Groupements : à la conquête des futurs installés

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Groupements : à la conquête des futurs installés

Publié le 8 février 2023
Par Francois Pouzaud
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Parce que l’avenir et le développement de leur réseau en dépendent, les groupements s’impliquent de plus en plus en faveur de la transmission en aidant financièrement les jeunes à acquérir leur première officine. Mais leur rôle d’accompagnement des candidats à l’installation va bien au-delà de ce qu’on peut attendre d’un investisseur pur. Un jeu gagnant-gagnant.

S’appuyant sur une palette de montages financiers aujourd’hui bien rodés, les groupements courtisent et escortent la nouvelle génération de pharmaciens, en jouant souvent le rôle d’intermédiaire entre cette vague montante qui souhaite s’installer et les adhérents qui envisagent de céder ou d’investir. Car, compte tenu de la démographie vieillissante de la profession et du manque d’attractivité de la filière officine, il y a en 2023 un réel besoin d’assurer la transmission générationnelle. Les offres des groupements d’accompagnement et d’aide à l’installation sont d’une complétude incroyable, d’un bout à l’autre – et même au-delà – de la transmission. Avec une fin de retour sur investissement, une volonté de pérenniser leur réseau et de sauvegarder le maillage territorial des officines. En contrepartie, ils imposent un certain nombre de conditions au futur installé avec d’autant plus de facilité que ce dernier est inexpérimenté. 

Opération séduction

Les groupements ont toujours eu l’esprit pépinière, semant un maximum de graines pour se constituer un vivier de profils le plus intéressant possible. Pour ce qui est de créer sa propre base de données sur les candidats à l’achat d’une officine, chacun y va de sa méthode. Par exemple, « Leadersanté aide le pharmacien dans la recherche de son officine, par le biais des pharmaciens du réseau en quête de parrainage dans un premier temps, puis en faisant appel aux partenaires fidèles tels que les transactionnaires et les laboratoires », explique Alexis Berreby, pharmacien cofondateur du groupement. Et pour se faire connaître auprès des jeunes, tous les moyens, ou presque, sont bons. « Nous sommes présents sur LinkedIn, nous intervenons dans les facultés de pharmacie, etc., renchérit Pierre-Henri Cazaly, directeur du développement de Pharmacie Lafayette. Tous les mois, nous sommes également sollicités en direct par un ou deux cédants en raison de la réputation de notre enseigne à s’implanter sur une zone à fort potentiel et à installer des pharmaciens adjoints pour développer de nouveaux territoires. » A l’inverse, Elsie Santé, qui développe des outils d’aide à l’installation, ne s’adresse pas aux primo-accédants. « Nous ciblons les titulaires aguerris qui disposent au minimum de la moitié de l’apport, affirme Emmanuel Lassale, président du groupement.

Néotitulaire, un métier qui s’apprend

Aujourd’hui, tous les groupements ont monté leur propre école ou créé leur programme de formation du futur installé. Objectifs : déminer le terrain, lever les derniers doutes des candidats en répondant à leurs inquiétudes, en démystifiant leurs peurs et en les rendant plus matures pour aborder les sujets financiers et managériaux. « Tous les ans, Giphar propose six séminaires de deux jours (deux à Paris et quatre en région), ouverts à tous les adjoints, qu’ils travaillent dans des officines Giphar ou non », indique Anne Pointcheval, responsable communication clients de la coopérative. Avec GiroAcademy, les futurs installés bénéficient d’une formation 100 % Giropharm de deux jours, en amont de l’installation, pour les aider à mieux appréhender leur prise de poste. PharmaVie a aussi mis en place un module de formation théorique et pratique destiné aux adjoints, d’une durée de deux jours, en groupe de douze personnes maximum. L’école de formation Aprium School quant à elle accompagne le futur titulaire sur tous les sujets métiers et sur le savoir-être (posture, management, etc.), entre autres. Du côté de Leadersanté, ce sont 70 pharmacies qui ont bénéficié du dispositif d’aide à l’installation depuis 2017. Aujourd’hui, son programme Grow’in ne se contente plus de financer de l’apport en fonction des besoins de la cible et du candidat. « Au moment de la construction du business plan, un assessment (une évaluation, NdlR) et un entretien motivationnel sont effectués afin de mieux connaître le candidat à l’installation et son profil, présente Alexis Berreby. Sept critères sont évalués : stratège, entrepreneur, professionnel, manager, sens du client, gestionnaire, scientifique et réglementation officinale. L’objectif est d’identifier ses besoins, manquements et attentes. »

