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Groupements : tous ensemble pour gagner
« L’activité de l’officine se porte bien et tire profit de la dermocosmétique depuis plusieurs années. Mais la situation tend à se dégrader en termes d’excédent brut d’exploitation (EBE) et les marges s’érodent », analyse Benoît Samarcq, directeur d’études du cabinet Xerfi, spécialiste des études économiques sectorielles. Dans ce contexte, s’affilier à un groupement devient « incontournable ». C’est le cas pour plus de 90 % des officines en France. « Les groupements sont un partenaire privilégié et indispensable des pharmacies, surtout petites et moyennes », souligne Alain Grollaud, président de Federgy, la chambre syndicale des groupements et enseignes et directeur d’Optipharm. Ils offrent en effet de nombreux atouts. En premier lieu, sur la partie achats. En raison de sa taille, le groupement a une capacité à négocier des conditions commerciales avantageuses avec les fournisseurs (laboratoires pharmaceutiques, fabricants de dispositifs médicaux…) et à mettre en place une chaîne d’approvisionnement efficace. « Nous avons un modèle unique de chaîne logistique intégrée, “du laboratoire à l’officine”. Avec notre système de livraison quotidienne, le stock est porté par la plateforme, avec un niveau réduit d’immobilisation de produits et donc un gain de trésorerie pour l’officine », argue Benoît Le Gavrian, président-directeur général de Giphar, qui réunit 1 250 pharmacies, dont 1 100 sous enseigne. « Nous disposons d’une plateforme d’achat et travaillons avec deux filiales de notre coopérative, le laboratoire générique Cristers, qui est 100 % français et n’exporte pas, et Marque verte, un laboratoire majeur en dermocosmétique, également français », expose Guillaume Paquin, président d’Objectif Pharma, un groupement de 500 pharmacies, dont 100 sous enseigne Wellpharma et 70 sous enseigne Anton & Willem. « Nos adhérents peuvent choisir de travailler en priorité avec tel ou tel génériqueur. Si le médicament préférentiel est en rupture, notre système informatique va proposer automatiquement la même référence chez un autre laboratoire », indique François Douère, directeur des opérations d’, qui compte près de 1 300 adhérents (dont 400 à l’enseigne) et développe également sa propre gamme de génériques, Evolugen.
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Distribution intégrée
Certains groupements disposent d’une centrale d’achat et d’une activité intégrée de grossiste répartiteur. « Nous proposons une centrale d’achat avec une centaine de laboratoires et sommes adossés au leader français de la répartition, OCP. C’est un levier que nous exploitons à fond et que nous voulons faire évoluer à travers une centralisation des achats et une livraison décarbonée », fait valoir Damien Hoehr, directeur général de Pharmactiv, filiale de Phoenix Pharma, qui gère également les réseaux PHR, Réseau Santé et Pharmavie. « Notre entrepôt à Châlons-en-Champagne a été agrandi de 5 000 m² et robotisé moyennant 12 millions d’euros. Il deviendra une centrale d’achat pour l’ensemble des groupements d’ici à un à deux ans », annonce Hervé Jouves, président du groupe Hygie31, holding qui anime le réseau Laf Santé (pharmacie, parapharmacie, optique et médical). L’affiliation à un groupement permet en outre aux officines de bénéficier d’une expertise et de moyens conséquents en termes de management d’entreprise. « Nous avons un comité d’entreprise et un service pour aider les pharmaciens dans leurs recrutements », énonce Sophie Rey, directrice d’Alphega Pharmacie France, groupement de 800 officines (dont 150 à l’enseigne) adossé au distributeur européen Alliance Healthcare. « Nous avons travaillé sur le soin aux équipes officinales : nous nous sommes rapprochés d’associations pour des campagnes dédiées. » Des outils, principalement numériques, sont également mis à la disposition des équipes pour les aider dans leur travail quotidien et leur dégager du temps. « 45 % du temps est consacré à des tâches du back-office », selon le directeur de Pharmactiv, qui a conduit l’été dernier une étude auprès de ses 1 000 adhérents (dont 225 sous enseigne). EvoluPharm, lui, a développé un site Internet proposant différents services : suivi des chiffres, génération d’affiches, agenda pour les rendez-vous, service de “click and collect”, scan d’ordonnances. Pharm-UPP a équipé l’ensemble de ses 1 270 officines de la solution Digipharmacie « pour la gestion des factures, le passage de commandes, la gestion des opérations promotionnelles, des réclamations, le planning. Tout est automatisé », témoigne sa présidente, Sophie Tallaron. Dans ce domaine, tous les groupements multiplient des exemples concrets.
