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Commandes en ligne : les groupements gardent la distance
« Plus il y a de click and collect, plus le pharmacien est marginalisé. Nous proposons ce service bien sûr, mais il a vocation à ne rester qu’un service. Pas un cœur de métier ! », explique Alain Styl, directeur général du groupement Pharmabest, résumant ainsi la position des groupements et de leurs adhérents face aux dispositifs de commandes à distance suivis de retraits en pharmacie. Position d’équilibriste entre, d’une part, la volonté de ne pas passer à côté de ventes et services en ligne et, d’autre part, celle de ne pas galvauder l’activité officinale en un e-commerce soumis à la loi de la concurrence. Résultat : si la plupart des groupements livrent des sites internet disposant de modules de click and collect à leurs officines adhérentes, ils leur laissent la liberté de les déployer ou pas. Et elles sont loin de toutes le faire.
L’officine réticente aux « lockers »…
Les 300 officines de Totum utilisent toutes le site fourni par le groupement et près d’un tiers ont activé les commandes en ligne. Chez Pharmabest, la totalité des 127 officines utilisent le site internet qui leur est proposé, mais elles ne sont que 50 à afficher une icône de click and collect. « Seules dix d’entre elles proposent des casiers dans leurs surfaces de vente, casiers dans lesquels les pharmaciens déposent les produits commandés par les clients sur Internet, ce qui leur permet de gagner du temps en période d’affluence », précise le groupement. Le 100 % click and collect est donc loin de faire florès en pharmacie, l’étape du comptoir et du conseil étant toujours considérée comme un gage de crédibilité professionnelle et de service de qualité. En outre, des contraintes physiques liées à la surface et la configuration des officines limitent aussi l’installation de ce type d’équipement : « Un locker doit être installé à l’intérieur de la pharmacie afin d’être alimenté, tout en étant accessible depuis l’extérieur », fait-on savoir chez Laf Santé, qui précise qu’aucune de ses officines adhérentes n’en dispose.
… et à afficher son stock en ligne
Cependant, l’appétence pour ce service connaît d’importantes disparités. À l’image de la pharmacie Carré Opéra et de la pharmacie des Halles, situées à Paris, qui enregistrent une forte activité de click and collect, les officines situées dans un environnement très concurrentiel, notamment dans de grandes métropoles, sont celles qui ont le plus tendance à jouer cette carte. « Cela dépend aussi du tempérament des titulaires, avance Thierry Miquel, responsable des systèmes d’information de la coopérative Giropharm, qui propose un module de click and collect depuis fin 2023. Vous avez les pharmaciens au profil entrepreneur, prêts à tout essayer pour se développer ; certains, plutôt proches de la retraite, qui ne considèrent plus opportun ce genre d’effort, et tous les jeunes qui arrivent et pour qui le digital est une évidence. » Reste que la transparence et la mise en concurrence « pure et parfaite » des prix et produits en stock induites par ces services via les sites web rebutent encore la très grande majorité des titulaires. « Ils ont du mal à rendre public leur catalogue et redoutent d’entrer trop ouvertement, pensent-ils, en concurrence avec l’officine voisine », poursuit Thierry Miquel qui indique réfléchir aux améliorations qui pourraient être apportées à ce service, éventuellement en lien avec les éditeurs de logiciels de gestion officinaux. Sur les 600 officines adhérentes revendiquées par Giropharm, une soixantaine aurait activé l’option mise à disposition par la coopérative.
Le « click and collect » en chiffres
Selon l’étude de Kozea Group, « Le dispositif du click and collect », réalisée en août 2022 auprès de 122 pharmacies et 1 742 patients, 71 % des patients n’utilisent pas le click and collect pour leurs achats de produits de santé en pharmacie. Si pour 37 % des patients son principal avantage est le gain de temps, 39 % évoquent la peur de perdre l’échange avec leur pharmacien en y recourant. Pourtant, 69 % du panel seraient favorables à l’utilisation de ce service s’il était disponible dans leur pharmacie et 73 % souhaiteraient que leur pharmacie le propose.
À distance, l’ordo va bon train !
« Et puis, même s’il y a bien des clients pour ces services, nombre d’entre eux privilégient encore la relation directe avec un pharmacien », indique Thierry Miquel. En revanche, l’envoi d’ordonnance suivi de retrait en officine et la livraison des produits de parapharmacie rencontrent, eux, plus de succès. Sur ces points, les intérêts du professionnel de santé rejoignent ceux du commerçant. Les groupements ne s’y sont pas trompés : l’immense majorité propose un site à leurs adhérents qui inclut un module d’envoi d’ordonnances. Les patients plébiscitent largement cette fonction. « Elle est simple, pratique. Il leur suffit d’un smartphone. Après envoi de l’ordonnance, les officines reçoivent une notification, préparent la commande et n’ont plus qu’à appuyer sur un bouton pour avertir le patient de sa mise à disposition », explique Arnaud Imerglik, directeur de l’innovation chez Aprium. « Désormais, toutes nos pharmacies affichent ce service sur leur site et celles qui le refuseraient risqueraient de créer de la frustration », poursuit-il. Enfin, Aprium, en plus des livraisons de produits de parapharmacie achetés en ligne, va jusqu’à proposer de la livraison de médicaments sur ordonnance par des coursiers et facteurs. Des livraisons qui, si elles se popularisaient, devraient par ricochet entraîner des regains de commandes via le site.
3 questions à Arnaud Imerglik, chargé de l’innovation chez Aprium
Quels sont les services à distance proposés ?
Aprium propose, pour chaque adhérent, un site incluant une fonction e-commerce et envoi sécurisé d’ordonnance depuis 2018 et livraison de produits prescrits par coursiers et facteurs depuis fin 2019. Toutes nos officines affichent l’envoi d’ordonnance et les trois quarts, l’e-commerce.Lesquels attirent le plus ?
Les patients plébiscitent fortement l’envoi d’ordonnance. Pour l’e-commerce, les clients demandent surtout des produits de première nécessité : lait infantile, gels douche, dentifrices… et promotions. La livraison d’ordonnance rencontre du succès auprès des aidants, personnes âgées et celles à mobilité réduite. Plus de la moitié de nos officines ont effectué des livraisons de produits prescrits sur ordonnance.Quels sont les freins à leur développement ?
L’interdiction de faire de la publicité qui entraîne une méconnaissance du public sur ces services.
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