« IL NE FAUT PAS AVOIR PEUR DE VENDRE »
La pharmacie vit un tournant stratégique. Plutôt que de se recentrer sur son cœur de métier, Nicolas Benoniel, fondateur du cabinet d’études Gallileo Business Consulting, préconise d’investir massivement dans la parapharmacie et ses marchés de niche. Chiffres à l’appui.
A l’heure où la crise économique frappe les pharmacies, quelles doivent être leurs stratégies de développement ?
NICOLAS BENONIEL : Sur le marché de la pharmacie, une mutation est en train d’opérer. Doit-elle axer son développement sur des services de prévention et de dépistage ? Quelle place accorder à la parapharmacie ? Actuellement, la pharmacie se cherche un nouveau modèle. C’est pourquoi différents profils d’officinaux se dessinent, selon leur vision stratégique du marché de demain. Certains choisissent de se concentrer sur leur cœur de métier historique en boostant leur activité de prescription. D’autres investissent dans la dermocosmétique pour rivaliser avec la grande distribution et les parfumeries. Je pense que c’est ce dernier modèle qui est gagnant.
Voilà un point de vue à contre-courant du discours actuel qui tend à privilégier le cœur de métier ?
Le pharmacien doit prendre conscience qu’il est un acteur économique, en concurrence avec 23 000 officines mais aussi avec d’autres réseaux comme la GMS, les parfumeries et les parapharmacies. Nous avons mené, au sein de Gallileo Business Consulting, une étude sur le marché de la dermocosmétique en pharmacie* qui, en déterminant trois profils de pharmacies, est révélatrice. Le pharmacien « traditionnel », qui a fait le choix de se recentrer sur la prescription, développe un chiffre d’affaires deux fois inférieur à la moyenne du marché. Une autre catégorie de pharmacies, que nous avons baptisées les « ministores » et qui consacrent 22 % du chiffre d’affaires à la parapharmacie, présente des résultats dans la moyenne du marché. Les pharmacies dites « dynamiques », sur le segment de la dermocosmétique, ont un chiffre d’affaires deux fois supérieur à la moyenne nationale, en dépit d’une surface de vente deux fois plus réduite. Le pharmacien ne doit pas avoir peur de vendre. La dermocosmétique permet aux équipes de renforcer leur rôle de conseil. Par exemple, un patient sous traitement de chimiothérapie peut avoir des attentes spécifiques pour soigner sa peau.
Quelles sont ces officines dynamiques que vous décrivez ?
Elles ont investi sur des marchés de niche, comme les produits naturels, l’aromathérapie… Elles ont une approche proactive dans le choix, plus sélectif, des marques, et d’animation du point de vente, ce qui leur permet de créer une fidélité et un attachement du consommateur. Leurs clients poussent la porte de la pharmacie pour la dermocosmétique et reviennent avec des prescriptions : c’est un cercle vertueux. Elles représentent un quart des pharmacies. Le potentiel est important car ce marché ne représente que 6 % du chiffre d’affaires des officines.
Comment investir le marché de la parapharmacie et le rendre attractif ?
Le titulaire doit être un chef d’entreprise et analyser ses besoins de clientèle : quels sont les clients qui fréquentent l’officine ? Que recherchent-ils ? Il doit aussi décider de travailler son image à travers les prix. La pharmacie doit pouvoir drainer du trafic afin d’exploiter d’autres marchés que le médicament. Et bien sûr, l’équipe officinale doit, en priorité, faire en sorte que le client ait envie de revenir.
Pour créer ce lien avec les patients, faut-il mettre l’accent sur un système de fidélité ?
Oui, mais dans les officines les outils de fidélisation sont rares en raison du risque de sollicitation de clientèle. Pour que les pharmacies parviennent à fidéliser une clientèle, les marques doivent s’impliquer. Elles pourraient proposer par exemple un système de couponing permettant à un client de recevoir des bons d’achat sur une même marque. Dans ce cas, il n’y a pas de sollicitation de clientèle car le coupon dépend du bon vouloir du consommateur.
Comment les pharmacies peuvent-elles rivaliser avec la GMS ou les grandes enseignes de parfumeries ?
Avec un maillage territorial constitué de 23 000 points de vente, les pharmacies constituent le plus grand réseau de proximité. Aujourd’hui, les consommateurs segmentent leur panier d’achat. De ce point de vue, l’officine a une carte à jouer : il y a là un vrai potentiel car seulement 15 % des consommatrices font leurs achats de dermocosmétique en pharmacie. Or, la pharmacie est capable d’offrir la plus large palette possible de produits et de prix sur ce marché. Il faut faire pousser les graines qui sont déjà là, comme l’hygiène corporelle ou les compléments alimentaires, car, sur le marché de la prescription, le pharmacien n’a pas la main.
Existe-t-il une recette pour donner envie d’acheter ?
La pharmacie doit véhiculer une image prix en sélectionnant quelques produits d’appel qui devront faire l’objet d’un agencement spécifique. En réalité, le pharmacien doit agencer son espace de vente de manière à ce que les offres promotionnelles soient mises en avant, comme en GMS, par des stop-rayons et des gondoles. Il faudrait aussi veiller à créer une meilleure ambiance d’ensemble afin d’aider la clientèle à mieux s’orienter dans le point de vente. Enfin, il est aussi important de ne pas proposer trop de marques.
* Etude réalisée en juin 2011 auprès de 300 officines.
Nicolas Benoniel, diplômé de l’ESSEC, fondateur en 2001 de Gallileo Business Consulting
Cette société de conseil spécialisée dans la santé réalise des études sur le positionnement dans de nouveaux marchés, le marketing stratégique et la « performance » commerciale.
Mieux connaître sa clientèle
Quels sont les comportements des consommatrices dans une officine ? Que recherchent-elles ? La dernière étude de Gallileo Business Consulting, menée auprès de 2 085 consommatrices en pharmacie, donne des chiffres révélateurs :
– 85 % des consommatrices n’ont pas acheté de dermocosmétique en pharmacie durant les douze derniers mois.
– 60 % des consommatrices qui achètent ces produits dans une pharmacie sont fidèles à cette pharmacie.
– 42 % se rendent en pharmacie pour leurs produits dermocosmétiques.
– 23 % comparent systématiquement les prix pratiqués.
– 38 % attendent l’avis spontané d’un pharmacien.
– 21 % se montrent très sensibles à la communication en officine.
– 25 % jugent le nombre de marques de dermocosmétique insuffisant.
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