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Boiron : l’histoire d’un tube à la Française
C’est dans une immense usine à Messimy, près de Lyon (Rhône), que Boiron, le leader mondial de l’homéopathie, produit ses fameuses petites granules. A l’occasion de ses 90 ans, le laboratoire revient sur son savoir-faire, ses difficultés durant ses deux dernières années et sa stratégie pour rebondir.
Depuis mars 2020, les laboratoires Boiron souffrent. Entre le choc du confinement, deux années de pandémie du Covid-19 et le déremboursement des médicaments homéopathiques depuis le 1er janvier 2021, l’entreprise lyonnaise, dont la moitié des ventes est réalisée en France, s’est retrouvée dans la tourmente. Conséquences : son site de production de Montrichard (Loir-et-Cher), ainsi que 12 de ses 27 établissements de préparation distribution ont fermé et plus de 500 salariés en France ont été licenciés…
Une activité au ralenti
Les ventes diminuent en général de 40 à 60 % après le déremboursement d’un médicament, constate Jean-Christophe Bayssat, directeur du développement pharmaceutique au siège de Boiron, à Messimy, près de Lyon. Chez Boiron, le recul a été de 42 % ». Soit une baisse de 163 M€ du chiffre d’affaires global (455 M€ en 2021), dont le laboratoire aurait pu ne pas se relever. « En juin dernier, nous avons failli recourir au
chômage partiel. On ne vendait plus un sirop ! ». Aujourd’hui, et malgré de lourds investissements (60 M€ entre 2017 et 2019 pour disposer notamment d’une extension de 9 000 m² servant à augmenter la production), l’usine de Messimy, qui réunit 1 000 salariés, ne tourne qu’à 30 % de ses capacités sur l’activité “tubes et doses”, ce qui représente 150 millions d’unités produites par an.
1500 souches actives
« Pour concevoir nos médicaments homéopathiques, nous disposons de 1 500 souches actives issues de substances d’origines variées, poursuit Jean-Christophe Bayssat : 53 % sont d’origine végétale (plantes sans OGM, cultivées et récoltées principalement en circuits courts), 33 % sont d’origine minérale ou chimique (souffre, sulfure…) et 14 %, animale (venin ou foie de canard de Barbarie, par exemple) ». Les
souches sont ensuite mises en macération dans de l’eau et de l’alcool, puis pressées pour extraire la teinture mère qui sera disposée dans un flacon. Puis, vient le temps de la dilution de la teinture mère dans de très hautes quantités d’alcool. Le tout est dynamisé dans une machine ultrapuissante. « L’opération est renouvelée autant de fois que de dilutions voulues : 4, 9, 12, 30 CH ».
Une triple imprégnation
Quelques dizaines de mètres plus loin, sont fabriqués les granules et les globules neutres, les deux formes homéopathiques les plus utilisées. Dernière étape : la triple imprégnation des globules/granules avec la substance active. « Cette technique, réalisée sous atmosphère contrôlée, est assurée de façon entièrement automatique, indique Jean-Christophe Bayssat. Micropulvérisations et séchages successifs assurent une parfaite répartition de la dilution sur les granules et globules ». Les petites billes sont ensuite prêtes à intégrer leur tube.
Des lancements de produits stratégiques
Pour compenser la baisse du volume des ventes liée au déremboursement et la TVA passée de 2,1 à 10 %, les laboratoires Boiron, dont les produits sont présents dans 50 pays à travers le monde, ont augmenté leurs prix publics indicatifs en pharmacie : vendus jusqu’à présent 2,40 €, les tubes s’affichent désormais jusqu’à 3 €. « Dans ce contexte si particulier, il a fallu réagir, justifie Valérie Lorentz-Poinsot, la directrice générale depuis 2019. Les équipes se sont investies dans la recherche et innovation et nous avons entamé une stratégie de diversification en homéo et hors homéo, notamment auprès de patients ne pouvant pas utiliser des traitements conventionnels : nourrissons, femmes enceintes, sportifs de haut niveau… ». Ainsi, plusieurs produits ont été lancés depuis deux ans, contre les coliques du nourrisson (Cocyntal), les maux de gorges (Bocéal), l’arthrose (Arnitrosium) ou les effets de la varicelle (Varésol). « Il n’existait pas de produit sans contre-indication à proposer pour la varicelle », complète-t-elle.
Un nouvel axe de diversification
C’est le développement d’une nouvelle branche qui a permis à Boiron de garder la tête hors de l’eau : les autotests. « Dès le début de la crise sanitaire, j’ai voulu mettre nos propres moyens de production à disposition », explique la dirigeante. Et un an plus tard, Boiron a conclu un partenariat avec le fabricant breton NG Biotech, afin d’assurer la distribution de ses tests, puis réaliser une partie des assemblages et des contrôles qualité, sur le site de Messimy. « Durant les fêtes de fin d’année en 2021, nous avons assemblé quotidiennement dans notre usine près de 25 000 autotests afin de répondre à la demande ». Un produit devenu un best-seller pour Boiron, qui pourrait poursuivre cette activité cette année. « Avec un chiffre d’affaires de 145,78 M€ au premier trimestre 2022, en hausse de 59,9 % versus la même période de l’année précédente, nous sommes sortis de l’ornière ».
Des cabines de téléconsultation avec des homéopathes
Ces nouveaux marchés ont déjà rapporté 50 M€ à l’entreprise. Mais, Boiron ne compte pas s’arrêter là et continue sa politique de diversification avec le rachat de Abbi, une start-up spécialisée dans la cosmétique individualisée : scan de la peau grâce à un miroir connecté et préparation d’une crème de soin sur-mesure à partir de formules et d’actifs d’origine naturelle. « Le dispositif est en test dans 300 officines, détaille Valérie Lorentz-Poinsot. Nous visons les 1 000 unités à court terme ». Toujours en pharmacie, le groupe travaille sur des cabines de téléconsultation avec des homéopathes. Sans oublier le cannabis thérapeutique. « Nous sommes membre suppléant de l’expérimentation et nous espérons pouvoir rapidement avancer dans le domaine », conclut la directrice générale. « Il y a un vrai marché avec des médicaments qui seraient cette fois-ci remboursés ».