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LES DIX QUI ONT FAIT 2013

Publié le 14 décembre 2013
Par Isabelle Guardiola, Stéphanie Bérard et Laurent Lefort
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PIERRE FABRE

Président fondateur des laboratoires Pierre Fabre

Discret, ce travailleur acharné l’aura été jusqu’au bout. La disparition de Pierre Fabre, à 87 ans, au cœur de la torpeur de juillet, a ému des milliers de pharmaciens pour qui il était un modèle professionnel. Que de chemin parcouru depuis son officine de Castres, sa ville natale à laquelle il restera d’une fidélité exemplaire, jusqu’à son empire de 10 000 collaborateurs ! Depuis la création des laboratoires Pierre Fabre en 1961, ce patron visionnaire et intuitif a géré, piloté, orchestré le développement d’une entreprise qui allait devenir internationale. Pour autant, il n’a jamais dérogé à ses valeurs : maintenir l’indépendance de l’entreprise, rester fidèle à sa région, privilégier le moyen terme et réaliser les investissements nécessaires à la pérennité du groupe sur le plan de la recherche comme sur le plan industriel. Il laisse un groupe qui a réalisé un chiffre d’affaires de 1,98 milliard d’euros en 2012, les ventes à l’international représentant 54 % du total. Pierre Fabre est présent dans 42 pays et ses produits sont distribués dans plus de 130 pays.

Sauveur Boukris

Médecin généraliste

« Je ne suis pas un antigénériques mais je pense qu’ils ne doivent pas être systématiques. » Médecin généraliste dans le quartier populaire de la Chapelle, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, Sauveur Boukris a lancé en avril un nouveau libelle contre les copies de princeps. Son Médicaments génériques : la grande arnaque, paru aux éditions du Moment, synthétise les doutes des médecins sur ces médicaments « créés pour faire des économies, par la volonté politique et au mépris de l’éthique et de toute précaution médicale ». Très médiatisé, très exagéré aussi, son ouvrage se situe dans la lignée des précédents (Santé : la démolition programmée et La fabrique des malades. Ces maladies qu’on nous invente) où il fustige les peurs d’une société surmédicalisée obsédée par sa santé, peurs alimentées, selon lui, par l’industrie pharmaceutique avec la complicité des leaders d’opinion. Un vrai combat pour ce praticien engagé. Sauveur Boukris a recueilli 0,6 % des voix comme candidat tête de liste divers droite dans son 18e arrondissement lors des municipales 2008 aux côtés de Gérard Majax, le célèbre magicien.

MICHÈLE RIVASI

Députée européenne (EELV)

Il vaut mieux l’avoir parmi ses amis. Après le nucléaire (en 1986, suite à Tchernobyl, elle récupère les eaux de pluie sur le toit des maisons de Montélimar et récolte des plantes pour les faire analyser et prouver l’existence de radioactivité en France) ou Médiator (avec sa collègue Eva Joly, dès février 2011, elles demandent à l’Office européen de lutte antifraude d’enquêter sur d’éventuels conflits d’intérêts nationaux avantageant le laboratoire Servier), elle s’en prend, en mars 2013, à la vigilance européenne concernant les pilules de 3e et 4e générations. Députée européenne (EELV), membre de la Commission santé et environnement du Parlement européen, agrégée de biologie, Michèle Rivasi dénonce la « gabegie » de notre consommation nationale de médicaments remboursables, en juin, lors de la présentation d’une étude menée par un groupe de travail dirigé par un pharmacien, Serge Rader, à laquelle a participé le médecin Philippe Even. Selon l’étude, en moyenne, une ordonnance en France comporte 4,75 médicaments contre 1,84 en Italie. Le rapport provoquera un tollé général dans la profession, taxé de caricatural, mal ficelé et approximatif.

