Marchés Réservé aux abonnés

La cosméto, c’est du solide

Publié le 24 juin 2023
Par Carole De Landtsheer
Mettre en favori

 

Redonner une image dynamique au rayon de l’hygiène et du soin cutanés, tout titulaire le souhaite. Facile à conseiller en raison de son positionnement naturel et sécurisant, la cosmétique solide pourrait bien incarner ce renouveau. Est-elle en passe de devenir une valeur sûre de l’officine ?

 

Quasi inexistante il y a encore 10 ans, la cosmétique solide s’est imposée à tous les circuits, officine comprise. Pourtant historique, cette galénique endormie a regagné ses lettres de noblesse à la faveur du dérèglement climatique et du réveil écologique des Français. Son atout : une promesse zéro plastique conjuguée à une offre diversifiée qui couvre, désormais, plusieurs segments de l’hygiène-beauté et qui ne se cantonne plus au simple pain de savon lavant pour le corps : shampooings, après-shampooings, déodorants, nettoyants visage, crèmes, etc. Concentrées en actifs naturels, les formules ont gagné en sensorialité et rivalisent sans peine avec les cosmétiques traditionnels. 

Montée en puissance 

« A l’image du bio qui a été vulgarisé par les grandes et moyennes surfaces (GMS), la cosmétique solide a gagné en notoriété avec l’apparition des marques de masse », commente Anaïs Dupuy, business development manager chez Kantar. C’est, en effet, le circuit de la GMS qui a contribué à la démocratisation et à la visibilité de ce marché avec l’arrivée, à partir de 2019, de mastodontes de l’hygiène-beauté, tels L’Oréal (Garnier, Dop), Henkel (Nature Box) ou encore Beiersdorf (Nivea), faisant de la galénique solide une tendance de fond, avec pour porte d’entrée les shampooings. Preuve de sa bonne santé il y encore deux ans : en 2021, en GMS, ce marché réalisait 85 millions d’euros et enregistrait une croissance de + 14 % en valeur (versus 2019, source : IRI). 

Côté officines, elle s’implante sous la houlette de petites marques spécialistes (Lamazuna, Comme Avant, Respire, Endro, BeauTerra, Les Petits Prödiges) qui brandissent des compositions « clean » et naturelles en phase avec les exigences du circuit pharmaceutique, rapidement suivies par les plus grandes, véritables emblèmes de la dermocosmétique, qui ont ajouté à leur offre préexistante des références solides (Klorane, Nuxe, MKL, Clarins ou, plus récemment, la marque Cavaillès, qui s’est enrichie de trois nettoyants visage). Tous circuits confondus, le taux de pénétration des solides est de 7,4 % fin 2022 (contre 1 % en 2019, source : Kantar) et a séduit 3,9 millions d’acheteurs. Après deux années fastes (2020 et 2021), cette catégorie de produits montrerait des premiers signes d’essoufflement.

Publicité

Effet de mode ? 

D’après l’étude Kantar intitulée « Les initiatives vertes », datant de fin 2022, le développement du marché, tous circuits confondus, marque un temps d’arrêt dans son recrutement malgré le développement de l’offre sur des catégories mineures (déodorants et lavants corps solides). Un palier semble être atteint, principalement sur le « haircare » qui compose le segment saillant du secteur : son taux de pénétration décroche à 5,3 % fin 2022 (versus 6,3 % en 2021, d’après Kantar). « Beaucoup de lancements soutenus par la promotion ont attiré des consommateurs qui ont voulu essayer et qui se sont retirés. Quand une innovation est lancée, une partie des acheteurs est séduite, une autre ne revient pas », commente Anaïs Dupuy. Le marché serait-il arrivé à maturité, ses ventes commençant à se stabiliser après avoir connu une croissance rapide ? Ou est-il voué à redémarrer ? « Le secteur de l’hygiène-beauté est caractérisé par des cycles », tempère Anaïs Dupuy. 

D’autres hypothèses sont avancées : « L’euphorie du marché, marquée durant les années “Covid-19”, est retombée. Elle peut s’expliquer par une forme de lassitude et, surtout, par l’inflation actuelle qui change les habitudes de consommation et incline à un arbitrage : on revient aux essentiels, on cherche du prix », souligne Nicolas Grélaud, directeur des opérations chez OpenHealth. « Avec la crise, les gens s’inquiètent moins pour la planète. Quand elle s’achèvera, on peut s’attendre à une reprise », abonde Laëtitia Van de Walle, fondatrice de la Lamazuna, marque pionnière de cosmétique solide en officine, forte de 35 références.

Acteurs spécialistes 

Le consommateur de cosmétiques solides est aujourd’hui comblé par une offre hétéroclite, principalement en officine. Ici aussi, « les shampooings composent le segment phare du marché », relève Pauline Raillard, directrice commerciale de la marque Respire, et affichent une involution de – 3,1 % pour un chiffre d’affaires estimé à 1,76 million d’euros (source : Gers, cumul annuel mobile mars 2023). Le circuit officinal dispose cependant d’un atout majeur : il abrite nombre de petites marques naturelles spécialistes et innovantes qui n’hésitent pas à développer leur offre sur des territoires moins attendus : soin lavant intime, répulsif antimoustique, démaquillant, pain de rasage, crème solaire, parfum, etc. Les segments des démaquillants et des déodorants solides se développent et enregistrent une progression respective de + 46,8 % et de + 177,6 % (Gers). Et l’arrivée de nouveaux acteurs dans la course continue d’ouvrir le spectre du marché. Citons la marque Maia, récemment implantée en pharmacie, qui commercialise, depuis le début de l’année, des solides ménagers (savon pour vaisselle, nettoyant multisurfaces, etc.) et des lessives solides.

Marché de niche 

Actuellement, la demande globale se stabilise et le marché de la cosmétique solide, en officine, reste encore un marché de niche : « La place des solides en pharmacie est réduite par rapport à l’offre des magasins et épiceries bio et de vrac, tournés vers le zéro déchet », fait remarquer Sophie Lauret, créatrice de la marque Comme Avant. Mais les clients adeptes d’une consommation responsable, exigeants vis-à-vis des compositions des produits et en quête de naturel, sont toujours là. « Tous circuits confondus, ils représentent 29 % des volumes, suivis des “promophiles”, en quête de bonnes affaires », indique Anaïs Dupuy. Point non négligeable pour renouveler sa patientèle, la cosmétique solide draîne une catégorie d’acheteurs plus jeunes, engagés dans une démarche de transition écologique. 

Par ailleurs, les positionnements différenciants sont toujours remarqués, comme celui de la marque Les Panacées qui propose des solides en format voyage (25 g) dans des étuis en liège et qui a été référencée par le groupement Boticinal. 

Reste à savoir si l’argument phare de la cosmétique solide, c’est-à-dire sa lutte en faveur de l’écologie, résistera à « l’avènement, sur les formes liquides, de nouveaux emballages sans plastique et biodégradables, voués à se développer », interroge Nicolas Grélaud.