En plein rééquilibrage
Le contexte socio-économique a quelque peu ébranlé cette catégorie historique de la pharmacie. La minceur doit muter pour accompagner des consommateurs qui ne croient plus au produit miracle.
Le marché de la minceur n’est pas au beau fixe. Il a subi une série d’impacts conséquents, notamment la crise sanitaire de 2020 et la baisse du pouvoir d’achat des ménages en 2023. Ces événements ont déclenché un changement significatif dans leurs préférences qui se répercute sur les ventes. Dans les officines, selon le Gers (en valeur, en cumul annuel mobile, CAM, à fin avril 2024), le chiffre d’affaires de la catégorie régresse de 5,6 %, tiré vers le bas par la cosmétique à – 9,6 %, les denrées alimentaires à – 7,4 %, sans parler des dispositifs médicaux à – 41,8 %. Seule la « minceur orale » maintient la tête hors de l’eau à tout juste + 0,4 %. « Les consommateurs adoptent une approche plus holistique du bien-être où ils privilégient désormais des programmes de contrôle du poids qui combinent activités physiques et nutrition équilibrée, plutôt que des solutions de perte de poids », analyse Michel Bouskila, directeur général de Nutravalia qui commercialise Anaca3. Cette évolution reflète un désir croissant de prendre soin de sa santé de manière globale, en mettant l’accent sur la prévention et le maintien d’un mode de vie sain. « La tendance baissière ne date donc pas d’hier. Les allégations chocs ne sont plus en phase avec les attentes des consommateurs qui, désormais, sont à la recherche d’une prise en charge globale à travers une approche moins agressive et des promesses plus acceptables », analyse Marine Olhagaray, directrice marketing France d’Upsa qui a lancé, l’année dernière, ses premières gummies Upsa x Nourished avec une référence « détox minceur » sur la première place du podium des innovations de l’année, en valeur comme en volume. Le marché a en effet atteint une certaine maturité et la surenchère dans les allégations n’est plus à l’ordre du jour. « La déception d’une perte de poids éphémère, le feu de paille créé par l’Orlistat ou encore les dispositifs médicaux et leurs “sur-promesses” ont pénalisé le marché », affirme Pierre Lafitte, directeur marketing et innovation Les 3 Chênes. Le produit minceur, qu’il soit oral ou topique, doit se positionner en complément de la pratique du sport et d’une alimentation équilibrée, bref, d’une hygiène de vie globale.
Vers une rationalisation de l’offre
Depuis 2006, la réglementation européenne encadre strictement les allégations des laboratoires et en parallèle, une meilleure acceptation de soi s’installe. « Même le mot minceur n’a plus la même signification », note Sonia Caille, chef de gamme internationale Elancyl. L’offre officinale évolue vers une version plus durable avec une rationalisation des références. « On observe une réduction des rayons dédiés à la minceur en officine au profit de marchés connexes en plein essor, raconte Michel Bouskila. Cette transition reflète la demande changeante des consommateurs et la nécessité, pour les marques, de s’adapter à ces évolutions pour rester compétitifs. » Pourtant, le marché de la minceur est intrinsèquement lié à l’innovation. Pour rester pertinents et répondre aux attentes changeantes des consommateurs, les acteurs de ce marché doivent constamment améliorer leurs formules et se réinventer. « En somme, l’adaptabilité et l’innovation sont des éléments clés pour prospérer dans ce marché en constante évolution », conclut-il.
