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LA CHASSE EST LANCÉE !

Publié le 1 septembre 2021
Par Favienne Colin
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Les commerces jettent chaque année quantité de produits. Pour éviter tout gâchis, le législateur hausse le ton. Résultat : pharmacies, laboratoires et prestataires se mobilisent. Un peu.

C’est inédit dans le milieu pharmaceutique. En juin dernier, le laboratoire Pierre Fabre annonçait son partenariat avec la start-up Phenix, spécialisée dans l’anti-gaspillage. Depuis, des centaines de palettes de produits invendus Avène, Ducray, ou encore Klorane ont été offertes à des associations, au profit de personnes isolées en situation de précarité. L’industrie s’organise avant l’entrée en vigueur, en janvier 2022, de la loi anti-gaspillage et pour l’économie circulaire (AGEC), qui interdit la destruction des invendus non alimentaires, notamment des produits d’hygiène, le babycare, etc.

Des réflexes venus de l’alimentaire.

Conçue au départ pour limiter les déchets alimentaires en grande distribution – laquelle peut défiscaliser les dons à hauteur de 60 % du prix HT –, Phenix étend désormais son champ d’action aux cosmétiques et à l’hygiène. Et en plus de sa capacité à livrer des associations depuis des magasins, elle dispose d’une application. Avec elle, le grand public peut, avec son smartphone, acheter à prix réduit des produits bientôt périmés. Une manière de ne pas gâcher la nourriture en général, de faire des économies tout en servant une bonne cause et d’éviter les frais de gestion des déchets pour les points de vente et les usines. Un mouvement qui pourrait bien s’amplifier. « Nous sommes de plus en plus contactés par des réseaux de pharmacies ou des prestataires de pharmacies, qui se mettent en ordre de bataille », confie l’ex-banquier d’affaires Jean Moreau, fondateur de Phenix, qui travaille déjà avec le groupement de pharmacies Pharmavie depuis deux ans.

Gagnant-gagnant.

Signe des temps, d’autres se sont lancés dans la lutte contre le gaspillage, comme Comerso ou Too Good To Go. Au-delà des magasins d’alimentation, l’application Too Good To Go référence par exemple des boutiques de nutrition sportive. Là aussi, l’objectif est d’éviter les déchets qui ont un coût de destruction, en plus d’un impact environnemental négatif. Autre bonne nouvelle : la prestation a des effets bénéfiques en cascade pour les entreprises. Une fois les produits sur l’appli, ils sont généralement vite vendus, en quelques heures. Pour le commerce, plus besoin de les signaler au fournisseur, ni de les stocker en attendant son passage. C’est un gain de temps. De plus, c’est une opportunité de se faire connaître par de nouveaux clients. Et les consommateurs sur ces applis en profitent souvent pour des achats complémentaires. A quand en pharmacie ?

Contribuer à la gestion des produits abandonnés.

La possibilité de recycler le matériel médical est moins connue. Les officines peuvent faire récupérer les chaises roulantes, lits médicalisés ou autres scooteurs. C’est le cas avec Envie Autonomie, par exemple. Cette association, présente sur tout le territoire via 13 structures, assure une remise en état du matériel par des personnes en réinsertion et sa revente. « Les pharmacies peuvent réorienter leurs clients vers nous, ou nous pouvons récupérer le matériel dans leurs locaux lors de collectes ponctuelles », précise Noëllie Frances, chargée de communication de la structure.

Moins surstocker.

Eviter de gaspiller consiste aussi à moins stocker, ou à se débarrasser de surstockage ponctuel. C’est ce que proposent des sociétés comme Le Comptoir des Pharmacies ou Medcycle. Leur plateforme permet la mise en relation entre pharmaciens. Les uns ont des stocks sur les bras à brader pour limiter les pertes, les autres peuvent acheter dans de bonnes conditions commerciales. Et les besoins sont là : « Le surstock moyen des officines clientes du Comptoir des Pharmacies est passé de 10 000 € à 25 000 € depuis le début de la crise sanitaire », confie Charles Romier, co-fondateur de la plateforme Le Comptoir des Pharmacies en plein essor. La chasse au “gaspi” est bien ouverte.

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70 %

Des utilisateurs de Too Good To Go utilisent l’application pour améliorer leur pouvoir d’achat, 30 % dans un acte militant antigaspi.

(Source : enquête Too Good To Go)

15 000 €

C’est la valeur des produits jetés chaque année dans une officine.

(Source : enquête de l’émission Capital diffusée en mars sur M6)

LE PAPIER ET BIEN D’AUTRES

Eviter le gaspillage ne se limite pas au papier ! Un groupe de pharmaciens suisses, qui propose des formations au sein de sa structure baptisée Pharmasee, va dédier un cours à l’antigaspi. « Nous nous sommes adressés à deux expertes de l’environnement et de la gestion des déchets », explique Shekyb Solh Dost, co-fondateur de Pharmasee. Les cours seront organisés autour de quatre thématiques. La première concerne le papier dans un pays sans carte vitale où toute ordonnance est imprimée ; le deuxième porte sur le médicament (création d’éco-points, démarches à engager auprès des patients lors d’un deuil, d’une entrée ou sortie d’hôpital…) ; le troisième évoque l’énergie (minuteur systématisé, ampoules adaptées…) ; et le quatrième parle d’emballage (impact des piluliers…). C’est concret !