Animation et fidélisation
L’objectif est également d’appuyer le développement de l’activité commerciale : marketing, offres promotionnelles, animations, services ou encore carte de fidélité. « Avec 600 000 patients encartés, Giropharm doit être dans le top 5 des groupements en termes de taille du programme de fidélité », estime Gilles Unglik, directeur général opérationnel du groupement de 400 adhérents. « On jongle entre des offres et promotions attractives pour le client et en même temps pas trop dispendieuses pour la pharmacie. Souvent, les promotions sont compensées par les laboratoires », explique Philippe Bellaïche, cofondateur et président d’iPharm, qui compte 90 pharmacies en Île-de-France.
Autre outil de fidélisation, de différenciation et de dynamisation des ventes : l’enseigne (lire l’encadré) et la commercialisation d’une gamme de produits en marques propres, en OTC et en parapharmacie, dont la marge n’est pas réglementée.
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Le retour “au cœur de métier”
L’image de l’officine se joue aussi à travers les opérations de santé publique régulièrement proposées aux patients : les maladies cardiovasculaires, les maux de l’hiver, la déshydratation et la protection solaire en été, le sommeil, le bon usage des médicaments (observance, lutte contre l’antibiorésistance et l’iatrogénie), Octobre rose sur le cancer du sein, Movember sur les cancers masculins, le Mois sans tabac, la santé de la femme… : les thématiques sont variées. « Nous proposons des “Rendez-vous santé”, à savoir des entretiens dans des espaces de confidentialité, sur le diabète, la douleur, l’oncologie, la santé de la femme, le sport-santé. Nous réalisons des enquêtes auprès des patients pour connaître leurs attentes », rapporte Gilles Unglik, le directeur général opérationnel de Giropharm. Les espaces de confidentialité sont devenus un incontournable de l’espace de vente, à la vue de tous, pour capitaliser sur le profressionnel de santé que représente le pharmacien. « Nous développons aussi des programmes spécifiques sur l’accompagnement des futurs parents, la prévention des chutes chez les seniors, les troubles lipidiques, et avons lancé en 2024 des conférences sur le bien-être », illustre Guillaume Paquin. « Nous sommes présents dans dix pays en Europe, ce qui nous permet d’avoir un étalonnage assez vaste : par exemple, la vaccination est très avancée en Angleterre, la téléconsultation en Espagne. Nous nous enrichissons des expériences des autres pays sous réserve que la législation nous le permette », relève Sophie Rey.
