Une étude publiée en juin dernier par le cabinet Direct Research, « Le marché et le palmarès des laboratoires de génériques à l’officine en 2012 », identifie les leviers du référencement des génériqueurs et recense les opinions des titulaires après la publication de l’avenant générique de la convention. Concernant les génériqueurs, un groupe d’une vingtaine d’opérateurs s’est clairement dessiné ces dernières années, constituant l’essentiel de l’offre sur le marché français. Décryptage.
Dans le palmarès 2012 du cabinet d’études Direct Research (1), créé par le groupe Direct Medica, les cinq premiers acteurs du marché (Mylan, Biogaran, Teva, Zentiva et Sandoz) remportent logiquement le plus grand nombre de suffrages de pharmaciens sur les critères de compétitivité étudiés, avec le plus souvent des taux de réponses homogènes et conformes à leurs parts de marché respectives. Ces résultats sont influencés par la forte concentration du secteur puisque le trio de tête capte à lui seul 70 % du marché des génériques en valeur en 2011. « Sauf croissance externe, les parts de marché ne seront pas ou peu bouleversées », remarque Hélène Charrondière, responsable des études et du conseil chez Direct Medica. « Malgré tout, de nouveaux acteurs peuvent entrer sur ce marché en tant que sous-traitants, façonniers ou fabricants de principes actifs, en produisant au meilleur coût possible pour leur compte », souligne le Pr Claude Le Pen, économiste de la santé.
Dans un marché concentré, les pharmaciens rationalisent leurs achats en réduisant le nombre de leurs partenaires : trois quarts d’entre eux déclarent travailler avec seulement deux ou trois génériqueurs. Le pourcentage grimpe à 93 % pour les officines ne travaillant qu’avec deux génériqueurs et tombe à 71 % pour celles avec trois. « Les achats auprès de multiples fournisseurs progressent légèrement, même si les offres commerciales incitent à rester fidèle au même fournisseur », indique Erick Roche, président de Teva Laboratoires en France. » Biogaran est le plus souvent cité par les pharmaciens (27 %) comme étant leur principal génériqueur, devant Mylan. Sandoz se hisse à la 3e place (13 % des citations) devant Teva (12 %) mais il n’est pas autant cité dans un rôle de second acteur (5e avec seulement 8 % de citations, derrière Zentiva avec 13 % de réponses).
Leadership ne rime donc pas nécessairement avec une pénétration forte dans les pharmacies. Parmi les répondants, la moitié déclare être client de Biogaran et de manière prépondérante (54 % des cas) comme premier client de ce laboratoire. La filiale de Servier est le laboratoire de génériques le mieux référencé en premier par les pharmaciens, mais Mylan a le portefeuille clients le plus large. Teva n’est référencé comme génériqueur principal que dans 35 % des cas, en dépit d’une base client importante.
Les dix premiers acteurs du marché couvrent 60 % du Répertoire
« Il est très difficile de gagner des clients principaux et plus facile de prendre pied chez des pharmaciens en seconde ou troisième ligne, explique Erick Roche. Etre génériqueur principal coûte cher et ne représente pas forcément un modèle de rentabilité. Il n’est pas essentiel en soi d’occuper cette place, la diffusion numérique [la part de marché prise par un acteur est conditionnée par le nombre de points de vente où il est présent, NdlR] important plus. » Pascal Brière, président de Biogaran, partage la même analyse : « Notre stratégie de différenciation par les services, la mise à disposition d’outils et une forte présence auprès des pharmaciens expliquent notre leadership en tant que génériqueur principal. Aujourd’hui, la seule façon d’élargir sa base clients est d’être référencé par de nouveaux clients comme génériqueur occasionnel. » Frédéric Collet, P-DG de Sandoz France, a une vision dynamique du marché : « Pour aller chercher des positions fortes, il faut être un acteur complet, performant sur les critères clés de succès : la qualité des produits, l’étendue du portefeuille, la relation client, la qualité et la formation des équipes, la supply chain (2), la notoriété du laboratoire, etc. » Notons que des acteurs plus modestes comme EG Labo et Zydus travaillent certes avec moins de pharmacies mais ont tissé avec elles un partenariat plus fort puisque respectivement 55 % et 54 % de ces pharmacies-là leur confient le plus gros de leurs achats.
