La soupe à la grimace
En 2001, les acteurs de la médication familiale ne sont toujours pas parvenus à réveiller ce marché potentiellement prometteur. Même les substituts nicotiniques, après le boom de l’année 2000, sont gagnés par cette léthargie.
Tel un sous-marin dont le système de propulsion est en panne, le marché de la médication familiale plonge dans les profondeurs d’un océan fait d’opacité et de paradoxes. Opacités, parce que le médicament familial n’a toujours pas de véritable statut. Paradoxes, parce que l’automédication se situe à un bon niveau dans notre pays (huit Français sur dix déclarent y avoir recours) mais bute sur des freins culturels et financiers. La tradition très française du « tout remboursé » est plus forte que tout et le consommateur n’est pas incité à acheter un médicament de vente libre non remboursable, 20 % plus cher que son équivalent remboursable.
Avec une augmentation seulement de 1,5 % (en volume) des ventes de spécialités non remboursables non prescrites et corrélativement une baisse de 1,3 % du nombre de médicaments remboursables achetés sans ordonnance en 2001, on peut difficilement conclure à un déplacement du marché de l’automédication. Celui-ci reste figé (+ 0,4 % en volume et +1,0 % en valeur) et campe sur une répartition des unités consommées à l’avantage du non-remboursable (61,8 % exactement). L’an dernier, près de 400 millions de boîtes ont été achetées en automédication, correspondant à un chiffre d’affaires de près de 1,74 milliards d’euros.
DÉCLIN POUR L’ASPIRINE…
Mais si l’on ne considère que les produits non remboursables en prenant compte des prescriptions des médecins, la tendance du marché du médicament familial (prescrit + non prescrit) s’inverse et enregistre une baisse de 0,8 % en volume (283 millions d’unités vendues en 2001) et de 0,1 % en valeur (1,45 milliards d’euros de CA). Autrement dit, la contribution des médecins au résultat a été moindre en 2001 (147 millions d’euros) qu’en 2000 (174 millions d’euros). Malgré leurs déclarations d’intention, force est de constater que le marché ne bénéficie pas de leur soutien actif.
L’analyse par classe thérapeutique montre que le premier marché de la médication familiale en CA revient aux antigrippaux (9,1 % de parts de marché), damant le pion aux antalgiques (7,5 %) qui, en revanche, occupent le fauteuil de leader au niveau des unités vendues (12,1 %).
Le marché adulte de l’antalgie est toujours largement dominé par le médicament remboursable de vente libre qui sur 2001/2002, a repris du terrain sur le médicament familial. En effet, alors que le marché des non-remboursables recule (-2,6 % en unités), « le marché de l’automédication, comprenant les remboursables et les non- remboursables, a progressé de 8,5 % en cumul sur les douze derniers mois arrêté à mars 2002 », indique Lenaïk Michel, chef de produit chez Upsa.
… REGAIN POUR LE PARACÉTAMOL
Cette croissance est tirée par le paracétamol (+ 12 %, 60,1 % de parts de marché), alors que l’ibuprofène (20,5 %), qui avait jusqu’ici le vent en poupe, est rentré dans le rang (+ 2 %) et que l’aspirine (19,4 %) poursuit sa chute (- 6 %). Expliquant cette reprise en main du paracétamol, Florence Percie du Sert, responsable de la communication externe chez Upsa, cite l’effet positif des recommandations 2001 de l’EULAR (European League Againts Rhumatism) qui qualifie cette molécule d’antalgique de première intention. De plus, « les lancements des formes 1 g de Doliprane et Efferalgan ont contribué à la croissance du marché de l’antalgie d’automédication », ajoute Lenaïk Michel. En 2002, l’Aspirine Upsa vitamine C n’est plus remboursée mais « le laboratoire n’envisage pas de nouvelle stratégie. Les consommateurs d’aspirine sont très fidèles à cette marque. Avant déremboursement, 75 % des unités étaient achetées par automédication et non présentées au remboursement. »
Antigrippaux et cicatrisants, rares satisfactions
Sur les dix premières familles du marché défini par IMS, les antigrippaux (+ 3,4 % en volume) et les cicatrisants (+ 5,1 %) sont les deux seules classes à apporter quelques satisfactions. En revanche, la déception est de mise pour les substituts nicotiniques qui représentent aujourd’hui le cinquième poste de l’automédication en valeur (6,2 % de parts de marché, 3,7 millions d’unités vendues). Après la belle percée qui a suivi leur délistage à la fin 1999, voici qu’en 2001, ils marquent déjà le pas (- 0,5 % en volume, – 6,6 % en valeur) ! Diane Brément, chef de produit Nicorette (Pharmacia) se déclare toutefois peu surprise par cette douche froide, précisant « qu’une stabilisation du marché était attendue après le doublement des ventes en 2000 ». Les patchs mis à part (65 % des ventes 2001), le reste du marché (les formes orales) garde des couleurs : il s’est vendu, en 2001, 1,15 millions de gommes contre 1,09 millions en 2000 et les ventes de comprimés ont progressé de 31 %, passant de 113 à 148 milliers d’unités. Malgré ce bon score, ils ne représentent que 4 % du marché.
