Vente Réservé aux abonnés

RESTER DANS LE CADRE DES PRATIQUES COMMERCIALES

Publié le 30 avril 2011
Par Francois Pouzaud
Mettre en favori

Les pratiques commerciales du pharmacien sont strictement encadrées par le droit. Comment accepter des remises ou proposer des promotions à sa clientèle sans franchir la ligne blanche ? Rappel de ce qu’il faut savoir.

1 Quelles sont les limites aux pratiques commerciales ?

Elles se concentrent dans les pratiques dites de « remises et ristournes » du fournisseur au pharmacien. « Le législateur encadre de manière restrictive ces pratiques, laissant à la DGCCRF le soin de contrôler les méthodes de fixation des prix par le pharmacien ? », rappelle Guillaume Fallourd, avocat du cabinet éponyme. Le contrôle des agents de Bercy porte sur quatre cas de figure :

1 Lorsque le prix est librement fixé, la DGCCRF va notamment contrôler l’interdiction de vente à perte. Le seuil de revente à perte correspond au prix public le plus bas pouvant être pratiqué par le pharmacien afin d’être compétitif. Selon l’article L 442-2 du Code de commerce, « le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d’annoncer la revente d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif est puni de 75 000 euros d’amende ».

2 La DGCCRF contrôle également l’application d’un arrêté (31/12/2008) relatif aux annonces de réduction de prix à l’égard du consommateur. Celui-ci prévoit notamment que « toute publicité à l’égard du consommateur comportant une annonce de réduction de prix doit obéir aux conditions suivantes (…) lorsqu’elle est faite sur les lieux de vente ou sur des sites électroniques marchands, l’étiquetage, le marquage ou l’affichage des prix réalisés conformément aux dispositions en vigueur doivent faire apparaître, outre le prix réduit annoncé, le prix de référence… » Or, le prix de référence ne peut excéder le prix le plus bas effectivement pratiqué pour un article similaire au cours des 30 derniers jours précédant le début de la publicité. Il faut justifier, à la demande des agents de la DGCCRF, par des notes, bordereaux, bons de commande, tickets de caisse ou tout autre document, des prix effectivement pratiqués au cours de cette période, précise Guillaume Fallourd. Le pharmacien peut également utiliser comme prix de référence le prix conseillé par le fabricant du produit, s’il est en mesure de justifier que ce prix est couramment pratiqué par les autres distributeurs du produit. »

3 Les agents de la DGCCRF vont pouvoir également contrôler l’existence de pratiques anticoncurrentielles contraires à l’article 377-2 du Code de la sécurité sociale. « Sera puni d’une amende de 3 750 euros et d’un emprisonnement de six mois ou de l’une de ces deux peines seulement quiconque, soit par menaces ou abus d’autorité, soit par offre, promesse d’argent, ristourne sur les honoraires médicaux ou fournitures pharmaceutiques faits à des assurés ou à des caisses de sécurité sociale ou à toute autre personne, aura attiré ou tenté d’attirer ou de retenir les assurés notamment dans une clinique ou cabinet médical, dentaire ou officine de pharmacie. » Pour l’avocat, « cet article vient sanctionner, par exemple, les pratiques de ristournes octroyées à des directeurs de maisons de retraite en contrepartie de la distribution des produits de santé ».

4 Enfin, et de manière plus stricte, la DGCCRF va contrôler le respect des marges pratiquées dans la vente des médicaments remboursables. L’article L138-9 du Code de la sécurité sociale prévoit que les remises, ristournes et avantages commerciaux et financiers de toute nature (y compris les rémunérations de services comme les contrats de coopération commerciales) consentis par un fournisseur de spécialités pharmaceutiques remboursables ne peuvent excéder, par année civile et par ligne de produits, pour chaque officine, 2,5 % du prix fabricant hors taxes (PFHT) de ces spécialités. Ce plafond est porté à 17 % pour les génériques et les spécialités sous TFR. « En cas de manquements graves, le pharmacien engage sa responsabilité, avec une peine maximale de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende, met en garde Guillaume Fallourd. Ainsi, depuis la loi du 5 janvier 2008, les marges dites “arrières” sont interdites et les pratiques commerciales visant à la conclusion de contrat de coopération commerciale ont du être écartées. »

