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Opération fine mouche

Publié le 6 décembre 2013
Par Favienne Colin
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Lasses d’investir des budgets en publicité sans voir leur notoriété grimper pour autant, les enseignes changent de stratégie. Fini les spots télé, les initiatives actuelles coûtent moins cher mais seraient plus rentables. Lumière sur ce nouveau type de buzz…

Vu à la télé ! En mai dernier on a entendu Daniel Buchinger (Univers Pharmacie) s’exprimer sur France 5 dans le reportage « Pharmaciens : commerçants ou soignants », en février Lucien Bennatan, président de PHR, répondait aux questions de Jean-Jacques Bourdin en direct sur RMC à propos de la vente des médicaments en ligne… Il ne s’agit pas de publicité (quasi interdite pour les pharmaciens) mais d’une médiatisation bien voulue et travaillée. Est-il fini le temps où les enseignes tentaient de se faire connaître du grand public à coups de campagnes TV saupoudrées ? Ou bien est-ce une simple pause ? Quoi qu’il en soit, après avoir voulu imiter les Carrefour ou Éram mais sans y mettre les moyens financiers, les pionniers de la communication dite « hors média » (par opposition à la publicité qui nécessite de l’achat d’espace dans les médias) récoltent les fruits de leur nouvelle politique de communication. « Aujourd’hui, PHR est reconnu par la presse grand public comme étant un interlocuteur, un référent, un informateur. Développer la communication grand public m’intéresse pour donner un discours économique. J’ai très régulièrement des entretiens avec des journalistes, sans pour autant que cela ne paraisse. C’est pour moi une forme de lobbying », confie Lucien Bennatan. Le fait d’être invité dans des émissions télé a aussi un effet indirect sur le développement de la fierté d’appartenance des adhérents », souligne-t-il. Chez Giphar aussi, on pense à l’adhérent. Il est même revenu au centre des préoccupations de communication. Depuis deux ans, toutes les publicités de l’enseigne ciblent les officinaux ou les leaders d’opinion. Les investissements en achat d’espace en presse féminine sont en stand-by. L’heure est aux passages dans Le Monde, Le Point, Le Figaro…, des médias « valorisants ». « L’objectif premier est d’intéresser des pharmaciens non adhérents sur tout ce que peut apporter un groupement en général et Giphar en particulier », indique Agnès Tirilly, directrice marketing enseigne et communication.

Sondages & Co

Le consommateur n’est donc plus le seul visé par les stratégies médias. La cible évolue. En toute logique, le message aussi, et bien au-delà des prises de parole publicitaires. Chez PHR, on publie un baromètre sur la santé depuis deux ans. « C’est fantastique pour les retombées presse. En septembre dernier, Le Figaro mentionnait encore la version publiée en octobre 2012 », se réjouit Lucien Bennatan, qui a été interviewé tout au long de l’année pour commenter l’étude en fonction de l’actualité. Rien qu’au sujet des génériques, le patron, « bon client » pour les journalistes par sa clarté et son esprit volontiers polémique, est intervenu « sur RMC, France 2, France 3, Europe 1, l’émission d’Alexandra Sublet sur France 5 », égrène-t-il avec délectation. Cette année, PHR a ajouté de nouvelles questions à son sondage sur les attentes en matière de services et la relation avec les mutuelles. Objectif : multiplier les occasions d’être interrogé. Dans le même esprit, Évolupharm a organisé en octobre une conférence de presse pour proposer au gouvernement pas moins d’« un plan d’économie de 3 milliards d’euros sur les médicaments ».

Après des années de spots télé, parrainage, radio, presse ou affichage en pointillé, aujourd’hui ce sont les sondages et prises de position médiatisés qui assurent un bruit de fond sur le métier. Mais Lucien Bennatan tient à préciser les limites du système : « En presse grand public, seuls les messages à propos de la profession en général sont relayés. Pas ceux concernant votre bannière. » Le retour sur investissement est donc indirect. Giphar fait le même pari avec ses « Grands Dossiers de la pharmacie », conçus avec l’agence de communication Ailleurs Exactement. Le premier document, d’une soixantaine de pages, sorti au printemps 2013 concernait la fin de la pharmacie d’avant. Le deuxième, édité en septembre, se concentre sur l’économie de l’officine. Et les résultats sont là. « Nos études montrent que l’image de Giphar auprès des pharmaciens change. J’apprécie particulièrement les progressions de la perception sur la modernité du groupement, sa capacité à proposer des solutions d’avenir, à être proche de ses adhérents et capables de les accompagner », relève Agnès Tirilly.

Relations presse

Les nouvelles stratégies de communication font appel à des agences de communication et relations presse (RP) grand public. Depuis 2010, PHR s’est adjoint les services d’Hopscotch et Giropharm de Self Image ; Giphar missionne Ailleurs Exactement depuis 2011 ; Lafayette Conseil a signé avec Vie Publique en juin… « Nous avons choisi de travailler avec une agence de relations presse, Self Image, pour être en mesure de communiquer avec l’ensemble des journalistes », explique Anne Pointcheval, directrice marketing et communication « Il s’agit de faire connaître nos actions et notre positionnement. » Ainsi cette année, l’enseigne a notamment communiqué sur la certification qualité dans son réseau, son expertise nutrition et sa campagne bébé… Si la notoriété des groupements reste faible, la visibilité sur Giropharm croît. « Notre part de voix progresse d’année en année. En 2012, sur l’échantillon observé, nous figurions en deuxième place, derrière PHR », confie Anne Pointcheval. Plus récemment convertie aux relations presse, l’enseigne Pharmacie Lafayette espère elle aussi développer sa notoriété à travers une communication sur ses services. « Nous souhaitons être une marque nationale respectée et respectable. L’agence Vie Publique a la mission de nous accompagner dans nos développements, par exemple quand Lafayette arrive dans une ville, lance de nouveaux services en ligne, s’engage sur la formation de ses équipes… », détaille Hervé Jouves, directeur général de Lafayette Conseil. Son objectif : comme les autres enseignes, voir son nom plus souvent cité dans les médias et, in fine, gagner en notoriété.

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Collectifs

Nouveau lobbying ?

Les prises de parole collectives se multiplient. Après le CNGPO (Collectif national de groupements des pharmaciens d’officine) en 2002, puis l’UDGPO (Union des groupements de pharmaciens d’officine) en 2008, le Cercle des réseaux officinaux indépendants sous enseigne (CROIE) vient de voir le jour. Comme les syndicats, ces groupes constituent pour leurs membres autant d’opportunités pour devenir un interlocuteur des autorités et de la presse. Pour défendre la profession. Ainsi PHR et Lafayette viennent de rejoindre l’UDGPO et Népenthès le CNGPO. Quant au CROIE, il pourrait mettre en place un sondage pour médiatiser ses positions. À suivre.