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Quand les chemins des groupements se croisent
Mariage de raison. Parce qu’ils doivent impérativement grossir, les groupements de pharmaciens se rachètent entre eux. Mais se mettre la bague au doigt ne signifie pas renoncer à son identité et à son indépendance. Quitte à inventer d’autres modèles de rapprochement.
Objectif Pharma a ouvert le bal fin août 2017 avec une prise de participation majoritaire au capital de l’enseigne Anton & Willem, suivi à la mi-septembre par Univers Pharmacie qui est devenu l’actionnaire majoritaire de Forum Santé. Tandis que, plus récemment, l’OCP est entré majoritairement dans le capital de Réseau Santé pour renforcer ses positions en Bretagne.
A écouter plusieurs patrons de structures nationales, la concentration des groupements paraît une évidence à l’heure où les autres acteurs du marché (laboratoires, répartiteurs) ont déjà une bonne longueur d’avance sur ce plan. « Pour garantir la pérennité et le développement d’un groupement, il faut pouvoir remplir trois critères : la visibilité – c’est-à-dire être suffisamment nombreux, avoir une enseigne et une marque fortes -, la capacité d’innover en permanence et la puissance financière », estime Lucien Bennatan, président du groupe Pharmacie Référence. Et cette évolution sera imposée par la mutation vers la « pharmacie de services » qui va demander d’importants investissements sur le point de vente.
« Nous sommes promoteurs d’idées et d’outils mais nous ne sommes que des PME », rappelle Jean-Christophe Lauzeral, directeur général de la coopérative Giropharm. Qu’on le veuille ou non, la finance et la taille deviennent aujourd’hui des prérequis et sont en train de rebattre les cartes.
Des rachats stratégiques
Jusqu’ici, les groupements se rapprochaient pour partager des moyens et des services ou développer des actions communes. Les exemples ne manquent pas : organisation de formations communes entre Giphar et Giropharm, création en 2014 d’une structure de référencement partagée entre PharmaVie et Ceido et en 2018 d’un outil de pilotage des opérations commerciales en pharmacie, gestion des achats entre Pharmacie Référence et Pharmactiv, création du C6, structure transverse entre six groupements destinée à conduire des négociations d’achats…
Mais avec les acquisitions, une nouvelle étape est franchie. Elles s’inscrivent dans un cadre stratégique. « Les 12 points de ventes d’Anton&Willem sont spécialisés dans les médecines douces et naturelles, avec une hyperspécialisation articulée autour de produits à la marque. C’est une enseigne différenciante, qu’il n’y avait pas lieu de réformer. En revanche, elle a besoin de grossir et offre une alternative de développement pour les petites officines de notre groupement », explique Jean-Pierre Dosdat, président du directoire d’Objectif Pharma. Avec Anton & Willem et Wellpharma, ce groupement dispose de deux enseignes parfaitement segmentées, correspondant à des typologies d’officine et à des profils de titulaires spécifiques. Dans un tel schéma respectant la diversité des enseignes, rien n’empêche d’en intégrer d’autres avec un positionnement encore différent. S’appuyant sur un groupe puissant, Jean-Pierre Dosdat ne cache pas ses velléités à réaliser de nouvelles OPA sur des groupements : « Nous avons démarré modestement mais aujourd’hui, nous souhaitons nous attaquer à des rapprochements plus ambitieux. » Respecter l’indépendance du pharmacien, capitaliser sur les différences des uns et des autres, sans dévoyer l’enseigne acquise : les propos de Daniel Buchinger, président du groupe Univers Pharmacie, reflètent une démarche identique. Avec un objectif clairement affiché : construire un maillage de 500 points de vente à fin 2020. « Le groupe est à l’écoute du marché et des groupements fédérés », glisse-t-il.
Se regrouper ou mourir
Soucieux de combler les trous dans son maillage national (faible présence en Gironde, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Champagne…), Giropharm annonce également qu’il s’intéresse à la reprise, gratuite ou payante, de groupements locaux ou régionaux, lorgnant notamment sur des groupements d’intérêt économique (GIE) dont l’implantation offre une complémentarité géographique. Un appel qui a été entendu par le GIE Telo-Pharma regroupant 11 pharmacies sur le canton de Toulon (Var) et qui vient de rejoindre ce groupement. « Certains patrons de GIE font le constat que leur modèle est arrivé au bout du chemin et se raccrochent naturellement aux groupements. D’autres, voulant vendre, le valorise au-delà de sa valeur et cela bute au niveau des négociations. Il ne faut pas perdre de vue qu’un groupement est labile au niveau de ses adhérent et que le racheter est un risque », explique Jean-Christophe Lauzeral. A ne pas négliger non plus, l’attachement des adhérents aux leaders des groupements.
Des holdings pour sceller les unions
Marier des groupements, quelles que soient leur taille et leur organisation, est donc compliqué. « Un patron de groupement n’acceptera jamais de faire disparaître sa marque au profit d’une autre », confie Lucien Bennatan. Pour unir deux groupements nationaux, Daniel Buchinger ne voit que deux solutions : des prises de participation dans le capital ou la création d’une société commune. Un avis partagé par Jean-Christophe Lauzeral : « Une holding aurait du sens pour rapprocher des groupements de même nature et de même mode de gouvernance. » La holding de pharmaciens associés, c’est justement l’option retenue en octobre dernier par Ceido pour résister à l’offensive des chaînes de pharmacies. « L’objectif est que les pharmaciens adhérents deviennent actionnaires du capital », livre Christian-Eric Mauffré, président de Ceido Santé.
Sous la pression de l’économie, Serge Carrier, directeur général de Pharmactiv, estime aussi que le sillon de la concentration des groupements est tracé. « Elle ne sera pas forcément capitalistique, le vrai sujet étant la mutualisation des moyens pour rationaliser les coûts de développement. Car plus il y aura de services, plus cela coûtera cher. Par exemple, dans le digital, les moyens à mettre en œuvre se chiffrent en millions d’euros. » Serge Carrier parie davantage sur la création de plate-formes de mise en commun des moyens entre plusieurs groupements, de type GIE. « Sans perdre leur identité, des groupements travailleront ensemble et la plate-forme leur amènera des solutions pour qu’ils puissent se concentrer uniquement sur leurs adhérents. »
Des répartiteurs rassembleurs
Quant aux alliances futures, tout se joue en coulisses, dans un backstage quasi fantasmatique de rumeurs et de pronostics. Par exemple, le jour où le groupe Pharmacie Référence aura besoin d’un renforcement capitalistique pour aller plus vite et plus fort, beaucoup d’observateurs parient sur l’OCP. « Les pharmaciens et les répartiteurs appartiennent à la même famille et leurs intérêts sont liés. Il est donc logique de se tourner vers ces acteurs du marché, mais le jeu reste ouvert », lance Lucien Bennatan. Selon lui, les groupements souhaitant garder leur identité et refusant toute aliénation avec un fonds de pension rallieront un répartiteur ayant développé une stratégie retail construite, où cohabitent des chaînes, des enseignes et des groupements de pharmaciens indépendants. « C’est ce qui se fait à l’étranger, pourquoi la France aurait-elle un modèle différent ? », conclut-il.
• Une tendance au rapprochement des groupements a été amorcée ces derniers mois par Univers Pharmacie et Forum Santé ou encore Objectif Pharma et Anton & Willem.
• Ces rapprochements ne concernent plus seulement un partage de moyens et de services mais une fusion pour se maintenir et prospérer. Elles peuvent se faire par prise de participation ou par création d’une holding.
• Les répartiteurs sont également des partenaires potentiels dans un contexte de financiarisation du secteur.

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