Tous les titulaires vous le diront. Ils manquent de temps pour piloter leur officine. La démarche qualité est l’une des méthodes qui permet de gagner en efficacité. Or moins de 3 000 officines françaises auraient décroché une telle norme. Pourquoi un tel décalage ?
OSER se lancer.
D’abord parce que se plonger dans l’aventure de la certification nécessite d’avoir un titulaire convaincu par cet outil. Ensuite, il faut oser se lancer. Une pharmacie peut le faire seule en contactant un organisme certificateur, demander à son groupement de l’épauler ou passer en direct par l’association Pharma Système Qualité (PhSQ). Cette dernière est la seule en France à proposer la double norme ISO 9001 – QMS Pharma. Cette certification encadre l’entreprise dans ses process de management et d’organisation d’une part, et dans son cœur de métier d’autre part.
Quel qu’il soit, l’accompagnateur propose toujours une méthode basée sur des questionnaires à remplir (avec les objectifs, les moyens, les résultats…), des réunions à organiser, et un tempo à respecter au fil des audits pendant un minimum de trois ans. PhSQ a pour particularité de proposer des outils dédiés à l’officine : des fiches thématiques (sur le médicament vétérinaire, l’oxygénothérapie…), un guide sur les préparations de doses à administrer (PDA) et des procédures d’accompagnement à la mise en œuvre des bonnes pratiques de dispensation.
DES FREINS persistants.
Aujourd’hui, la certification qualité officinale reste encore méconnue, et les a priori nombreux. Elle est d’abord considérée comme terriblement chronophage. A raison. « C’est énormément de travail de mise en place », confirme Arnaud Durand, titulaire de la Pharmacie Grand Quetigny à Quetigny (21), qui, désormais, ne pourrait plus se passer de la qualité (lire son témoignage ci-contre). Aujourd’hui, il fait un point sur les problèmes rencontrés à l’officine une fois par mois et l’affaire roule ! « Mais attention, ce n’est pas une recette de cuisine à suivre. La recette existe mais il faut la dépasser, adapter la méthodologie à ce que l’on veut faire de son entreprise », poursuit le pharmacien bourguignon. L’autre crainte courante concerne le budget. Là aussi, il y a matière à relativiser. « Une certification ISO 9001, c’est peutêtre 10 000 €. Chez PhSQ, nous ne procédons qu’à un audit tous les trois ans, contre un par an habituellement. Du coup, chez nous, une pharmacie indépendante paie 1 200 € la première année et 1 000 € chacune des deux années suivantes », résume Laëtitia Hible, présidente de PhSQ, elle-même titulaire engagée dans la qualité depuis plus de six ans.
Dernier frein majeur, la qualité est souvent perçue comme adaptée uniquement aux grosses officines. Certes, ces dernières ont des équipes plus importantes qui permettent de mieux répartir la charge de travail entre chacun. Mais dans la réalité, PhSQ remarque que toutes les typologies d’officines sont représentées parmi les 2 500 engagées dans la démarche. Car la certification est source d’optimisations, quelle que soit la taille de l’entreprise : sur les procédures, la sécurité, la résolution des erreurs… D’ailleurs, seule une centaine de pharmacies ne se sont pas réengagées en 2018 avec PhSQ, selon Laëtitia Hible. Dommage que l’association n’ait pas répertorié les raisons de ces départs.
DES ENJEUX colossaux.
De fait, l’enjeu est colossal. « Devenir ISO, c’est se structurer pour suivre l’évolution de son client, répondre aux besoins du patient et asseoir les valeurs essentielles de son métier », expliquait Brigitte Bezot-Billot, directeur des Affaires pharmaceutiques et responsable Qualité certification chez Pharmavie lors du congrès 2018 de ce groupement. Selon une étude interne, la probabilité pour le client de vivre une excellente expérience passe d’un sur dix en général, à un sur quatre dans une officine certifiée.
