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Qui s’y colle décolle

Publié le 13 mai 2006
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Avant de dégainer l’étiqueteuse, pesez bien les conséquences de votre geste sur la santé de votre officine. Plus question de jouer aux apprentis sorciers ou de se laisser mener par le dégoût de l’étiquette. Déremboursements, concurrence et autres mesures d’économie sont autant de raisons qui valent quelques jours de réflexion.

L‘officine a ceci de symptomatique que la plupart des produits qu’elle vend évoluent en dehors de toute échelle de valeur contrairement aux autres circuits », remarque Xavier Moinier, maître de conférences à la Faculté de sciences économiques de Poitiers et auteur de « La stratégie marketing de l’entreprise officinale ». « Lorsqu’il entre à la pharmacie, le patient consommateur n’a pas forcément une idée des prix, ajoute-t-il, sauf si l’on se place sur les produits frontière qui se trouvent également en GMS et en parapharmacie. » Une situation qui risque de durer encore à en croire la faible demande de la part des patients du catalogue de prix. « Le manque d’expertise du client/patient et son absence de réflexe à chercher systématiquement le prix le moins cher, doivent conduire à adopter une politique de prix raisonnée qui ne s’axe pas uniquement sur le principe du prix plus bas », commente-t-il encore. D’autant plus que le temps n’est plus à l’heure du coefficient multiplicateur unique par catégorie de produits contrairement à ce qui se passait dans les années 90, comme le souligne Joëlle Hermouet, consultante et formatrice en merchandising et stratégie commerciale. Ce système, s’il permettait aux titulaires de dégager une marge brute minimale de 36,5 % pour des produits ne bénéficiant pas de remise avec un coefficient sur prix tarif de 1,889 pour les produits à taux de TVA 19.6 % et de 1,66 pour ceux à la TVA 5,5 %, alignait, de fait, les prix de l’ensemble des pharmacies quel que soit leur profil. Une faiblesse dont s’étaient emparés les centres de parapharmacie en pratiquant, dès leur création, des prix 20 % inférieurs à ceux de l’officine. Une offensive qui a rapidement dû faire face à une riposte d’autant plus agressive que l’officine dispose de deux atouts de poids pour mener à bien le combat. Elle bénéficie d’un trafic garanti par les ordonnances et elle a la possibilité de travailler à marge réduite sur les produits de parapharmacie puisque plus de 80 % de son chiffre d’affaires sont assurés par le médicament ce qui lui permet de financer ses frais généraux. Une opportunité d’autant plus intéressante que selon le sondage réalisé par Direct Medica, vous constatez qu’à 84 % la sensibilité du client à la notion de prix se porte sur les produits de parapharmacie.

Bien doser ses effets prix.

« Le fait de pratiquer une politique de prix bas ou tout du moins de s’aligner sur les prix des circuits concurrents directs dans le domaine de la parapharmacie est une manière efficace de développer une image de prix accessible pour l’ensemble de la pharmacie », explique Joëlle Hermouet. Rassuré sur le prix des produits pour lesquels il possède une échelle de valeur, le client sera d’autant plus disposé à recevoir le conseil du pharmacien pour la médication familiale et à acheter son OTC dans l’officine. Une attitude qui, au final, peut même provoquer une hausse du volume de prescriptions. L’impact de ce type de politique va donc au-delà des produits concernés. Il se traduit par une augmentation globale du CA de la gamme, de la famille d’origine de ces références, par le développement de la part du CA des produits à taux de TVA 5,5% et à 19,6% et par le développement de la marge globale de la pharmacie en valeur absolue. Mais attention à ne pas tirer des conclusions hâtives pour autant. Si la parapharmacie est un segment d’appel à soigner tout particulièrement, la mise en place d’une politique de prix nécessite un traitement spécifique de chaque catégorie de produits. « Il faut absolument se défaire de ses habitudes, conseille Joëlle Hermouet. Ce n’est même pas marque par marque mais bien produit par produit qu’il faut établir ses prix. » Un effort qui peut être payant puisque pour une officine qui évolue dans un environnement moyennement agressif et qui part d’une politique de prix non travaillée, le bénéfice d’une remise à plat associée au merchandising et à une animation produit peut s’évaluer à une progression du CA de 8 à 10%. Dans son ouvrage sur la politique de prix, Joëlle Hermouet préconise d’établir une veille particulière sur les produits « sensibles ». Ces produits sont généralement des produits d’usage fréquent, indispensables et dont on connaît le prix (shampooings, dentifrices, savons…). La sensibilité au prix sera plus faible dans le cas où les achats sont guidés par le conseil ou le prescripteur (dermatologue par exemple) mais elle existe tout de même et doit être ménagée. Elle classe à part les produits de dermocosmétique, pour lesquels le consommateur n’a que rarement une idée précise du prix, répondent, eux, plus à un phénomène de seuil de prix établi en fonction de la qualité supposée du produit. Dans son portrait robot du produit sensible, elle précise que ce sont toujours des produits de fortes rotations et qu’ils se trouvent souvent parmi les grands leaders des marchés porteurs. Forte rotation n’est pas synonyme de volume. En effet, un produit de volume peut être porté par le conseil ou la prescription et, dans ce cas, le prix n’a qu’une faible influence sur ses performances.

