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DU SANG NEUF POUR L’OFFICINE

Publié le 2 novembre 2013
Par Chloé Devis
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Au grand dam des vacanciers, les moustiques ont brillé cette année par leur nombre et leur appétit. Résultat : une véritable razzia sur les répulsifs. Un constat qui doit inciter les officines, en première ligne sur ce marché, à davantage le valoriser grâce à un référencement et à un conseil adaptés.

Une météo favorable à la prolifération des moustiques (un printemps très pluvieux suivi de fortes chaleurs) et la progression dans l’Hexagone du plus craint d’entre eux, le fameux moustique-tigre, ont alimenté une saison exceptionnelle pour les ventes de répulsifs. Selon IMS Health, le marché des antimoustiques (toutes formes de diffusion d’un insectifuge) a progressé de 26 % en valeur à fin juillet 2013, tous circuits confondus (pour un chiffre d’affaires de 32,5 M€ en cumul mobile annuel). Une aubaine pour l’officine qui capte 90 % du chiffre d’affaires de ce secteur.

1 Un marché éclaté

Le classement des meilleures ventes en valeur, établi par IMS, met à l’honneur des acteurs historiques comme Cinq sur Cinq (Bayer) et Insect Ecran (Merck), mais également une marque à forte notoriété dans le domaine de l’allergie, Apaisyl (Merck). Focalisée sur le segment peau et vêtements, la gamme Insect Ecran revendique une part de marché de 41 % en jouant la carte d’un actif puissant, le DEET. La lotion Tropic 100 ml, de la marque Cinq sur Cinq, a vu ses ventes (en valeur) progresser de 21 % à fin juillet. Des acteurs plus modestes ont également tiré leur épingle du jeu, comme Moustifluid (Gifrer), avec un positionnement résolument familial. Sa gamme comprend notamment un produit spécial bébés à partir de douze mois, et, depuis avril dernier, un bracelet à base d’IR 3535 qui a connu un très fort réassort en juillet-août. « Le fait d’utiliser un actif scientifiquement reconnu a favorisé l’adhésion des pharmaciens », explique Céline Rambaud, responsable marketing de la marque.

2 Des actifs scrutés à la loupe

Les consommateurs, pour leur part, se révèlent de plus en plus friands d’alternatives naturelles, que leurs vertus soient ou non homologuées par les autorités sanitaires. En témoigne le succès persistant de « classiques » comme l’essence de citronnelle de Moustifluid ou Volarome du Dr Valnet (Cosbionat), aux huiles essentielles. La gamme d’antimoustiques Puressentiel affiche quant à elle une hausse de 79 % de ses ventes cet été. Le laboratoire entend se hisser à terme « parmi les leaders du marché global des antimoustiques », comme l’annonce Bruno Philippon, son directeur du marketing et du développement.

L’équilibre entre efficacité et innocuité reste un enjeu central sur un marché très concurrentiel et jusqu’alors peu structuré sur le plan réglementaire. Dans le cadre de la directive européenne « biocides » de 2006, une évaluation de l’ensemble des actifs utilisés dans les répulsifs destinés à la peau comme aux vêtements est aujourd’hui en cours, avec à la clé la délivrance des premières autorisations de mise sur le marché biocides. Pour Laurent Simon, chef de produits d’Insect Ecran, « la mise en place de ces normes devrait aboutir à un écrémage de l’offre tout en rassurant les consommateurs ». Reste que, par-delà les aléas juridiques et météorologiques, le marché des antimoustiques devrait garder le vent en poupe. Les prévisions épidémiologiques jouent en sa faveur (voir encadré p. 31). L’évolution des modes de vie également. « Les gens se protègent de plus en plus face aux insectes quand ils voyagent dans des pays tropicaux, mais aussi quand ils restent en France », assure Delphine Savidan, chef de produit Cinq sur Cinq.

