Hygiène intime : un marché de plus en plus naturel

On n’achète pas un produit d’hygiène intime par simple plaisir et on accède à cette catégorie de produits principalement pour traiter une problématique précise : démangeaison intime, irritation, sécheresse vaginale, mycose… De plus, le premier achat, en pharmacie, a lieu à un âge relativement avancé (37 ans), détaille la dernière étude de l’institut Arcane Research (2022), intitulée « Hygiène intime en pharmacie/parapharmacie : profils, comportements, attentes des acheteuses ». Ce marché, aussi, principalement drivé par la prescription et le conseil, affiche une hausse légère à + 4,2 %*en valeur, si l’on s’en tient au périmètre de l’hygiène intime stricto sensu, qui inclut les produits lavants. Si l’on ajoute à cet ensemble les soins (crèmes et ovules vaginaux), la croissance est plus franche : +7,4 %* (source Gers Data).

Un sujet encore tabou

Selon une étude Ifop réalisée pour Omnicon PR Groupe et la marque Hydralin, par questionnaire en ligne (du 25 avril au 2 mai 2023), 60 % des femmes interrogées sont gênées à l’idée d’aborder un désagrément intime avec un professionnel de santé et 41 % indiquent avoir déjà retardé des consultations avec des professionnels de santé. Cette gêne est encore visible dans l’officine : nombre de femmes se dirigent toutes seules vers le rayon hygiène intime, la marque jouant alors son rôle de caution rassurante. Pour accompagner les femmes et les aider à sortir de cette zone d’ombre, les marques communiquent. Par exemple, Saugella (Viatris Médical) diffuse des conseils sur les réseaux sociaux (Facebook et Instagram). De son côté, le laboratoire Bayer HealthCare a lancé fin 2022, sa plateforme digitale de téléconseil gratuite, ParloGyn.fr., « qui permet de consulter des articles et de poser des questions à un gynécologue en tout anonymat », explique Sophie Mure, directrice marketing, en charge de la marque Hydralin, au sein du laboratoire Bayer HealthCare. A la rentrée, des stop-rayons relayeront, dans l’officine, l’existence de cette plateforme. « Il ya peu de recrutement sur ce marché, encore tabou », résume Eva Xueref, chef de produits Cavaillès Intime, au sein du laboratoire Bolton. Le conseil du pharmacien est donc clé pour donner à ce marché toute sa mesure, a fortiori face à l’abondance de l’offre.

La pharmacie, temple de l’hygiène intime

Grand gagnant, le circuit pharmaceutique concentre à lui seul 85,6 % des achats de la sphère « hygiène intime » pour un chiffre d’affaires estimé à 79,3 millions d’euros, quand les grandes et moyennes surfaces ne récoltent que 13,2 % de parts de marché en valeur, selon le Gers Data). Sur ce circuit concurrent, les gels intimes (61 % de parts de marché en valeur) et les lingettes intimes enregistrent, toutefois, une croissance dynamique (respectivement + 15,1 % et + 7,4 %, source Iri Worldwide, en cumul annuel mobile à fin mai 2023). Pour sa part, la pharmacie est appréciée, précise l’étude Arcane Research, pour ses marques qui inspirent confiance (36 % des interviewées), la spécificité de ses produits (30 % des répondantes) et le conseil du pharmacien (33 %). Un conseil particulièrement recherché, toujours selon Arcane Research, par les plus jeunes, de 18 à 29 ans (38 %). Une forte fidélité est ici de mise : les femmes achètent pratiquement toujours la même marque (86 % des déclarantes).

Des marques souveraines

Une aubaine pour les marques historiques et expertes du secteur dont les positions restent fortes. Leader du secteur, la marque Saforelle (Biocodex) s’arroge 31,4 % de parts de marché en valeur (source : Gers Data), portée par son blockbuster, le Soin lavant doux. Une solution 2 en 1 « à la fois adaptée à un usage quotidien et en cas d’irritations », rappelle Ambre Manseau, responsable marketing santé de la femme au sein du laboratoire Biocodex. La croissance du laboratoire Biocodex (+ 9,4%, en valeur, Gers Data) profite au marché. Quant à la marque Hydralin (Bayer HealthCare), elle détient 20,3 % de parts de marché en valeur (Gers Data) et se distingue avec ses deux fleurons, Hydralin quotidien et Hydralin Gyn. Pour sa part, la gamme Saugella (Viatris Médical), à base d’extraits de plantes, réalise 7,1 % de parts de marché en valeur (Gers Data). Elle cible, depuis 2022, les femmes enceintes et en post-partum avec son nouveau soin lavant expert Triple action, à base de thym et de zinc. Plus largement, ce produit s’adresse à toutes les femmes qui ont besoin d’une protection renforcée dans certaines situations du quotidien pouvant engendrer des désagréments intimes (règles, sport, voyage).

