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La presse gratuite prospère à l’officine
Les journaux grand public distribués gratuitement sur les points de vente sont largement exploités par la grande distribution depuis les années 80. Ils ont fait leur véritable entrée à l’officine dans les année 90, pour constituer aujourd’hui un support de crédibilité et de fidélisation non négligeable. Ils sont une dizaine à séduire la clientèle des pharmaciens. Tour d’horizon des recettes qui font leur succès.
Si le lancement de Metro et de 20 Minutes, deux quotidiens nationaux gratuits, fait couler beaucoup d’encre depuis quelques mois, la multiplication des journaux mis gratuitement à la disposition des clients dans différents commerces s’est faite sans heurts. Et ce média, également appelé « consumer magazine », se répand actuellement dans tous les secteurs touchant à la beauté, la santé, la mode : parfumerie (Passion Beauté News…), parapharmacie (Rendez-vous, le journal d’Euro-Santé-Beauté…), supermarchés (L’Esprit Shopi, Carte U Magazine…), hypermarchés (La Vie Auchan, Le Journal de Carrefour, Vivre pour Champion)… La pharmacie n’est pas en reste avec sa dizaine de magazines gratuits, conçus par des éditeurs autonomes, des groupements ou encore des laboratoires.
Le pionnier officinal est sans conteste Bien-être et Santé, créé en 1977. Distribué alors dans 3 000 officines, il en a aujourd’hui conquis 6 000, avec un turnover annuel de 400 officines. C’est sans doute le seul journal au sens strict du terme, avec une équipe de vingt journalistes pigistes, un contrôle OJD, pas de citations des produits dans les articles, une vigilance sur la publicité (au maximum dix pages mensuelles). « 80 % du magazine est financé par les abonnements, 20 % par la publicité », précise Bernard Braun, directeur général. Le lectorat de Bien-être et Santé est régulièrement testé à partir d’un panel de deux cents personnes qui permet une ouverture sur de nouveaux sujets. Une étude récente a révélé la fidélisation de 70 % des lecteurs et un taux de lecture record par… l’équipe officinale.
Bien-être et Santé a instauré un partenariat avec Giphar : chaque mois les officines du groupement reçoivent une version du magazine contenant huit pages Giphar, marquées d’un onglet à l’enseigne du groupement en couverture. On reconnaît chez Giphar que cette solution est bien plus avantageuse que de se lancer dans la création et la fabrication d’un magazine. En effet, le groupement n’assume financièrement que la moitié du coût des abonnements de ses adhérents tout en pouvant relayer ses campagnes vitrine et promouvoir ses produits à la marque. « Notre cahier comprend une publicité pleine page et une page rédactionnelle sur nos produits, une page déclinant les prestations du pharmacien Giphar, et deux sujets thématiques. C’est un véhicule de notoriété pour nos produits », précise Anne-Marie Steinmann, membre de la commission communication Giphar.
Le concurrent le plus direct de Bien-être et Santé est représenté par Info Santé. Créé en 1986, il est distribué dans 4 000 officines. Son petit format fait qu’il est facilement conservé par les lecteurs : quatre pages pour traiter de pathologies diverses, avec l’appui d’une équipe officinale qui bénéficie par ailleurs d’un recto verso de conseils (questions-réponses, quelques chiffres sur la pathologie traitée) pour chaque numéro. Info Santé est payant pour le pharmacien.
Du magazine d’enseigne au magazine grand public
Côté groupements, Le Journal de Plus pharmacie, créé en 1990, a été historiquement le premier consumer magazine d’enseigne en officine. Entièrement rédigé par la rédactrice en chef, Patricia Balm, et par des journalistes, il conserve un positionnement original avec une couverture et un article par mois consacrés à une célébrité du show-business parlant de la pharmacie. « Une des clés du succès auprès de notre clientèle, très friande de ce côté « people » », précise Joseph-Philippe Benwaïche, directeur de la publication. Passé de 24 à 36 pages (depuis 8 mois), le journal s’étoffe face à une demande et une fidélisation croissantes validées par des enquêtes consommateurs. Un moyen aussi de promouvoir les produits à la marque Plus Pharmacie, cités dans les articles (Joseph-Philippe Benwaïche annonce une progression des rotations de + 60 % sur certains produits). « Nous avons voulu un journal de la qualité de celle d’un magazine et nous en assumons les conséquences financières : nous n’équilibrerons pas notre budget avant 2003. » Une nouvelle rubrique « Conso » permettant d’effectuer des tests consommateurs des quelque 200 produits à la marque du groupement devrait voir le jour sous peu.