Sur le premier trimestre 2002 par rapport au même trimestre de l’année précédente, la tendance reste bien orientée pour ces deux segments bien portants du marché (+10 % pour les gommes et doublement des unités vendues pour les comprimés). En revanche, les patchs ont accusé un sévère recul (-20 % à – 30 % sur octobre dernier) après la commercialisation de Zyban, lancé par GSK en septembre 2001. Ils continuent d’ailleurs à chuter sur le début de l’année 2002. « Historiquement, les patchs sont des produits de prescription, commente Diane Brément, il n’est donc pas étonnant qu’ils soient touchés de plein fouet par la concurrence faite par Zyban. Par ailleurs, de l’avis même des tabacologues, les fumeurs se retrouvent davantage dans les gommes, les comprimés ou la forme inhaler 10 mg de Nicorette que nous avons lancée en avril dernier, car ils ne veulent pas d’un sevrage passif. »
Pour dynamiser le marché des aides au sevrage tabagique , GSK a lancé également début 2002, cette fois sur le marché grand public, Niquitin comprimé à sucer et Niquitin Clear, patch transparent. Une stratégie de lancement qui a surpris plus d’un observateur, dans la mesure où sur le dernier trimestre, Zyban a détourné à son profit un certain nombre de fumeurs des produits d’automédication. « L’arrivée de Zyban a provoqué des turbulences sur le marché des substituts nicotiniques, ne conteste pas Audrey Varona, chef de gamme Niquitin, mais celui-ci devrait prochainement se stabiliser. »
Quant au fondement de la stratégie de GSK, « Zyban est complémentaire des produits OTC, chaque fumeur devant trouver le produit adapté à sa personnalité, explique-t-elle. Il existe différentes typologies de fumeurs qui veulent arrêter le tabac. Il y a ceux qui ont besoin de contrôler leur sevrage (comprimés, gommes), ceux qui ressentent le besoin d’être protégé (patchs) ou d’avoir une prise en charge médicalisée (Zyban). Il y a une similarité des profils de consommateurs pour ces deux derniers produits, mais l’objectif de Zyban n’est pas de cannibaliser le marché des patchs mais au contraire d’élargir le marché. Le potentiel reste important : 80 % des fumeurs s’arrêtent seul, sans aucune aide thérapeutique… »
MAALOX EN FORME, LES ANTIRHUMES CONVALESCENTS…
Niquitin comprimé s’est très vite implanté en officine avec le cinquième des parts de marché des formes orales deux mois après son lancement. Pour Niquitin clear, le démarrage est plus lent. Néanmoins, il représentait en mai dernier 44 % des ventes de patchs Niquitin.
Le marché des produits de la digestion n’est guère mieux loti (chute des volumes de 0,4 %). Dans la classe des anti-acides, Maalox se taille la part du lion (53,5 % de parts de marché) grâce à sa politique de développement de la marque « ombrelle » et au lancement en mai 2001 de la forme Maalox sachets compacts. Citant des données GERS, Sophie Hirsch, chef de marque chez Théraplix (groupe Aventis Pharma) annonce une progression de 7 % des unités de Maalox contre une baisse de 9,7 % pour son concurrent le plus direct, Rennie (en cumul mobile annuel à février 2002). On se souvient que la marque Maalox avait fait l’objet d’un déremboursement volontaire en octobre 1999. « Le déremboursement d’une marque à forte notoriété en prescription est une opération délicate qui engendre une baisse immédiate du CA dans un premier temps, explique-t-elle. Mais le choc a été vite amorti, dès l’année suivante. Le nombre des unités vendues en automédication a augmenté de plus de un million en deux ans. »
La France se caractérise par toujours autant de prudence sur le délistage de molécules. Sur le segment des voies ORL, la tutelle fait même machine arrière en décidant de soumettre à la prescription tous les anti-rhumes oraux à base de phénylpropanolamine (PPA) jusque là disponibles en automédication. Mis en cause pour un risque très faible mais grave d’hémorragie cérébrale, les décongestionnants oraux contenant de la PPA sont passés en juillet 2001 sur liste I. Une mesure de santé publique décidée dans le cadre du principe de précaution que ne conteste pas Patrick Block, président de l’AFIPA (Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable). « Il convient, en effet, d’être prudent compte tenu de l’existence de quelques rares accidents en France. Cependant, le fait de changer ces médicaments de statut ne préservera pas plus la santé publique car l’apparition de ces accidents est fortuite et aucun facteur de prédisposition n’a pu être identifié. Il aurait mieux valu prendre des arbitrages qui ne soient pas des demi-mesures : soit le principe actif est dangereux et on le retire du marché, soit il ne l’est pas et on le maintient en OTC sous le contrôle du pharmacien. Les enquêtes de l’AFIPA montrent que les patients/consommateurs ne prennent pas un médicament d’automédication à la légère, lisent les notices, et font confiance à la fois au médecin et au pharmacien pour s’automédiquer. »