La minceur orale à la page
La supplémentation a le vent en poupe. Les propositions des DNVB (Digitally Natives Vertical Brands), à l’image de Dijo, Mium Lab ou Lashilé ont conquis le marché en parlant directement au consommateur via leur forte présence digitale. Leurs initiatives autour de galéniques plus désirables, s’appuyant sur des tendances de fond comme le microbiote attirent, mais les acteurs historiques de la pharmacie avec leur caution sécuritaire peuvent aussi jouer sur le même terrain. C’est le cas de Symbiosys avec sa référence Satylia : « La consommatrice recherche un rééquilibrage et de la naturalité avec des effets à long terme, explique Élodie Enriquez, cheffe de groupe Microbiote au sein du laboratoire Biocodex. Notre souche de probiotique qui vient enrichir une nouvelle formule lancée en 2023 déclenche la satiété et entraîne le cercle vertueux de la perte de poids. » Résultat, la référence progresse de 63,5 % selon le Gers, et ce n’est qu’un début puisque le laboratoire a prévu d’aller toucher le consommateur avec une campagne de communication sur MyTF1 et un travail auprès des nutritionnistes pour faire connaître les atouts des probiotiques dans la prise en charge de la perte de poids. « Un coup de pouce pour mieux vivre le rééquilibrage alimentaire », ajoute-t-elle. La naturalité est aussi un critère recherché par les acheteurs : « Notre approche est unique : des formules végétales ou bio associées à la caution scientifique. Bref, une minceur portée par les attentes des consommateurs », explique Jocelyn Petit, chef de groupe Thérapies Naturelles Phytothérapie Arkopharma. Le laboratoire a adapté son catalogue : désormais cinq références portent la marque autour de brûleurs et de draineurs. En 2023, Arkopharma a lancé Arkofluides Ultra Draineur Bio, troisième meilleur lancement de l’année. Cette version à diluer est facilement assimilable par l’organisme et optimisée par une prise d’eau qui aide à l’élimination. « Nous avons très rapidement compris qu’un segment donné ne pouvait pas être adressé par une seule galénique, explique Michel Bouskila. Notre offre s’articule autour de gélules, gummies, infusions, shots, cosmétiques… De quoi répondre à tous les besoins minceur. » Malgré cela, la marque Anaca3 (laboratoire Nutravalia) perd du terrain en 2023 et occupe la deuxième place derrière Nutergia en forte croissance. « Anaca3 est fortement impacté par le contexte actuel ; nous continuerons bien sûr d’innover avec un lancement marquant prévu pour 2025 : un nouveau complément alimentaire qui va venir compléter l’offre. »
Défiance envers les topiques
Si la minceur orale se maintient, soutenue par la tendance porteuse des compléments alimentaires au global, la dermocosmétique est, quant à elle, à la peine. « La catégorie est en difficulté, confirme Sonia Caille, chez Elancyl. La part de la minceur a baissé dans l’offre globale, il y a une pression sur l’implantation dans l’officine : il faut inscrire nos produits dans un protocole complet. » Les objectifs des consommateurs ont changé : ils attendent un accompagnement pour, notamment, la texture de leur peau. Perrigo l’a d’ailleurs bien compris avec son best-seller Bi-Oil toujours en tête des ventes mais en perte de vitesse à – 13,2 %, selon le Gers. « Nous sommes en constante reformulation et rénovation de nos produits en fonction des avancées de notre R&D pour en prouver l’efficacité, car les consommateurs veulent des preuves ! », explique Sonia Caille. Avec My Coach !, Elancyl challenge la cellulite pour multiplier les effets des petits efforts du quotidien, et appuie ses arguments sur une étude clinique. Ainsi, les résultats sont clairement affichés sur les packagings, les actifs explicités et les allégations tournent autour des bénéfices pour la texture de la peau plus que pour la perte centimétrique pure. Sur cette catégorie, l’effet nouveauté reste central : en 2023, Mustela et Weleda sont en croissance – avec respectivement + 3,7 % et + 0,4 %, selon le Gers – grâce à leurs nouveautés qui se hissent en tête du podium des innovations de l’année, surfant sur une cible identifiée et des formules les plus naturelles possibles. Le soin ciblé est également dans la ligne de mire du leader de la catégorie, Somatoline (marque du groupe Rogé Cavaillès) : « Chaque année, nous lançons des innovations disruptives qui soutiennent l’attractivité de la catégorie », annonce ainsi Somatoline. Cette année, la marque lance trois produits d’embellissement, à l’action ciblée, sans faire de compromis sur la sensorialité. Par exemple, pour les fesses, le masque tissu effet push-up est attractif pour recruter dans la catégorie. « Un produit qui plaît et qui fait parler, et que l’on peut travailler sur les réseaux sociaux à travers des campagnes d’influence », se félicite Antoine Troegeler, responsable Pharma France de la marque. Parler au consommateur, encourager ses choix ou encore déclencher un achat d’impulsion sont les éléments clés du succès de cette catégorie qui a un peu perdu de sa superbe.
Source : Gers en CAM à fin avril 2024
– 5,6 % en valeur
Chiffre d’affaires en baisse pour les ventes de produits minceur qui ne cessent de régresser depuis plusieurs années.