Le rayon des antimoustiques peut être particulièrement intéressant à développer pour les officines. « Les répulsifs et apaisants représentent, en moyenne, un chiffre d’affaires de 2 000 à 4 000 € par pharmacie et par an, ce qui équivaut en moyenne à 60 % du marché des antiparasitaires. Et ils dégagent une marge confortable, de l’ordre de 40 % », fait valoir Joëlle Hermouet, consultante chez Formaplus.

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3 Un rayon à forte valeur ajoutée

L’opportunité n’est pas purement financière : la forte dimension de conseil associée à ce type de produits est l’occasion de valoriser le professionnalisme du pharmacien. Les critères de choix varient en fonction du profil du consommateur. « Si les grands voyageurs, qui représentent environ 25 % des acheteurs, visent l’efficacité avant tout, les autres regardent également le prix », note Laurent Simon. D’où l’importance de travailler la visibilité. « Le rayon d’été peut occuper quatre à cinq étagères à partir de juin-juillet », préconise ainsi Joëlle Hermouet. À la mauvaise saison, la spécialiste du merchandising officinal recommande de prévoir « au moins deux étagères permanentes pour les clients qui partent au soleil, au sein d’une gondole de cinq, complétée par des solaires permanents ». En termes d’offre, elle préconise de « proposer une panoplie complète, incluant les leaders du marché, sans oublier les accessoires comme les bracelets, une gamme bébé ainsi que les produits apaisants. En hiver, il faudra mettre bien entendu l’accent sur les références spécifiques pour les zones tropicales ».

Au-delà du conseil produit, le professionnel aura tout intérêt à rester à jour sur le plan épidémiologique (notamment en consultant le BEH du 4 juin 2013), et à rappeler le B.A.-BA de la prévention. « Les demandes hors saison représentent aussi l’occasion de faire le point sur le traitement antipaludéen qui y est souvent associé », conclut Joëlle Hermouet.

Les quatre leaders du marché*

1 – Lotion Tropic Cinq sur Cinq

2 – Insect Ecran Peau

3 – Insect Ecran Famille

4 – Apaisyl répulsif moustiques

*En valeur. Source : IMS

AVIS D’EXPERT STÉPHANE ROBERT, PRÉSIDENT DU LABORATOIRE A ET DE VIGILANCE MOUSTIQUES*

« Le changement climatique favorise la colonisation des zones tempérées »

Où en est-on de la progression du moustique-tigre en France métropolitaine ?

Aedes albopictus progresse sur le territoire français avec huit départements mis en alerte, mais aussi dans d’autres pays d’Europe. Il supporte bien les températures hivernales européennes et seules les hautes altitudes semblent pouvoir l’arrêter. L’Etablissement interdépartemental pour la démoustication Atlantique a pronostiqué une colonisation de tout l’Hexagone en 2030.

Quels facteurs favorisent la prolifération des moustiques et des virus associés ?

Tous les experts signalent que les espèces invasives de moustiques profitent de l’augmentation des échanges et des déplacements pour coloniser les pays en zones tempérées. Par ailleurs, l’urbanisation et le changement climatique créent les conditions favorables à l’introduction et la propagation des maladies transmises par les moustiques en Europe.

Quelle menace représentent les moustiques dans les années à venir ?

Plusieurs espèces de moustiques porteurs potentiels de différents virus, notamment le virus West-Nile, ont été mis sous surveillance par l’UE. D’autres espèces commencent à s’implanter dans différents pays d’Europe. Par ailleurs, le comité régional de l’Europe de l’OMS a réactualisé dernièrement le « cadre régional pour la surveillance et la lutte contre les moustiques invasifs et vecteurs de maladies et les maladies réémergentes à transmission vectorielle ». Ce dispositif aidera les Etats membres pour détecter les espèces invasives du moustique aédès et les maladies associées comme la dengue et le chikungunya, et réagir rapidement à leur propagation. Un amendement prévoit l’inclusion de la fièvre West-Nile.

* Créé à l’initiative du laboratoire A, propriétaire de la gamme d’antimoustiques Manouka, le réseau Vigilance Moustiques collecte des données sur la présence des moustiques en France et dans le monde et les met à disposition sur son site vigilance-moustiques.com.