En 2001, le marché des anti-rhumes a perdu environ 3 % en valeur et 4 % en volume. « Ce recul est davantage dû à la baisse des pathologies hivernales qu’au retrait de la PPA », assure Bruno Rivals, directeur des affaires publiques Pfizer. En revanche, le retrait d’Actifed jour et nuit – seule forme de la gamme Actifed contenant de la PPA – et la mise en place d’une nouvelle formulation à base de pseudoéphrédine – molécule restant disponible sans ordonnance – a fait perdre à cette marque son leadership… pendant deux mois. « Lissés sur un an, les résultats d’Actifed sont en ligne avec l’évolution du marché », s’empresse de corriger Franck Drouet, responsable marketing de Pfizer Santé Grand Public. Aujourd’hui, Actifed a retrouvé sa place de numéro un, grâce à un fort taux de notoriété globale (79 %) et un capital confiance élevé auprès des consommateurs (62 %) selon un sondage Sofrès effectué en avril dernier.
MICROLAX, NUMÉRO UN DES LAXATIFS
Le marché des laxatifs ne déroge pas à la tendance générale du marché. Le recul des unités (- 2,5 %) s’explique notamment par le retrait de la présentation en gelée de Tamarine, troisième produit du marché. Quant au numéro un, Microlax (23 % du marché en sorties consommateur), Lionel Parra, chef de produit chez Pharmacia, nous explique que la chute en unités constatée en 2001 (- 20 %) est trompeuse. « En réalité, le nombre de canules consommés a progressé de 15 %. Les présentations en boîte de 6 récipients unidoses ont été remplacées par des boîtes de 4 pour des épisodes de constipation occasionnelle et de 12 pour des sujets qui en souffrent un peu plus souvent, tout en maintenant des prix compétitifs par rapport à la concurrence. La répartition des ventes de ces deux présentations est de 30 % pour le petit modèle et de 70 % pour le modèle économique. »
– 0,1 %
L’officine a réalisé un chiffre d’affaires de 1,45 milliard d’euros (- 0,1 % par rapport à 2000), correspondant à 283 millions d’unités vendues (- 0,8 %).
Source IMS Health.
PAROLES DE CLIENTS…
Gisèle, 52 ans, VRP : « J’accorde peu de droit à l’erreur aux médicaments d’automédication. S’il n’y a pas d’amélioration visible au bout de 24 ou 48 heures, je vais voir mon médecin. Et d’une manière générale, j’ai peu le réflexe de me soigner seule. Dans l’armoire à pharmacie, j’ai bien une boîte d’Aspégic pour combattre la fièvre et un ou deux produits contre la douleur, mais le plus souvent face à une grippe, ça se termine presque toujours chez le médecin par des antibiotiques. Ce n’est pas fait pour que je m’automédique davantage… »
Marie-Pierre, mère au foyer, 54 ans : « Quand je suis enrhumée, j’ai toujours le nez qui se bouche et, la nuit, cela m’empêche de dormir. Il y a une dizaine d’années ou peut-être plus, on pouvait acheter sans ordonnance des gouttes qui débouchaient bien le nez, c’était formidable ! Maintenant, il faut aller voir son médecin pour se les procurer. Heureusement, il y a encore des produits en pharmacie en vente libre et par voie orale qui soulagent efficacement. Certains d’entre eux nécessitent, paraît-il, depuis peu de présenter une ordonnance. Je fais totalement confiance à mon médecin qui est à même de juger si le produit prescrit est sans risque pour ma santé. »
Thierry, informaticien, 40 ans : « J’ai un job très prenant. Il m’arrive de passer des journées entières devant mon écran d’ordinateur, et parfois ça se solde par un bon mal de tête. En sortant du bureau, je file à la pharmacie la plus proche. Je fais confiance au pharmacien pour me conseiller le médicament le plus efficace et le plus adapté à mon cas. Même si je sais qu’il sera enclin à me vendre un produit sur lequel sa marge est la plus forte. »
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