Pharmélia, ciblant par ses rubriques l’ensemble de la clientèle pharmaceutique, existe depuis 1997. D’abord créé par une équipe de journalistes sous le titre Pharmag – il était alors mensuel -, le journal a été récupéré en interne par le groupement IFMO qui s’estimait peu satisfait du message pharmaceutique véhiculé et de la qualité rédactionnelle. A ce jour, le magazine ne présente pas plus de 40 % de publicités issues d’annonceurs référencés par le groupement et systématiquement relayées au niveau rédactionnel (produits cités dans les articles). « Le journal est très bien perçu par les pharmaciens, précise Josette Prim, rédactrice en chef. Sans être « commercial », il génère un impact non négligeable sur les rotations. Nous remettons d’ailleurs à nos annonceurs une courbe des ventes avant, pendant et après la parution. Certains produits passent de 5 000 à 8 000 boîtes mensuelles ! Ceci grâce à une synergie de communication : vitrophanie, affichettes, merchandising, journal. Qui plus est, une fiche conseil plastifiée est remise à l’équipe et Pharmélia possède son propre site visité par 9 000 personnes chaque mois. »
Un défi difficile à tenir pour les laboratoires
Après trois ans d’existence, Forum Santé Magazine a peu changé si ce n’est qu’il est passé de 60 000 à bientôt 200 000 exemplaires. L’objectif, selon Pierre-François Charvillat, directeur général adjoint de Forum Santé, est de « mieux faire connaître le rôle du pharmacien dans le monde de la santé ». Avec une rubrique très attractive, « Testé pour vous », faisant appel pour les tests de produits à un panel de plusieurs centaines de consommateurs, le magazine remporte un certain succès auprès de la clientèle. « Nous proposons des articles de fond rédigés par des journalistes connus dans la profession, sans citations de produits, des espaces pour les annonceurs bien identifiés, de façon à nous positionner de manière très éthique et qualitative. Forum Santé Magazine est un « news » grand public qui n’a rien d’une brochure commerciale. Ce qui ne nous empêche pas de faire des opérations de trade-marketing (coupons, encarts…). » On ne cache pas chez Forum Santé la volonté, à terme, de vendre le magazine en kiosque. A ce jour, les dépenses le concernant sont équilibrées par la publicité. Le journal devrait devenir rentable en année 4, moyennant une ouverture espérée vers des annonceurs non pharmaceutiques (assurances, mutuelles, opérateurs téléphoniques…).
Yves Galand, directeur du développement Evolupharm, affirme que le magazine Evolupharm est avant tout un support commercial visant à faire connaître les produits à la marque du groupement et à relayer la publicité des laboratoires partenaires de la centrale d’achats. Quelques articles de fond indépendants de la publicité sont cependant écrits par des journalistes (via une agence). Les éditoriaux et publirédactionnels sont rédigés en interne. « Nous envisageons la mise en place d’un panel de consommateurs pour tester le magazine et d’un réseau de pharmacies pilotes pour mesurer l’impact du journal sur les rotations des produits. »
Si Pierre Fabre a dû, lui, abandonner la parution de son trimestriel Science et Beauté, vraisemblablement trop onéreux, le laboratoire reste présent sur ce terrain avec deux bisannuels : Plantes et Médecines, créé en 1990 (phytothérapie, aromathérapie, nutrithérapie), et Santé Nature, lancé en 1999 (homéopathie, oligothérapie). « Ces magazines sont très grand public : le ton est inspiré par les grands noms de la presse féminine, même si notre but reste de faire de la pédagogie scientifique autour des thèmes santé grâce à l’intervention de médecins connus », précise Christine Inçaurgarat, responsable communication Dolisos, Plantes et Médecines. Les produits du laboratoire sont cités sous forme de rédactionnels ou d’insertions (un support commercial qui vient en complément des autres actions dans les points de vente et dans la presse).
Des pharmaciens enthousiastes
Tout comme Pierre Fabre, les laboratoires Arkopharma ont renoncé à la diffusion d’Arko Santé et d’Attitude Santé qui ont été rachetés en janvier 2002 par l’éditeur d’ouvrages santé Alpen Editions. Le nouveau propriétaire a cherché à échapper à l’image « labo » de ces journaux qui deviennent plus génériques (les articles sont rédigés par des scientifiques indépendants, pharmaciens, médecins ou biologistes, les produits ne sont plus cités dans les articles, le choix des annonceurs va s’élargir à tous les fabricants de produits naturels).