A cet égard, 70 % des pharmaciens interrogés déclarent avoir passé un accord de volume à l’année avec leur génériqueur principal. La répartition du marché est figée, un statu quo entretenu par l’application de la nouvelle convention pharmaceutique qui prévoit une dispensation stabilisée du générique auprès des personnes âgées. « Il y a cinq freins au changement qui expliquent que les parts de marché sont peu labiles, analyse Erick Roche. Une trop grande dispersion des achats prive le pharmacien des meilleures offres commerciales, la gestion informatique devient très lourde en présence de multiples partenaires, les patients sont attachés à une marque de génériques et les pharmaciens à la qualité de la relation avec leur délégué pharmaceutique et à l’image de marque du laboratoire. » La stabilité des relations commerciales est importante. Seuls un tiers des titulaires ont changé de génériqueur principal au cours des trois dernières années. Les raisons en sont majoritairement des conditions commerciales jugées plus assez attractives (59 %), la rupture d’un accord de distribution avec le groupement ou le grossiste du pharmacien (34 %), une offre de services devenue insuffisante (24 %), une détérioration de la logistique de distribution et des approvisionnements (21 %) et, enfin, un catalogue produits trop étroit (16 %). « La croissance d’un génériqueur tient, entre autres, à la taille de son portefeuille, les dix premiers acteurs du marché français couvrant chacun 60 % du Répertoire », souligne Frédéric Collet.
Les autogénériques ne font pas recette auprès des titulaires
Les autogénériques des princeps dont le brevet vient d’expirer ne font pas l’unanimité des pharmaciens puisque 44 % seulement en référencent. En dépit de leurs avantages (même succession d’étapes de fabrication sur le même site de production, garantie pour le client d’avoir exactement le même médicament), les autogénériques se heurtent au fait que leurs ventes déjouent les accords de volume passés avec leurs principaux fournisseurs et que leur promotion auprès des clients peut jeter le discrédit sur les génériques classiques et compliquer de fait leur délivrance. De plus, selon l’étude, plus les titulaires substituent de manière importante, moins ils référencent les autogénériques. Inversement, ceux qui ont le plus de mal à faire accepter les génériques (taux de substitution inférieur à 75 %) en sont les plus friands. Un pharmacien sur deux les boude en raison principalement de conditions commerciales moins alléchantes (seuls 20 % des sondés les jugent attractives).
Même si 73 % des pharmaciens les référençant avancent une meilleure acceptation par les clients, le statut d’autogénérique n’est pas un rempart contre l’actuelle crise de confiance puisque leurs ventes évoluent en ligne avec celles des génériques classiques. En outre, leurs arguments n’ont plus la même force depuis la promulgation de la loi du 29 décembre 2011. En effet, son article 42 autorise un générique à être la copie conforme d’un princeps au niveau de ses caractères organoleptiques (forme, taille, couleur). « L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a interdit l’appellation d’autogénérique qui est un non-sens puisque par principe les médicaments génériques sont équivalents entre eux », rappelle Pascal Brière. « La fidélité à une marque rend obsolète l’autogénérique », complète Claude Le Pen.
Les génériqueurs contraints de renouveler rapidement leur portefeuille produits
Les génériqueurs misent beaucoup sur leur portefeuille de produits pour s’imposer. Ils privilégient majoritairement les gammes les plus larges possibles, couvrant presque l’intégralité du champ du Répertoire. A ce jeu, Mylan est le plus fort (40 % des citations) devant Biogaran (25 %), Teva (16 %) et Sandoz (8 %). Les génériqueurs sont contraints à un renouvellement rapide de leur portefeuille, nécessitant d’anticiper la tombée dans le domaine public des princeps à forts volumes de ventes mais aussi de proposer des produits en exclusivité. Ces derniers servent à sortir de la concurrence par les prix et de la banalisation des offres (de par leur similarité). Sur ce registre, Biogaran et Mylan sont au coude à coude (27 et 28 % de citations), loin devant Teva et Sandoz (9 % chacun). Enfin, ressource essentielle pour les officines, les remises ne sont pas un facteur différenciant : 83 % des pharmaciens sont satisfaits des conditions commerciales. Les leaders du marché sont les mieux armés pour consentir les meilleures remises, exception faite de Zentiva, relégué à la 8e place.
La palme des meilleurs services décernée à Biogaran
Tous les laboratoires de génériques ont fait du service un axe majeur de leur politique. Cette surenchère montre que la bataille entre les acteurs est rude. Biogaran est considéré par un tiers des répondants comme apportant le meilleur dispositif d’accompagnement à la substitution. Autre critère, les laboratoires sont très présents sur les formations. Avec 29 % de citations, Mylan arrive en tête. Comme toujours, ce sont celles les plus concrètes, proches des attentes des titulaires et des équipes officinales qui rallient le plus de suffrages. Concernant l’offre sur les dispositifs de prévention et de dépistage, Biogaran reprend la main grâce au succès rencontré par le Kit sécurité pour organiser l’armoire à pharmacie, par la mallette Medikid, conçue pour accompagner dans leurs déplacements les enfants qui suivent un traitement, ainsi que par sa campagne d’information pour éviter à la femme d’oublier sa pilule.