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PHILIPPE TISSERAND

Président de la Fédération nationale des infirmiers

On l’a entendu parler haut et fort. Contre la délégation de tâches où l’on se décharge sur l’infirmier, sur le sujet de la préparation des doses à administrer, sur celui des déserts médicaux et le premier recours, bref, sur l’organisation des soins. Le président de la Fédération nationale des infirmiers, un des principaux syndicats d’infirmiers libéraux, s’est opposé aux pharmaciens en janvier dernier. C’était lors d’une réunion à l’Union nationale des professions de santé organisée sur le sujet de la PDA. Le leader syndical clame haut et fort que les infirmiers ne sont pas juste bons à administrer les traitements, mais qu’ils sont bel et bien responsables de la préparation et à ce titre doivent préparer les doses. Il arguë pour cela que l’infirmier assure de façon majeure la continuité des soins et, qu’à domicile, l’intervention du pharmacien dans la préparation des piluliers viendrait plutôt compliquer les choses. Les nouvelles missions du pharmacien, pourquoi pas, mais à condition que chacun fasse d’abord son travail… Même position sur la vaccination : « Actuellement, on tend à élargir le rôle des pharmaciens en oubliant les infirmiers, alors qu’il faudrait plutôt mobiliser chacun dans son domaine de compétence. »

ALBIN DUMAS

Président de l’Association de pharmacie rurale

Rat des villes ou rat des champs ? Pour Albin Dumas, la question ne se pose pas. Ce pharmacien est titulaire dans un village ardéchois d’à peine un millier d’habitants. Alors, l’exercice officinal à la campagne, il connaît. La désertification médicale aussi. C’est donc tout naturellement qu’il devient le patron de l’Association de pharmacie rurale (APR), le 23 mars 2013. Il ne cache pas ses inquiétudes. « La fermeture d’un cabinet médical peut entraîner celle d’une officine et il faut anticiper ce risque », affirmait-il au Moniteur des pharmacies quelques jours après son élection. Comment sauver les officines des campagnes face à un désert médical galopant ? Pour le président de l’APR, rien ne sert de se battre contre des moulins à vent et de maintenir des pharmacies là où il n’y a plus d’habitants. Sa solution ? S’adapter aux schémas territoriaux des agences régionales de santé, mais aussi aux maisons de santé implantées dans les zones rurales. Ce n’est pas tout. Ce héraut des campagnes propose de favoriser l’installation en zone rurale par des incitations financières, comme certaines communes l’ont pratiqué pour accueillir des médecins.

PHILIPPE LAILLER

Titulaire à Caen

Philippe Lailler, titulaire de la Pharmacie de la Grâce de Dieu à Caen (Calvados), ne compte plus les journalistes et les caméras venus l’interviewer et le filmer dans son officine. L’objet des convoitises ? Son site Internet, le premier qui a osé sauter le pas de la vente en ligne de médicaments, dès le 14 novembre 2012, soit plus d’un mois avant l’ordonnance du Conseil d’Etat, le 19 décembre, qui a finalement autorisé l’e-pharmacie. Ce pharmacien a profité d’un vide juridique pour investir le web, un terrain jusque-là vierge de toute velléité de conquête officinale française. Bien lui en a pris puisqu’il a depuis embauché quatre préparatrices pour faire face aux demandes des internautes.

L’histoire ne s’arrête pas là. Le pionnier de l’e-commerce officinal crée le Collectif pour le développement des médicaments sur Internet et dépose un recours devant le Conseil d’Etat contre l’arrêté sur les bonnes pratiques de dispensation, comportant, à ses yeux, trop de contraintes pour permettre l’essor de l’e-commerce de médicaments. Une ferveur qui attire sur lui toutes les foudres. En octobre, il a reçu un blâme de la chambre disciplinaire de Basse-Normandie, à la suite de 202 plaintes de confrère, pour avoir trop promu son officine lors des nombreux reportages que lui ont consacré les chaînes de télévision, la radio et la presse écrite.