Christian Grenier, président du groupement Népenthès et du syndicat des groupements et enseignes Federgy, va plus loin. « En 2019, on va assister à une transformation de la marge. La profession a besoin de fonctionner avec une meilleure organisation, un meilleur management… Nous allons nous mettre à la PDA, à la vaccination, aux entretiens, intégrer un réseau cancer, proposer des rendez-vous à domicile… La certification va permettre cette mutation », explique Christian Grenier dont le réseau vient seulement de s’allier à PhSQ. Cette dernière, qui compte déjà sans son portefeuille clients 16 groupements, – essentiellement des historiques –, va prochainement être rejointe par Leader Santé, révèle son président Alexis Berreby. Signe que les nouvelles générations sont également convaincues par la démarche. Car à court terme, la qualité permettra de gagner du temps pour se consacrer aux nouvelles missions. Et le retour sur investissement est déjà tangible. PhSQ a estimé à 17 000 € le gain potentiel annuel pour une pharmacie moyenne de 1,6 M€ de CA. En moyenne, le taux d’erreur de délivrance passe de 0,35 % à 0,15 % ; les rejets CPAM sont divisés par deux, les 300 promis mensuels baissent de 90, et 10 des 101 erreurs de stocks mensuelles sont évitées… C’est autant de minutes gagnées, et d’économies réalisées.
LE CAS DU MOIS
L’officine est un métier très réglementé. Malgré cela, près de 15 % des pharmacies françaises ont déjà décroché la norme de qualité ISO 9001 – QMS Pharma. De son côté, le Conseil national de l’ordre des pharmacies réfléchit à la création d’une sorte de haut comité à la certification. L’idée serait de mettre au point une norme ou un label – la forme définitive n’est pas encore définie –, pour encourager les officines à franchir le pas. Cela arrangerait bien les groupements qui sont nombreux à mettre la pression sur leurs adhérents à ce sujet, mais toujours aussi réticents à leur « imposer » une telle démarche. Pourquoi les officines sont-elles aussi frileuses ? Faut-il se lancer ou pas dans une démarche qualité ? Eléments de réponse…
LES EXPERTS
Laëtitia Hible PRÉSIDENTE DE PHARMA SYSTÈME QUALITÉ
Brigitte Bezot Billot RESPONSABLE QUALITÉ CERTIFICATION DE PHARMAVIE
Christian Grenier PRÉSIDENT DE NÉPENTHÈS ET DE FEDERGY
AH OUI !
Y consacrer du temps au début. La démarche qualité s’inscrit dans la durée, mais elle nécessite un vrai investissement de la part du manager au départ.
OH NON !
Ne pas prendre la qualité pour une recette toute faite. La procédure encadre le pharmacien, mais ce dernier doit l’adapter à son entreprise.
TÉMOIGNAGEUne recherche permanente de solutions
Arnaud Durand Titulaire de la Pharmacie Grand Quetigny (21)
Arnaud Durand s’est lancé dans la certification en 2013 en trainant des pieds. Aujourd’hui, pour rien au monde, le titulaire de la Pharmacie Grand Quétigny ne reviendrait en arrière. « Cette démarche encadre le travail au quotidien et précise les tâches de chacun. Cela rend l’exercice confortable, et on observe les premiers résultats tangibles rapidement, au bout de six mois. Autre élément positif : le suivi réglementaire. La procédure permet d’avoir quelque chose de concret à laquelle se référer. Cela rend le respect de la réglementation plus lisible et opposable », détaille le pharmacien chez qui un contrôle de la DGCCRF peut désormais prendre… trois minutes. Arnaud Durand s’est franchement impliqué dans la démarche au moment de la rédaction du plan stratégique, obligatoire. « N’ayant aucune culture de l’entreprise, je ne voyais pas l’intérêt de ce plan. En fait, souvent les pharmaciens confondent l’objectif et les indicateurs. Générer 4,5 M€, ce n’est pas un objectif. Un chiffre d’affaires, c’est seulement un indicateur », poursuit-il. La première année, la réalisation de ce document lui a pris une semaine. Désormais, c’est une journée.
Aujourd’hui, le titulaire estime que le retour sur investissement se ressent prioritairement dans l’image de la pharmacie et dans la meilleure gestion de l’attente en caisses. De fait, en ayant pour objectif « le bien-être des patients », il a pu, par exemple, mieux s’organiser au comptoir et programmer des formations pour faire monter l’équipe en compétences. Arnaud Durand en est désormais convaincu : « La certification, c’est la recherche permanente de solutions. Cela pousse à l’innovation… Et pour faire valoir notre monopole, la qualité sera stratégique », avertit-il. Les résultats économiques de son entreprise lui donnent raison. En 2013, son CA était de 4,6M € TTC, pour un taux de marge de 26,04 %. A fin mai 2018, le CA atteignait 5,44 M€, avec un taux de marge de 26,21 %. Soit près de 15 % de progression des ventes et près de 0,2 point de marge grapillé !
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