Un fer de lance pour chaque enseigne
Pour se différencier de la concurrence, chaque enseigne choisit son fer de lance. S’il est impossible de tous les citer, EvoluPharm, par exemple, s’investit dans le maintien à domicile. « On propose différents produits négociés auprès des fournisseurs (lit ou fauteuil médicalisé…) et des spécialistes viennent expliquer au pharmacien leur utilisation. Depuis plusieurs années, nous avons développé un service particulier dans les Hauts-de-France : le prestataire EvoluMAD peut, au nom du pharmacien, livrer, installer et faire la maintenance de l’équipement chez le patient et facturer les prestations à la Sécurité sociale », détaille François Douère. Aprium s’est, quant à lui, positionné sur la santé des femmes (premières règles, ménopause, cancer…). « C’est une stratégie de marque enseigne un peu singulière. On parle aux patients et aux clients avant de parler aux pharmaciens. On pense que ça va faire la différence sur le long terme en termes de recrutement de clientèle », estime Emmanuel Schoffler, CEO de Healthy Group, maison mère d’Aprium (près de 500 adhérents) et de Monge pharmacie, qui se constituera en groupement sous enseigne au premier trimestre 2025. Giphar, de son côté, a mis en place “Les 6 jours du cœur” en partenariat avec la Fondation de recherche sur l’hypertension artérielle. « 14 000 dépistages ont été réalisés gratuitement en pharmacie en 2024 », rapporte Benoît Le Gavrian. Certaines enseignes n’hésitent pas à rebondir sur l’actualité. Au moment des Jeux olympiques de Paris 2024, Giropharm a multiplié les actions autour de la thématique du sport santé, avec la championne de tennis paralympique Pauline Déroulède, marraine de l’opération « Sportez-vous bien »…
La pharmacie sous enseigne à l’épreuve
« Le passage à l’enseigne est un vrai levier de croissance », souligne Benoît Samarcq. En adoptant le logo, le concept de point de vente « clé en main » et la marque propre de son groupement, l’officine bénéficie de l’expertise du réseau, de son image et de sa notoriété. « La stratégie de la marque enseigne est prégnante chez nous. Chaque adhérent s’engage à passer sous enseigne », énonce Philippe Bellaïche, directeur général d’iPharm. « Le marketing est un élément fort : nous avons une charte intérieure avec quatre zones définies, nous nous occupons des vitrines, nous avons des écrans où le titulaire est mis en scène. C’est le meilleur influenceur que l’on ait trouvé. » A contrario, Pharm-UPP n’a pas d’enseigne et n’impose pas de modèle. « Notre ambition est que chaque pharmacien puisse développer la pharmacie qui lui ressemble », argue la présidente, Sophie Tallaron. Établis de longue date, les titulaires sont encore nombreux à considérer qu’ils n’ont pas besoin de la visibilité d’une enseigne. « Le fait de rester totalement libre dans la manière de construire l’offre patients est aussi une question déterminante. Les titulaires ont besoin d’indépendance », précise Benoît Samarcq, le directeur d’études de Xerfi. Pour l’heure, seules un tiers des pharmacies sont sous enseigne. « C’est une minorité sur le marché du commerce de détail, mais elles tendent à prendre de plus en plus d’ampleur », observe-t-il. « Avoir davantage d’adhérents sous enseigne est la grande priorité des groupements aujourd’hui. »
Logistique et formation
L’arrivée des nouvelles missions conventionnelles – la vaccination, les tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) angine et cystite, les bilans de médication, les entretiens femme enceinte et pharmaceutiques pour les malades chroniques (AVK-AOD, anti-asthme, anti-cancéreux…) –, sont autant de leviers de croissance. Pour ce faire, « les pharmaciens ont besoin de guides pratiques car, sur le terrain, tous manquent de temps pour s’occuper de la logistique et la formation », pointe Alain Grollaud. Ainsi, Aprium développe « trois axes : la formation des équipes, l’organisation du point de vente (planning, aménagement de la surface) et la communication auprès de la patientèle sur l’existence des missions », décrit Emmanuel Schoffler.