Les soins spécifiques tirent la croissance

Face à l’offre « officielle » et installée de l’hygiène intime en pharmacie, l’espace laissé aux nouveau entrants est mince. Mais certains s’y risquent tel le laboratoire Neutraderm qui a lancé, en 2023, sa gamme d’hygiène intime, forte de 2 références, un soin lavant multi-cibles (enfant, adulte et senior) et une crème apaisante. Son positionnement (répondre au besoin des peaux sensibles avec des ingrédients doux) lui confère une légitimité spontanée sur ce marché. Son accroche : le complexe Active Oligo Skin (présent à hauteur de 10 % dans le soin lavant et de 50 % dans la crème), un actif issu de la mer iroise concentré en minéraux (calcium et magnésium) et en oligo-éléments. Sa double action sur la sphère vaginale : apaiser immédiatement et respecter le microbiome vaginal. Si la catégorie de produits relevant de l’hygiène quotidienne est la plus grande (45,1 % du marché en valeur, + 3,2 %, source fabricants), « il y a toujours besoin d’éduquer les consommatrices sur l’utilisation des soins lavants, une femme sur deux n’étant pas utilisatrice », commente Ambre Manseau. Car c’est le segment « désagrément intimes » (33,8 % du marché, en valeur) qui est le plus performant, avec une progression de + 7,5 % en valeur (source fabricants). Soulignons, à titre d’illustration, la performance des ovules vaginaux Cicatridine (HRA Pharma) pour hydrater, apaiser et favoriser la cicatrisation : + 23,3 % de croissance, en valeur (source : Gers Data).

La montée en puissance de la naturalité

C’est la tendance forte du moment et levier de croissance du marché : la naturalité des compositions qui devient une priorité pour les femmes et un enjeu pour les acteurs du marché. « Le marché est de plus en plus porté par le naturel : les formules à base d’ingrédients naturels ont enregistré une progression de + 42%, en un an, à mars 2023 », indique Julie Agaesse, responsable marketing stratégique au sein du laboratoire Puressentiel. C’est d’ailleurs sur ce segment quel les nouveautés affluent. Citons le relancement de la gamme IntimaPro (Reckitt Benckiser) qui revendique 97 % d’ingrédients naturels. Après avoir mené une étude en interne, qui rapporte que « 8 femmes sur 10 recherchent une offre naturelle complète », indique Sophie Mure, le laboratoire Bayer HealthCare se positionne en lançant Hydralin naturellement doux, aux extraits de plantes. Ce soin intime lavant est composé à 99 % d’ingrédients d’origine naturelle et conditionné dans un flacon-pompe entièrement recyclable ; une éco-recharge parfait l’offre. Car, comme sur les autres marché de l’officine, l’éco-responsabilité est attendue au tournant. Autre exemple : le produit star de la gamme d’hygiène intime Cavaillès, L’intime extra-doux, est désormais disponible en éco-recharge de 500 ml. Après avoir été reformulée avec 97 % d’ingrédients naturels, cette offre est relancée, depuis mai dernier, dans de nouveaux packagings recyclables beiges qui viennent apporter un nouveau souffle à la marque et traduire la dimension « soin » liée au surgras végétal, l’ingrédient clé de toutes les compositions Cavaillès. De son côté, le laboratoire Viatris Médical en est voie de substituer les flacons en plastique de la marque Saugella par des matériaux plus responsables (plastique HDPE recyclable).

Les marques naturelles aussi

Sur ce créneau de la naturalité, figurent, majoritairement, des marques généralistes estampillées « naturelles » et, le plus souvent, bio. Parmi celles-ci, Puressentiel, du laboratoire éponyme, complétait sa gamme d’hygiène intime bio, certifiée Ecocert Cosmos Organic, en septembre 2022, de la première huile micellaire nettoyante bio brevetée spécial sécheresse et tiraillement (sa formule 100 % naturelle associe l’huile essentielle de géranium à des huiles végétales et macérats, dont la mauve et la camomille) et de lingettes intimes bio (99,6 % d’ingrédients d’origine naturelle) en coton bio 100 % compostable. Ces lingettes rencontrent un tel succès qu’elles se hissent à la 2^e place des meilleures ventes de la gamme, après le Gel lavant douceur. Parmi les autres lancements récents, citons le Gel lavant intime apaisant Dermasens bio (Marque Verte), qui contient 98 % d’ingrédients d’origine naturel, ou encore la nouvelle gamme d’hygiène intime bio de MKL Green Nature, forte de trois références naturelles à 98 % : un gel intime apaisant sans parfum, pour les désagréments intime, un gel intime ultra-doux, adapté à un usage quotidien, à base de prébiotiques pour protéger la flore vaginale, d’orchidée blanche et d’aloe vera bio, deux actifs hydratants, ainsi qu’une version lavante Kids. Le plus de cette gamme : son positionnement prix très bas. Caractérisé par la domination de marques fortes, à l’image médicale, le marché de l’hygiène intime est en train d’opérer un virage net vers une forte naturalité, affichée sur les packagings des produits. Le ton est donné !

*En cumul annuel mobile à fin juin 2023, selon Gers Data.