– 4,7 % en volume
Les ventes en volume régressent certes un peu moins vite que le chiffre d’affaires mais tous les segments sont concernés, dont la minceur topique à – 10,6 % et les compléments alimentaires à – 0,2 %.
Des programmes à 360 degrés
Pour accompagner les changements dans la prise en charge de la minceur, les acteurs de la catégorie mettent des outils à la disposition des consommateurs. « Nous avons relancé notre programme 804 Minceur avec un livret d’accompagnement rédigé par un nutritionniste et agrémenté de conseils, exercices, menus variés à réaliser chez soi pour assurer une perte de poids rapide et qui guide le curiste durant les 30 jours de programme », raconte Pierre Lafitte, directeur marketing et innovation Les 3 Chênes. Somatoline va plus loin avec son outil de diagnostic qui répond aux besoins d’éducation via un programme complet. « Nous le poussons sur les réseaux sociaux et en points de vente grâce à un QR Code, raconte Antoine Troegeler, responsable Pharma France Somatoline. Il est déjà utilisé par 10 000 personnes et fait grimper en moyenne de 30 % le panier d’achat. » Le coaching et l’accompagnement sont déterminants dans la réussite d’un programme de rééquilibrage alimentaire, en témoigne le buzz, sur les réseaux sociaux, autour de la méthode PBS de Yoram Moyal ; un rééquilibrage de bon sens, dont les ingrédients sont tenus secrets, et qui permettrait de se délester – sans se priver – de ses kilos superflus… et de 700 euros au passage.
1 / Objectif belle peau !
Somatoline et Elancyl répondent aux attentes d’embellissement de sensorialité avec un exfoliant et une huile biphasée.
2 / Sur le podium des innovations topiques 2023
PublicitéLe Lait de soin multi-actions bio de Mustela Maternité, l’Huile de Massage Minceur au bouleau Weleda et la crème Body Sculpt de Lierac.
3 / La minceur orale mise sur les tendances porteuses
En témoignent les innovations hautement naturelles d’Arkopharma, les gummies d’Upsa ou encore les probiotiques de Satylia.
4 / Achat d’impulsion !
Après ses bandelettes pour les jambes, Somatoline revient avec son masque tissu push-up pour les fesses qui fait déjà parler de lui sur les réseaux sociaux.
Les tisanes drainent… les ventes
Les draineurs et autres incitations à boire de l’eau pour éliminer les toxines séduisent les consommateurs, en témoignent les deux premières références du marché, Ergyepur et Ergydraine, les solutions buvables de Nutergia. En parallèle, des acteurs comme Hydratis communiquent autour de l’importance de la consommation d’eau quotidienne qui soutient aussi la tendance. Les tisanes offrent une solution plaisir à petit prix. « C’est un produit en phase avec la conjoncture qui draine des volumes », s’amuse Pierre Lafitte, directeur marketing et innovation Les 3 Chênes. L’effet Panda Tea avec ses tisanes « instagrammables » s’estompe un peu mais a permis de remettre ce segment sous le feu des projecteurs. À valoriser d’urgence dans les officines sous forme d’un rayon dédié pour ne pas cannibaliser les ventes des autres références minceur davantage valorisées.
64 %
Les compléments alimentaires, qui représentent 64 % de la catégorie, sont stables, contrairement aux cosmétiques, aux denrées alimentaires et aux dispositifs médicaux.
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Pour aller plus loin :
lemoniteurdespharmacies.fr
CHIFFRES CLÉS
TOP 5 des labos Catégorie topique
Parts de marché en valeur à fin avril 2024 (et évolution)
Perrigo : 24,3 % (- 13,2 %)
Rogé Cavaillès : 16 % (- 15,8 %)
Expanscience : 11 % (+ 3,7 %)
Weleda : 10,3 % (+ 0,4 %)
Caudalie : 7,1 % (- 12,3 %)
TOP 5 des labos Catégorie orale
Parts de marché en valeur à fin avril 2024 (et évolution)
NHCO : 10,9 % (+ 25,1 %)
Arkopharma : 10 % (- 3,2 %)
Nutergia : 9,5 % (+ 2,4 %)
Nutravalia : 7,6 % (- 24,6 %)
Forte Pharma : 7,2 % (- 12,3 %)
Répartition et évolution du CA de la minceur en pharmacie
TOP 5 des produits minceur par voie orale
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