Au-delà de l’installation

Les offres d’accompagnement sont formalisées sous des concepts spécifiques avec appellations différentes, comprenant la recherche et la valorisation d’une officine, l’étude géomarketing, l’analyse bilancielle et prévisionnelle de l’officine à la vente, le montage du dossier bancaire, voire un engagement financier du groupement en se portant caution auprès de banques partenaires, une réflexion du projet de développement selon la zone d’implantation, le suivi post-installation (optimisation de l’agencement et référencement), etc. « Chez Giphar, dès les premières semaines après l’ouverture, un conseiller dédié aux nouveaux installés passe une semaine dans l’officine pour aider le nouveau titulaire dans la prise en main de son outil de travail et dans la mise en place des process de passage de commandes, d’optimisation de son temps, etc., affirme Anne Pointcheval. Nous mettons en place une solution de veille de l’activité corrélée au prévisionnel comptable validé lors de l’acquisition. Lorsqu’un écart négatif est constaté, nous contactons le jeune titulaire pour voir avec lui les raisons de ce décrochage et nous lui l’accompagnons gratuitement pour mettre en place des éventuelles mesures correctrices », ajoute-t-elle. Giropharm bichonne aussi les néotitulaires, avec un coaching de prise de poste pendant les douze premiers mois de leur installation.

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Transfert d’expérience

Le compagnonnage et le mentorat sont deux approches qui accordent plus de place à l’humain dans l’analyse, la gestion et le suivi des projets. « En cohérence avec notre approche de cooptation, le programme Ceido mentoring est piloté par le pharmacien Ceido déjà installé (le mentor) qui est capable d’identifier et d’agir en situation sensible », signale Christian-Éric Mauffré, président du groupement Ceido, qui vient d’être racheté par Boticinal. Les premiers signes distinctifs d’iPharm sont également le compagnonnage et le mentorat. « Le compagnonnage permet au jeune de parfaire sa formation business pendant un an dans trois pharmacies iPharm avant son installation pour devenir chef d’entreprise, enchaîne Philippe Viratelle, directeur des opérations iPharm. Lors de l’installation, le mentorat prend le relais et consiste en un accompagnement stratégique de haut niveau de la part d’un des pharmaciens titulaires membres fondateurs d’iPharm. » Du côté d’Escale Santé, on privilégie aussi dans Offi 360 Install, le mentorat de pharmaciens « investisseurs » du réseau.  

Objectif : Une prise en main accélérée

Pour les groupements, l’objectif n’est pas uniquement d’engranger une adhésion supplémentaire, mais de permettre au primo-accédant d’acquérir une certaine maturité et de développer rapidement son chiffre d’affaires pour qu’il devienne à son tour un adhérent investisseur qui aidera un jeune à s’installer. Animée par ce même esprit d’accompagnement du candidat en amont de sa démarche, la direction du développement de Giphar a développé l’Executive MBA Giphar – Audencia. « Ce programme certifiant de niveau 7 est dispensé par les experts d’Audencia, les places sont limitées à 15 participants (adjoints Giphar ou non), sélectionnés sur dossier (coût de la formation pris en charge par Giphar) », détaille Anne Pointcheval. Une approche également adoptée par iPharm en post-installation : « Nous proposons un accompagnement personnalisé lors de rendez-vous réguliers : aides sur le suivi des travaux, le zoning, le merchandising, la mise en place de services, etc. », résume Philippe Viratelle.

Une approche éthique des OCA

Divers montages financiers sont utilisés par les groupements. Parmi eux, le financement par obligations convertibles en actions (OCA), très controversé à ses débuts dans la profession, avec l’immixtion des fonds d’investissement dans le financement des officines. Cela n’a pas fait que des émules. « Pharmodel privilégie des solutions de financement multiples, des amplificateurs d’apport personnel, des financements collaboratifs (fonds privés), dans le respect de l’indépendance du pharmacien, c’est-à-dire sans pacte d’associés ni obligations convertibles », livre Évelyne Bessieres Grosjean, directrice marketing & retail de Pharmodel. Les OCA sont rangées dans la boîte à tiroirs des montages financiers de Pharmacie Lafayette à côté d’autres leviers que l’on peut coupler : boosters d’apport, pactes d’associés, adhérents qui souhaitent installer leurs assistants. « Le financement par OCA à un taux de 6 % peut être mis à disposition facilement sur une longue durée. Grâce au cash-flow généré par une pharmacie sous enseigne Lafayette, le pharmacien peut envisager de les refinancer par anticipation au bout de cinq ans, sans prime de non-conversion », indique Pierre-Henri Cazaly. Totum Pharmaciens de son côté apporte la somme nécessaire pour compléter l’apport du jeune, sous forme d’obligations simples, non convertibles, « l’association laisse toujours dès le départ 80 % de la valeur économique au pharmacien titulaire », assure Grégoire Vergniaud. Preuve que les groupements défendent avant tout l’idée de la transmission dans le respect de l’indépendance du jeune pharmacien, chef d’entreprise, et d’un partage équitable avec l’investisseur.