étayée par une étude clinique : « débouche le nez jusqu’à 6 h ». De son côté, le Spray nasal décongestionnant Puressentiel enregistre une hausse de + 51 % fin 2022*. Sa force : « sa formule naturelle ultra complète alliée à son efficacité cliniquement prouvée », résume Laura Otlet, cheffe de produit au sein du laboratoire Puressentiel. Pour parer aux complications d’un rhume, se traduisant par des sinus encombrés, les récents comprimés Sinus express de Puressentiel, conjuguant phytothérapie et aromathérapie, ainsi que le roller Sinus express, complètent désormais la donne. S’ajoute à l’offre, le Spray nasal aux essences Naturactive, lancé fin 2022, en complément des Gouttes aux essences. « La formule réunit une solution hypertonique d’eau de mer de Bretagne, des extraits de plantes (aloe vera et cassis) et des huiles essentielles à l’action antibactérienne et anti-inflammatoire », indique Lolita Hermosilla.

Parmi les autres innovations se trouvent le spray nasal So Aroma d’Olisma, aux huiles essentielles bio et à l’eau de mer hypertonique, indiqué pour les rhumes et les rhinites, ou encore le spray Stop’Rub (Prescription Nature) assainissant et désinfectant, à l’eau de mer, aux huiles essentielles bio et à l’extrait de propolis (en complément des gélules Stop’Rub). En 2022, l’augmentation des petits troubles de l’hiver a donné au marché rhume/état grippal toute sa mesure.

+ 26,6 %

21,1 M d’unités vendues

Croissance attribuable aux classiques anti-symptômes et aux produits positionnés « naturel » qui attirent tous les laboratoires. L’ombre jetée sur les spécialités contenant un vasoconstricteur devrait intensifier cette tendance.

+ 28,5 %

152,4 M€

Porté par une épidémie de grippe de forte intensité fin 2022, le marché s’est emballé. Pour se soigner, beaucoup de Français pratiquent l’automédication. Il faut dire que le secteur dispose d’une offre pléthorique qui répond à tous les besoins.

Source : Gers data, en cumul annuel mobile à janvier 2023.

+ 35,3 %

C’est la progression des produits naturels sur le marché de l’hygiène nasale*.

– 35 %

C’est la baisse des ventes enregistrées sur les vasoconstricteurs depuis que, le 23 octobre dernier, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a déconseillé leur utilisation en raison de risques indésirables graves tels que des AVC, des infarctus…

L’hygiène nasale n’est pas une habitude

Le segment de l’hygiène nasale reste piloté par les pathologies ORL, la prévention au quotidien n’étant pas encore rentrée dans les habitudes des Français. 78 % des personnes concernées par une pathologie ORL (rhume, rhinite allergique et rhinopharyngite) ont acheté des produits d’hygiène nasale au cours des douze derniers mois, contre 31 % pour un nettoyage quotidien, selon une étude Arcane Research sur l’hygiène nasale publiée en 2020. L’enjeu : « éduquer le consommateur à adopter une hygiène nasale quotidienne pour éviter de tomber malade et prévenir les symptômes », annonce Basile Sowka, chef de produit marketing Stérimar et OTC au sein des laboratoires Fumouze. En 2022, la croissance du marché hygiène nasale (154,3 millions d’euros*), tous produits confondus, a été au rendez-vous en augmentant de 20 %, les produits spécifiques « nez bouché » s’arrogeant 32,7 % de parts de marché (+ 25 %) en valeur, derrière les isotoniques (53,5 %, + 19,7 %*). Au global, trois quarts des acheteurs de produits d’hygiène nasale se rendent en pharmacie, détaille l’étude d’Arcane Research. Pour plus de la moitié des consommateurs (54 %), le conseil du pharmacien a influencé leur acte d’achat.

88,3 %

C’est la part de marché en valeur du médicament dans le marché rhume et état grippal*.

Oscillococcinum, leader incontesté. S’adressant à toute la famille et sans effet secondaire, le médicament homéopathique Oscillococcinum de 30 doses (Boiron), pour les états grippaux, caracole en tête du marché.

Le naturel, en hausse. En réponse à une demande croissante de la population, l’offre émanant des laboratoires de santé naturelle se déploie. Respi’rub Flash bio (Santarôme) conjugue toutes les thérapies naturelles : phytothérapie, gemmothérapie, aromathérapie et apithérapie.

Blockbusters. Sur ce marché de l’automédication par excellence, les marques résonnent comme autant de cautions et de gages de garantie, à l’image de la gamme des produits Vicks.

Les multisymptômes n’ont plus la côte. Ces solutions tout-en-un, qui figuraient au rang des meilleures ventes (Actifed Rhume jour & nuit, Humex Rhume, Dolirhume, Nurofen Rhume, etc.), sont jugées, depuis octobre 2023, « non indispensables » par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui déconseille le recours aux médicaments décongestionnants à base de pseudoéphédrine, en raison des risques liés à leurs effets indésirables (AVC et infarctus). Un segment qui subit déjà l’impact des recommandations de l’ANSM.