ANGELINA JOLIE

Actrice, metteuse en scène

Marquée par la mort prématurée de sa mère à 56 ans des suites d’un cancer, Angelina Jolie a réussi à créer en mai une tornade médiatique plus efficace que tous les congrès de cancérologie réunis. Dans une tribune intitulée « Mon choix médical » publiée dans le New York Times, la star révèle avoir subi une double mastectomie dans le but de prévenir un risque substantiellement élevé de développer un cancer du sein et des ovaires. Et voilà comment, aux yeux du monde entier, elle a mis en lumière l’importance de la médecine prédictive. Avec le luxe de rendre compréhensible le gène défectueux BRCA1 et sa signification. Un grand rôle de plus à son actif.

Martin Hirsch

Directeur général de l’AP-HP

C’est le 13 novembre, en Conseil des ministres, que Martin Hirsch a été nommé directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), succédant à Mireille Faugère démise en raison de la polémique sur la restructuration de l’Hôtel-Dieu et de son service d’urgences.

Rodé aux postes « politiques », l’ancien élève de l’ENA qu’est Martin Hirsch vient de fêter ses 50 ans. Il a dirigé la pharmacie centrale des hôpitaux de l’AP-HP de septembre 1995 à juin 1997. Il a été directeur de cabinet de Bernard Kouchner quand celui-ci était secrétaire d’Etat à la santé et à l’action sociale. Il a créé l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments en 1999 et a été président d’Emmaüs France de mai 2002 à mai 2007. Enfin, il est l’initiateur du revenu de solidarité active (RSA).

LUCIEN NEUWIRTH

Ancien parlementaire

L’ancien parlementaire Lucien Neuwirth, est décédé le 26 novembre dernier à l’âge de 89 ans. Il est à l’origine de plusieurs lois dont celles autorisant la contraception orale. Il est notamment l’auteur de la loi sur la régulation des naissances en 1967, puis a été rapporteur de la loi sur la contraception d’urgence en 2000. « Je voudrais saluer la mémoire d’un homme épris de liberté. C’était un résistant. Mais c’était aussi un homme prêt à se battre contre les conservatismes, y compris ceux de son propre camp, pour faire avancer le droit des femmes. Le droit à la contraception est une liberté fondamentale de la femme et Lucien Neuwirth a été l’un des artisans de ce droit en France. En tant que femme, en tant que ministre, je salue sa mémoire avec émotion », a déclaré Marisol Touraine.

ERICK ROCHE

Président-directeur général de Teva Laboratoires

Une intensité incroyable et un dénouement rapide ont caractérisé la crise du Furosémide Teva. L’alerte a été déclenchée début juin par un pharmacien de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) après la découverte supposée, par une patiente de 76 ans, de deux comprimés de Zopiclone Teva 7,5 mg dans une boîte de Furosémide Teva 40 mg. Cette affaire a entraîné le déclenchement d’une demi-douzaine d’enquêtes préliminaires à la suite de décès de patients qui prenaient Furosémide Teva 40 mg, le rappel de deux lots puis de tous les lots de ce médicament, la suspension, pendant un temps court, de la distribution de tous les lots issus de l’usine de Teva à Sens (Yonne) et une inspection approfondie de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sur le site de production. Rien de moins.

Une enquête préliminaire a également été ouverte par le parquet du tribunal de grande instance de Paris pour mise en danger de la vie d’autrui, tromperie aggravée, administration de substances nuisibles, homicides et blessures involontaires. Elle a été classée sans suite fin juin pour absence d’infraction. « Au troisième jour de l’alerte, nous avions plus de 700 mentions dans les médias français », rapporte Erick Roche, président du laboratoire, ajoutant que le centre téléphonique mis en place avait reçu quelque 12 000 appels pendant la crise.

Erick Roche, qui tient à souligner que l’affaire n’a « pas eu d’impact cinq mois après » sur l’activité de Teva Laboratoires, peut s’enorgueillir d’une gestion remarquable et remarquée de la crise. Une crise qui a quand même conduit à ouvrir tous les blisters de Furosémide, soit 10 000 boîtes et près de 300 000 comprimés. Au final, l’hypothèse la plus vraisemblable pour expliquer l’affaire serait une maladresse de la patiente.