Gérard Baude, titulaire de la pharmacie des Champioux à Argenteuil (95), est un inconditionnel du consumer magazine, distribuant à la fois Bien-être et Santé et Evolupharm (500 exemplaires par mois pour l’un, 500 exemplaires par trimestre pour l’autre). Avant de les mettre à disposition du public, il les fait toujours lire à son équipe. « Les clients sont de plus en plus demandeurs de ce type d’informations. J’estime que 30 % se servent spontanément en journaux ou en brochures sur notre kiosque. Il y a une véritable fidélisation sur ces journaux qui sont redemandés. On constate un suivi dans la lecture, certains même les conservent ! C’est une occasion pour ouvrir le dialogue et faire un conseil plus élaboré. Il n’y a que des retombées positives. » Les articles d’Evolupharm étant en relation étroite avec des campagnes événementielles (sur le diabète par exemple), le journal constitue un prolongement de l’information sur le point de vente.
Marie-Josée Boennec, titulaire à Cannes et distributrice de Pharmélia (500 exemplaires par trimestre) et de Bien-être et Santé (100 exemplaires par mois), reconnaît également l’intérêt de ces supports qui constituent une incitation à la réflexion : « Les clients apprécient la vulgarisation rigoureuse de sujets santé traités et considèrent ces magazines comme un service rendu par le pharmacien. La plupart prennent les deux. Ils contribuent à l’image positive véhiculée par l’officine. Je les trouve moi-même très qualitatifs. »
Ronan et Dominique Le Hénaff, titulaires à Rennes, mettent à la disposition de la clientèle chaque trimestre 500 exemplaires de Forum Santé Magazine. Ils s’écoulent en trois semaines. « Nous mesurons la fidélisation à la rapidité avec laquelle partent les 300 premiers exemplaires. » Un moyen pour Ronan le Hénaff de démarquer la politique de l’enseigne Forum Santé et d’avoir un effet de rémanence. « J’ai supprimé Bien-être et Santé pour privilégier la revue Forum Santé, car j’ai constaté que lorsque nous mettons également à disposition du public Arko Santé et Santé Nature, ces magazines « s’entre-tuent ». Il y a réellement un seuil d’absorption de la clientèle », observe le titulaire, qui considère que le magazine de son groupement est perçu comme moins « publicitaire » que les revues de laboratoires. Il constate cependant aussi que les consumer magazines n’ont pas encore acquis une identité forte et qu’ils restent interchangeables (la clientèle n’a fait aucune remarque sur la disparition de Bien-être et Santé et son remplacement par Forum Santé Magazine).
Jean-Bernard Hinterlang, installé à Morvilars (90), distribue la version Giphar de Bien-être et Santé, Arko Santé et Santé Nature. « La demande spontanée est forte et nous incitons les clients à les conserver. La moitié des exemplaires de Bien-être et Santé est donnée de la main à la main, de façon ciblée, en fonction de l’intérêt du patient pour tel ou tel sujet sur une pathologie. »
Pour Gérard et Claire Mézard, titulaires à Aurillac (15), Le Journal de Plus Pharmacie devient de plus en plus professionnel. Leurs rubriques préférées : la nutrition et l’interview des stars ! « Nous le donnons directement à nos clients après un achat, comme un cadeau. » Gérard Mézard est plus dubitatif quant à l’impact sur les ventes : « Nous avons un catalogue des promotions en parapharmacie, Pharmaprix, qui, lui, induit effectivement des augmentations de rotation de 60 à 70 %. Le consumer magazine n’a pas le même rôle : il est là pour valoriser l’image du groupement. »
En réalité, tous s’accordent pour dire qu’il est très difficile de mesurer l’impact commercial de ces journaux. On parle de « frémissements » sur les rotations, mais cela reste anecdotique. Enfin, la plupart des pharmaciens interrogés estiment difficile l’introduction d’éventuels magazines santé payants, à l’unité ou sous forme d’abonnement, compte tenu de l’habitude de gratuité aujourd’hui bien installée.
Combien ça coûte ?
– Le coût mensuel (conception, réalisation et impression) du magazine Pharmélia est de 20 000 Euro(s).
– Le coût de la création d’Evolupharm a été de 50 000 Euro(s) et la réalisation de chaque numéro est de 45 000 Euro(s).
– La conception-rédaction d’une page magazine revient de 2 700 à 3 000 Euro(s) en agence (moins avec des équipes intégrées).
– Pour Mikaël Weill, directeur général du groupe NOE, spécialisé dans la fabrication de consumer magazines, une brochure 32 pages quadri et de format A4 revient à 210 Euro(s) par page pour la conception, la réalisation et le montage. Il faut y rajouter 0,37 Euro(s) par exemplaire pour l’impression (par 50 000 exemplaires), 0,35 Euro(s) par brochure pour 100 000 exemplaires.
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