
Jusqu’à + 368 % : pourquoi l’écocontribution européenne peut faire bondir les prix des génériques
Adoptée dans le cadre de la révision de la directive européenne sur le traitement des eaux urbaines résiduaires (DERU), la nouvelle écocontribution exigera des industries pharmaceutique et cosmétique qu’elles financent une partie du coût de l’élimination des micropolluants présents dans les eaux usées. Ce principe du « pollueur-payeur », soutenu par la Commission européenne, vise à réduire l’empreinte environnementale des produits.
Mais cette mesure, dont la mise en œuvre est prévue pour 2029, suscite de vives inquiétudes parmi les industriels du médicament générique, déjà confrontés à une rentabilité structurellement faible.
Un modèle économique fragilisé
Les médicaments génériques représentent 70 % des prescriptions en Europe, mais seulement 19 % de la valeur du marché pharmaceutique, selon les données de Medicines for Europe. Leur modèle économique repose sur des prix bas et des volumes élevés, sans les coûts de recherche associés aux médicaments princeps. Or, l’écocontribution pourrait alourdir significativement les coûts de production de ces médicaments, menaçant leur rentabilité.
« Les taxes supplémentaires pourraient représenter une charge si lourde pour les fabricants de génériques qu’ils ne seraient pas en mesure de poursuivre leurs activités à plein régime et seraient contraints d’arrêter la production de certains médicaments », alerte Steffen Saltofte, P.-D.G. de Zentiva.
Une hausse des prix à trois chiffres
Selon une question écrite adressée à l’Assemblée nationale, l’écocontribution pourrait avoir un impact tarifaire majeur. Le syndicat Medicines for Europe évoque par exemple une hausse de 368 % du prix de l’amoxicilline aux Pays-Bas, si la directive était appliquée en l’état.
En France, où les génériques sont en moyenne 40 % moins chers que dans les autres pays européens (données du Gemme, Groupement des entreprises du médicament générique), cette politique tarifaire avantageuse pourrait être remise en question.
Bruxelles minimise l’impact
De son côté, la Commission européenne se veut rassurante. Selon ses estimations, l’augmentation moyenne du coût des produits pharmaceutiques induite par l’écocontribution serait comprise entre 1,9 et 2,40 euros par an et par personne d’ici 2040, soit 0,6 à 0,7 % de hausse globale. Cette moyenne s’applique à l’ensemble des médicaments et pays européens, et ne reflète pas les variations spécifiques selon les molécules ou les marchés nationaux.
Bruxelles justifie cette mesure par la nécessité de responsabiliser les industriels, tout en encourageant le développement de médicaments moins polluants.
Les génériqueurs montent au créneau
Regroupés au sein de Medicines for Europe, les industriels du générique appellent à une révision de la directive. Ils craignent des pénuries massives, susceptibles d’affecter des millions de patients à travers l’Europe. La directive est également contestée sur le plan juridique : la fédération européenne des laboratoires pharmaceutiques (EFPIA) a saisi la Cour de Justice de l’Union européenne, estimant qu’elle risque de provoquer une explosion des prix et de perturber l’accès aux traitements.
Contactés par Pharmacien Business, les principaux syndicats et laboratoires français du générique n’ont pas souhaité commenter à ce stade.
Une directive encore en débat
D’ici 2029, les négociations entre les autorités européennes et l’industrie pharmaceutique vont se poursuivre. Objectif : trouver un équilibre entre impératifs environnementaux et accès équitable aux médicaments. Pour les génériqueurs, le compte n’y est pas. Et le risque de désengagement sur certains médicaments essentiels est bien réel.
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