Assurer la cohérence.

Attention, si le client est plus sensible au prix de certains produits qu’à d’autres, il réagit également à l’hétérogénéité d’une politique de prix mal conçue. Une logique de prix qui ne tient pas compte de la réalité du marché peut conduire à certaines aberrations. Comment expliquer qu’au sein d’une offre solaires les prix des indices les plus forts soient les plus bas et inversement ? Un petit jeu dangereux d’autant que le client ne retiendra que le cher s’il touche ses produits de référence même si l’officine affiche des prix bas sur d’autres produits. La mise en place d’une politique de prix efficace passe donc par la désignation d’un responsable qui aura une vision globale de la situation et qui sera capable d’éviter les dérapages. Si la tâche vous paraît trop lourde, vous pouvez tout à fait la déléguer tout en validant les orientations prises en fonction de vos choix stratégiques. Roland Tucholsky, titulaire à St Julien de l’Ars (86), a choisi cette option en créant un poste de responsable des achats au sein de son officine. « Je ne suis pas un commercial. J’en ai eu marre de me faire avoir par les laboratoires en négociant sur un bout de comptoir entre deux clients sans trop savoir où se trouvait mon intérêt, confie-t-il. Le jour où je suis passé en gestion de stock, j’ai pris la décision d’embaucher une personne entièrement dédiée à la tâche. Elle est chargée des achats et de déterminer les prix au sein de l’officine. Nous discutons de ses choix et chaque membre de l’équipe est invité à faire part de ses remarques. Bien sûr, je conserve le pouvoir de décision final mais je peux enfin m’appuyer sur une réflexion construite. »

Si la cohérence passe par la centralisation des informations, elle tient également à la régularité des réajustements. Le client doit pouvoir compter sur une politique de prix sûre. Ne succombez pas au syndrome du pompiste en répercutant instantanément toutes les modifications de prix au comptoir. Les prix proposés ne peuvent pas monter et descendre en fonction des sources d’approvisionnement. Si vous vous dépannez chez votre grossiste entre deux commandes de direct, vous perdrez moins à continuer à pratiquer votre prix habituel qu’à déstabiliser votre client. Le petit jeu de la fixation des prix est suffisamment compliqué pour que vous ne modifiez vos plans plus de deux fois par an. Les seules variables doivent rester les politiques de promotion ponctuelles et les nouveautés.

Gérer les déremboursements.