2 Comment afficher les prix ?

Dans sa lettre d’information du 21 février, l’UNPF signale qu’elle a été alertée par la DGCCRF du non-respect de certaines règles en matière d’affichage des prix par les officinaux. Le pharmacien, soumis aux règles du Code de la santé publique, doit se conformer « à la réglementation économique en vigueur » selon l’article R. 4235-65. L’article L. 113-3 du Code de la consommation prévoit, en outre, que « tout vendeur de produits ou tout prestataire de services doit par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur sur les prix ».

Publicité

Souvent oublié, l’arrêté du 3 avril 2003 pose un certain nombre d’exigences en matière d’affichage du prix des médicaments non remboursables :

– le prix TTC des médicaments non exposés à la vue du public doit faire l’objet d’une information par voie d’étiquetage figurant sur le conditionnement ;

– le prix TTC des produits exposés à la vue du public donne lieu à un affichage visible et lisible par le client. Selon les recommandations de l’Ordre sur la tenue de l’officine, ces prix doivent être de caractère gros pour être lus par les personnes malvoyantes.

– Le pharmacien doit apposer, sur un support visible et lisible par le consommateur se trouvant dans l’officine, la notice suivante : « Le prix des médicaments non remboursables est libre. Vous êtes informé des prix pratiqués dans l’officine pour ces médicaments par affichage ou étiquetage et, pour les médicaments non remboursables soumis à prescription médicale obligatoire, par un catalogue librement accessible au public. »

Ce catalogue doit être mis à jour mensuellement. En introduction, il doit également indiquer :

– les « prix TTC des médicaments non remboursables soumis à prescription médicale obligatoire habituellement détenus dans l’officine » ;

– la date de la dernière mise à jour ;

– la mention suivante : « En raison de contraintes d’approvisionnement ou lorsque le médicament n’est pas immédiatement disponible à l’officine, son prix de vente peut exceptionnellement être différent du prix inscrit sur le catalogue. Dans ce cas, le pharmacien vous informe de cette différence de prix avant l’achat. »

« En cas de manquement, la DGCCRF invite le pharmacien à régulariser la situation avant toutes sanctions », rassure l’avocat.

3 Quelles sont les obligations pour les produits préemballés ?

D’après un arrêté du 16 novembre 1999, certaines dispositions sont également applicables à certaines catégories de denrées alimentaires (produits diététiques, de régime, pour nourrisson et enfants en bas âge) et de produits non alimentaires (savons de toilette, dentifrices, produits pour bain, soins de la chevelure, produits pour le rasage, eaux de toilette, lotions d’hygiène corporelle, et produits solaires) préemballés vendus en pharmacie.

Il exige que ces derniers soient munis d’une étiquette indiquant :

– le prix de vente au kilogramme, à l’hectogramme, au décilitre ou au litre ;

– la quantité nette délivrée ;

– le prix de vente correspondant.

« Il est possible d’opter par catégorie de produits pour l’étiquetage à l’hectogramme, au kilogramme, au décilitre ou au litre, mentionne Guillaume Fallourd. Lorsque des produits préemballés identiques sont présentés en poids ou en volumes égaux et exposés ensemble à la vue du public, l’étiquetage peut être remplacé par un écriteau situé à proximité des produits. »

Assouplissement ordinal

Si l’information sur les prix est obligatoire, la publicité sur d’éventuelles ristournes reste exclue. La jurisprudence disciplinaire sanctionne le pharmacien, principalement sur le fondement de la dignité professionnelle, à savoir l’article R. 4235-22 du Code de déontologie, ou encore sur le fondement de l’article R. 4235-64 qui interdit toute incitation des patients à une consommation abusive de médicaments. « Une décision du CNOP semble amorcer un assouplissement dans l’interprétation des règles précitées, note Guillaume Fallourd. Le 29 juin 2010, l’instance ordinale a considéré que la publicité pour des produits dont la vente n’est pas réservée aux pharmaciens, et pour lesquels la publicité est admise, est conforme aux exigences de la réglementation en vigueur. »