Les commandes en direct bientôt en perte de vitesse
Les enjeux de la bataille autour de la maîtrise des approvisionnements se déplacent de plus en plus vers les intermédiaires de la distribution (grossistes-répartiteurs, groupements) et les nouvelles modalités de prise de commande (voir infographie ci-dessous). Le direct avec prise de commande par le délégué pharmaceutique a toujours la faveur (81 %), les achats chez le répartiteur aux conditions du direct rallient deux tiers des pharmaciens, les achats classiques auprès du grossiste et via une plate-forme de groupement un peu moins (respectivement 59 % et 47 %). Les commandes par Internet et en direct par une plate-forme téléphonique restent marginales (11 % et 9 %), mais 18 % des pharmaciens sont disposés à commander en ligne, dont 5 % en cas d’incitations financières. Dans l’avenir, la part du direct devrait baisser au profit des accords entre génériqueurs et grossistes. Les groupements disposant d’une plate-forme de distribution en propre récupéreraient à terme une part plus importante des commandes, dans un scénario de refonte globale de l’organisation de la distribution du médicament. L’un des défis essentiels consiste à mettre en place des accords permettant d’optimiser la multiplicité des circuits tout en ménageant les conflits d’intérêts éventuels. Ces préoccupations se retrouvent dans les souhaits des pharmaciens de travailler équitablement d’ici trois ans aux conditions du direct via le grossiste (27 % des intentions), avec le groupement (22 %), en direct avec le délégué (22 %).
Dernier aspect abordé de la relation commerciale : les approvisionnements. Une logistique de distribution efficace et fiable, tournée vers le client, de qualité irréprochable, fait partie des facteurs clés de succès et de satisfaction de la clientèle identifiés par les laboratoires. Les leaders du marché, Mylan et Biogaran, semblent mieux satisfaire les pharmaciens que leurs concurrents sur les délais de livraison, le respect des commandes et la gestion des retours. « La supply chain est un enjeu fort du marché d’aujourd’hui et de demain, estime Pascal Brière, car les acteurs n’ont pas envie que leurs clients aillent se dépanner ailleurs sur les molécules manquantes. » Selon lui, l’accord « tiers payant contre génériques » favorise les acteurs qui ont capacité à absorber les à-coups du marché et les variations des volumes de commandes des pharmaciens d’un mois sur l’autre.
Dernier aspect abordé de la relation commerciale : les approvisionnements. Une logistique de distribution efficace et fiable, tournée vers le client, de qualité irréprochable, fait partie des facteurs clés de succès et de satisfaction de la clientèle identifiés par les laboratoires. Les leaders du marché, Mylan et Biogaran, semblent mieux satisfaire les pharmaciens que leurs concurrents sur les délais de livraison, le respect des commandes et la gestion des retours. « La supply chain est un enjeu fort du marché d’aujourd’hui et de demain, estime Pascal Brière, car les acteurs n’ont pas envie que leurs clients aillent se dépanner ailleurs sur les molécules manquantes. » Selon lui, l’accord « tiers payant contre génériques » favorise les acteurs qui ont capacité à absorber les à-coups du marché et les variations des volumes de commandes des pharmaciens d’un mois sur l’autre.
Dans un marché à l’avenir sans surprise, la réactivité sera toujours un gage de succès. Et puis, comme le conclut Claude Le Pen : « Les derniers blockbusters seront génériqués à l’échéance 2015. Dans un marché du générique en perte de croissance au-delà de cette date, les acteurs chercheront à prendre des parts de marché à la concurrence en se différenciant par la qualité et les services. Leur avenir sera lié à leur capacité de digérer la maturité du marché et de se projeter vers d’autres modèles d’activité. »
F.P.
(1) Etude réalisée du 13 au 20 avril 2012 auprès de 300 titulaires.
(2) Stratégie d’organisation d’approvisionnement, anticipation des besoins du marché.
La rémunération individualisée « à la performance » va-t-elle inciter à substituer plus fortement que ne le font actuellement les pharmaciens ?Quels sont les principaux génériqueurs avec lesquels travaillent les pharmaciens ?Parts de marché des génériqueurs sur le marché officinalAvec combien de génériqueurs travaillez-vous actuellement ?Pour quelles raisons référencez-vous des autogénériques ?![DE LA RECHERCHE À LA PRODUCTION](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2024/07/article-defaults-visuel-680x320.jpg)