Pourtant, l’actualité vous pousse à refaire le tour de vos étiquettes. Désormais, il va falloir intégrer dans votre panel de prix ceux des produits nouvellement déremboursés. Dans ce cas, deux situations se présentent. Soit, il s’agit de produits qui étaient achetés en automédication notamment en raison de leur bas prix, soit il s’agit de produits principalement délivrés sur ordonnance. Dans le premier cas, le client peut se souvenir du prix du produit, dans le second il n’y a pas forcément fait attention, cependant il dispose peut-être encore de boîtes vignetées chez lui qui pourront le faire réagir (non seulement il doit payer mais en plus le prix du produit peut avoir doublé). Pour éviter que cette mesure économique ne porte ombrage à l’image de prix accessible que vous avez longuement bâtie vous allez devoir agir sur plusieurs fronts. Celui de la communication tout d’abord en expliquant les raisons du changement et éventuellement en transférant la demande du client sur un autre produit. Un choix stratégique auquel les génériques vous ont largement préparés et pour lequel 59% d’entre vous ont déjà opté selon les résultats de l’enquête Direct Medica. Que vous décidiez ou non de redéfinir votre offre, vous devrez inévitablement répercuter une partie de la remise obtenue auprès du laboratoire sur le prix de vente de façon à favoriser une augmentation progressive. Cette augmentation devra à la fois ménager votre client et votre trésorerie. Vis-à-vis du client, la notion de prix psychologique prend encore plus de poids. Tout en augmentant la valeur absolue du prix de vente public unitaire, vous devez veiller à limiter le passage de tranche d’euro. Vis-à-vis de votre trésorerie, vous devez intégrer la nécessité d’une légère augmentation de votre marge afin de financer les frais supplémentaires engendrés par le déremboursement (stockage, faible rotation, argumentation, conseil). Un casse-tête auquel certains groupements vous aide à faire face. C’est le cas de Forum Santé qui a décidé de mettre en place une stratégie en trois temps. Pour contrer le refus du client, le groupement a mis en place une campagne de communication sur le lieu de vente dont le message est « Ce n’est pas parce que ce n’est plus remboursé que ça n’est plus efficace ». De plus le groupement redéfinit son assortiment produit en y adaptant sa politique de prix. Enfin, Forum Santé profite de l’occasion pour réaffirmer son engagement sur le thème du pharmacien prescripteur en affinant ses formations et en développant, à terme, une offre de soins spécifique au groupement.

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A retenir

– 8 à 10 %, c’est la progression de CA envisageable pour une officine qui évolue dans un environnement moyennement agressif et qui part d’une politique de prix non travaillée, associé à des animations produits et du merchandising.

– deux fois par an est un bon rythme pour modifier sa politique globale de prix. Les seules variables doivent rester les politiques de promotion ponctuelles et les nouveautés.

– 9,99 euros, 19,99 euros… sont des prix très utilisés dans la grande distribution mais sont perçus comme trop mercantiles en officine.

CONSEIL

pour vous aider à bâtir vos prix

– L’outil on line du Moniteur (calculer le prix de vente et la marge de vos produits)

– Politique de prix par Joëlle Hermouet, aux éditions du Moniteur

– La stratégie marketing de l’entreprise officinale par Xavier Moinier, aux éditions Estem

Affichage et catalogue de prix

Depuis le 1er juillet 2003, l’arrêté du 26 mars 2003 relatif à « l’information du consommateur sur les prix des médicaments non remboursables dans les officines de pharmacie » vous oblige à :

– Etiqueter, sur leur conditionnement, les prix TTC des médicaments non remboursables qui ne sont pas exposés.

– Afficher de manière visible et lisible par le client les prix TTC des médicaments non remboursables exposés à la vue du public.

– Répertorier dans un catalogue librement accessible au public les médicaments non remboursables soumis à prescription obligatoire habituellement détenus dans l’officine.

Prix psychologique et magie du 9

Le principe est simple, il s’agit d’attirer l’attention du consommateur sur le premier chiffre, ce qui permet de masquer la valeur réelle du produit. Les prix non arrondis comme 9,99Euro(s) ou 19,99Euro(s) sont très utilisés dans la grande distribution. En pharmacie pour éviter de donner une image trop mercantile, ce système sera réservé aux produits sensibles et aux promotions. Pour les autres produits, il est préférable de jouer sur des arrondis par tranches de 5 centimes d’euros (3,95Euro(s), 5,85Euro(s)…)