Outre les formations obligatoires pour la réalisation des nouvelles missions, des formations sont conçues, en interne ou en partenariat avec des organismes (Ma formation officinale…), sur les autres aspects du métier : la gestion, l’animation d’équipes… « La fac prépare au métier de pharmacien, Giphar prépare à celui d’entrepreneur », résume la coopérative. iPharm propose des ateliers du soir trois à quatre fois par mois. « Il y a une vingtaine de thèmes régulièrement actualisés. Ce sont des formations très pragmatiques (recommandations de questionnaires pour l’entretien de la femme enceinte…), mais aussi très business (textes juridiques, codes de facturation…), détaille Philippe Bellaïche. Nous avons deux programmes de formation intensive pour les titulaires. D’une part, un compagnonnage d’un an : le pharmacien encore adjoint est placé par périodes de trois mois dans des pharmacies qui ont une charte pour le former. D’autre part, une formation de trois jours au moment de l’installation : gestion du point de vente et de la clientèle, management, recrutement, planning, suivi d’activité, comptabilité, gestion des tableaux de bord en collaboration avec l’expert-comptable. »
Les groupements revendiquent un accompagnement humain, technique et financier à toutes les grandes étapes de la carrière du pharmacien (installation) et de la vie de l’officine (transfert, agrandissement), mais aussi dans l’activité au quotidien. « Nous sécurisons chaque étape du projet (définition des besoins et enjeux, aide au financement, aux démarches administratives et patrimoniales…) via la mise en relation avec un référentiel d’experts », indique Benoît Le Gavrian. « Une vingtaine de consultants de points de vente rencontrent nos adhérents toutes les six semaines et les accompagnent en fonction de leur projet d’entreprise : audit de la pharmacie avec une approche géomarketing, étude de la concurrence, recommandations d’agencement du point de vente et d’assortiment de marques », décrit Sophie Rey.
Le numérique et l’IA à la rescousse
Face à la concurrence croissante des grandes surfaces et des sites de vente en ligne, la pharmacie doit répondre aux attentes des clients. Site Internet, application mobile, livraison à domicile, click and collect… font partie des tendances de consommation qui vont marquer l’avenir.
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L’objectif de cet accompagnement omniprésent des groupements envers leurs adhérents est toujours le même : leur faciliter la vie en leur faisant gagner du temps sur les tâches ingrates et, en définitive, renforcer leur trésorerie.
L’union fait la force
Le mouvement de concentration des groupements d’officines ne cesse de s’intensifier dans l’Hexagone. L’intérêt étant bien sûr de peser plus lourd face aux laboratoires et aux grossistes. En novembre, Apsagir a accueilli Pharma Star, fédérant ainsi douze groupements régionaux indépendants, soit près de 900 pharmacies. En septembre, le groupe Hygie31, déjà à la tête des enseignes Pharmacie Lafayette, Pharmacyal et Pharmacorp, est devenu actionnaire majoritaire du francilien Quartz. Giropharm a racheté Apothera. « L’enjeu de l’intégration va être de créer le premier groupement coopératif de pharmacies en France, avec 1 800 adhérents, soit près de 9 % des parts de marché », ambitionne Gilles Unglik, directeur général opérationnel. En juillet, Evecial, propriétaire des groupements Botinical, Officinal, Dynamis et Ceido, a acquis une part majoritaire de Be Pharma, présent en Auvergne Rhône-Alpes. « Aujourd’hui, des conglomérats de groupements se forment autour de stratégies de croissance externe. Les grossistes répartiteurs suivent également cette voie, analyse Christophe Hirth, cofondateur et CEO de la société Choisir mon groupement. En parallèle, les coopératives historiques, telles que Giphar, Welcoop, Giropharm et EvoluPharm, continuent de représenter une part significative du réseau. D’autres acteurs bien établis, comme Elsie, Totum, PharmaBest, Apothical, COS Pharmacie, Médiprix, Pharmodel, Suprapharm, Hello Pharmacie, Maxipharma, Normandie Pharma et iPharm, ont axé leur développement sur une croissance organique. Il existe également de nombreux groupements régionaux et nationaux, plus ou moins développés. » Entre structures coopératives et holdings adossées à un fonds d’investissement, leur typologie est hétérogène. « Le secteur reste relativement éclaté avec des opportunités de rachat », observe Benoît Samarcq, directeur d’études du cabinet Xerfi. De fait, les acteurs sont tous confrontés à un même impératif : « atteindre une taille suffisante pour développer un ensemble de services nécessaires aux pharmacies », résume Alain Grollaud, président de Federgy.
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