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DES NANOMÉDICAMENTS AU DÉVELOPPEMENT CHAOTIQUE

Publié le 8 décembre 2012
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Des freins subsistent quant à l’essor des nanomédicaments. La recherche est encore souvent expérimentale, des prototypes sont en mal de développement et leur ? sécurité d’emploi doit se confirmer.

Dès 1996, le premier nano-anticancéreux arrive en France, Caelyx, indiqué dans le sarcome de Kaposi, puis le cancer des ovaires en 2000 et le cancer du sein en 2003. Depuis, une dizaine de nanomédicaments sont arrivés sur le marché mais la plupart des projets sont encore en développement, voire dans les éprouvettes, et les équipes peinent à développer leurs produits faute d’investissements industriels.

Les organismes publics sont encore les premiers à financer les recherches sur les nanotechnologies, à hauteur de 277 millions d’euros en 2005, assurés pour 32 % par le CNRS, 27 % par le ministère en charge de la recherche et 25 % par le CEA-Saclay. « Quand un programme de recherche est bien monté, il est possible de trouver des ressources importantes, reconnaît Patrick Couvreur, qui a touché plus de 2,5 millions d’euros pour travailler sur le squalène, notamment grâce à un « Advanced Grant » du Conseil européen de la recherche. Mais, ensuite, il n’y a plus grand monde pour investir dans le développement… Les grandes entreprises limitent les risques et arrivent seulement en phase II quand le médicament s’avère réellement prometteur. Néanmoins, elles ont de plus en plus besoin de nouveaux produits innovants et pourraient donc dans un avenir proche investir davantage. »

En attendant, les équipes de recherche qui mettent au point des nanomédicaments doivent trouver elles-mêmes les financements nécessaires au développement. Et c’est ainsi que plusieurs start-up ont et continuent de voir le jour. C’est le cas de Medsqual, fondée par Patrick Couvreur pour développer un nano-anticancéreux à base de squalène, ou encore de Carlina Technologie, montée par le Pr Jean-Pierre Benoît pour évaluer le paclitaxel et son vecteur dans les tumeurs bronchiques non à petites cellules. « Mais, là encore, la conjoncture étant ce qu’elle est, les capital risqueurs n’investissent plus autant et ces start-up sont souvent sans le sou. Ma société n’a pas un kopeck, regrette Patrick Couvreur. Heureusement, une société israélienne semble intéressée par le projet. »

SÉCURITÉ : ATTENTION À L’ÉCHELLE !

« Par nanomédicament, il faut entendre des vecteurs qui font quelques dizaines à quelques centaines de nanomètres. Or, cette taille est associée à des changements de caractéristiques, de propriétés, qui n’existent qu’à cette échelle en raison, par exemple, de l’augmentation de la surface d’échange avec l’extérieur, prévient Jean-Marc Grognet. Ainsi, il existe un risque qu’un vecteur modifie la toxicité de la molécule active qu’il transporte et pas forcément dans le sens de l’atténuation. »

Voilà une préoccupation que les autorités sanitaires ont bien à l’esprit. « La forme nanoparticulaire peut engendrer des risques spécifiques tels qu’une formation d’agglomérats, l’absorption d’impuretés, une toxicité liée à la dégradation ou la solubilisation de matériaux qui les composent, ou encore le franchissement des barrières physiologiques (hématoencéphalique, fœtoplacentaire, nucléaire). Tout ceci est actuellement très peu documenté », reconnaît Alan Sanh.

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Soucieux de ces questions, un groupe d’experts de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a publié un avis destiné aux industriels afin d’évaluer au mieux la toxicité de leurs produits. « Nous insistons sur les propriétés physicochimiques de ces médicaments mais également sur leur immunotoxicité. La reconnaissance des vecteurs par les macrophages et les polynucléaires neutrophiles ou encore la production d’espèces réactives à l’oxygène induit des modifications du système immunitaire, ce qui peut conduire à des inflammations, des hypersensibilités ou encore des allergies, illustre Alan Sanh. L’évaluation des nanomédicaments est encore embryonnaire, mais au fur et à mesure des développements nous allons en apprendre davantage sur le comportement des nanoparticules dans l’organisme. »