L’étiquette en quête d’éthique
Depuis le 1er juillet, le non-remboursable doit afficher ses prix. Comme la parapharmacie ou tout autre produit de consommation ! L’application de cette mesure, réclamée par la DGCCRF, semble poser peu de problèmes pratiques mais bouscule davantage les esprits officinaux.
On veut banaliser le pharmacien à la fonction d’épicier. » Le jugement porté par Philip Bruno, titulaire en centre commercial à Menton (Alpes-Maritimes), semble résumer l’état d’esprit de nombreux officinaux. « Une mesure aberrante !, lâche Joël Manoeuvre, titulaire à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). On n’affiche pas le prix d’un tube de Fluocaril au même titre qu’un kilo de tomates ! » « On va jouer au marchand de tapis pour 1 ou 2 Euro(s), c’est dommage, réagit Marc Ea, titulaire à Paris. ça va tirer notre image vers le bas. » « Que les prix soient affichés me paraît compréhensible vis-à-vis de la clientèle, concède Geneviève Jeanneteau (Angers), mais je ne vois vraiment pas l’intérêt du catalogue. » Quant à Roselyne Gustave, installée à Soumans (Creuse), elle ne se sent guère concernée, même si elle a procédé à l’affichage avant même le 1er juillet : « L’affichette d’information du public va peut-être pousser à demander les prix en ville, mais pas à la campagne. »
Alors, mesure anecdotique ? Marc Ea précise que dans son quartier les clients comparent les prix depuis longtemps, réclamant même des rabais, par exemple sur du Propecia ou du Sibutral. « Néanmoins, cela va relancer une certaine concurrence ». « Les gens ne sont pas idiots, renchérit Philip Bruno. S’ils estimaient que les prix étaient prohibitifs dans une officine, ils n’y revenaient déjà pas. »
Bientôt des contrôles ?
« Ce n’est pas un problème pour les officines Plus Pharmacie où nous n’avons pas peur de montrer nos prix, assène Bernard Darnois, de la Grande pharmacie d’Antibes (Alpes-Maritimes). On avait d’ailleurs déjà une partie des prix affichés derrière le comptoir. Finalement on affichera tout, y compris le remboursable. Et je réfléchis avec ma SSII sur une borne de consultation des prix, quitte à la faire rémunérer via des bandeaux publicitaires de laboratoires. »
Quant à l’application même de la mesure, elle se fait doucement, souvent avec les moyens du bord, sauf à s’appuyer sur les supports fournis par les groupements (affichage…), les grossistes, notamment pour le catalogue, la plupart des SSII proposant aussi un fichier. Un catalogue qui ne semble pour l’instant bien souvent disponible que sur demande du client… L’affiche semble, elle, se faire plus rare. A noter cependant que toutes ces mesures sont impératives.
Des contrôles sont-ils à attendre dans quelques mois ? « ça fera partie d’un tout quand ils débarqueront pour les remises », selon Marc Ea. « Les grosses officines seront les premières contrôlées », estime de son côté Bernard Darnois.
Prix des médicaments : les cinq mesures désormais obligatoires
Depuis le 1er juillet, l’arrêté du 26 mars 2003 (JO du 03.04.2003, p. 5872) relatif à « l’information du consommateur sur les prix des médicaments non remboursables dans les officines de pharmacie » est applicable. Pour vous mettre en conformité avec ce texte, vous devez impérativement :
– Etiqueter, sur leur conditionnement, les prix TTC des médicaments non remboursables qui ne sont pas exposés à la vue du public.
– Afficher de manière visible et lisible par le client les prix TTC des médicaments non remboursables exposés à la vue du public.
– Répertorier dans un catalogue librement accessible au public les médicaments non remboursables soumis à prescription obligatoire habituellement détenus dans l’officine. Ce catalogue, papier ou informatique, mis à jour au moins une fois par mois, doit présenter une liste, classée par ordre alphabétique, des noms avec les prix TTC de ces médicaments, sans indication particulière (type couleur et taille des caractères…). La page de titre de ce catalogue doit comporter la date de la dernière mise à jour et deux mentions : « Prix TTC des médicaments non remboursables soumis à prescription médicale obligatoire habituellement détenus dans l’officine » ; et « En raison de contraintes d’approvisionnement ou lorsque le médicament n’est pas immédiatement disponible à l’officine, son prix de vente peut exceptionnellement être différent du prix inscrit sur le catalogue. Dans ce cas, le pharmacien vous informe de cette différence de prix avant l’achat. »
– Informer le consommateur de ces mesures par un support visible et lisible contenant la formule : « Le prix des médicaments non remboursables est libre. Vous êtes informés des prix pratiqués dans l’officine pour ces médicaments par affichage ou étiquetage et, pour les médicaments non remboursables soumis à prescription médicale obligatoire, par un catalogue librement accessible dans l’officine. »
– Donner au client, s’il le demande, un justificatif de paiement comportant date d’achat, coordonnées de l’officine, nom et quantité de la spécialité délivrée et prix TTC payé. N.F.
« Afficher les prix augmente les ventes »
Consultante en stratégie commerciale à l’officine, Joëlle Hermouet nous livre ses réflexions sur l’application de ces mesures.
– Affichage des prix. « En n’affichant pas les prix, les officinaux se pénalisent eux-mêmes. D’une manière générale, dans tous les cas où il y a affichage, il y a augmentation conséquente des ventes. Et puis c’est avant tout une question de respect du consommateur qui aime savoir ce qu’il va payer, même sans vouloir comparer les prix. Plus les officinaux seront clairs et rigoureux sur l’affichage de leurs prix, plus ils vendront. »
– Linéaire. « Souvent, les officinaux veulent mettre à la fois le prix et du texte sur le bandeau-linéaire, or cela peut aboutir in fine à la suppression d’une étagère. S’ils le font, ça doit être pour apporter une information juste et claire. En tout cas, l’affichage doit être homogène dans toute l’officine tout en prévoyant une hauteur des prix plus importante derrière le comptoir, pour être très lisible : entre 5 mm et 1 cm. »
– Le catalogue et l’annonce. « Le catalogue doit être librement accessible, mais je le mettrais dans une zone froide de l’officine. Surtout pas sur le comptoir où je préconise plutôt des présentoirs. En cas de projet de nouvel agencement, il faudra le prévoir. D’ailleurs, les agenceurs travailleront sûrement sur des supports adéquats. Il pourra par exemple être à disposition sur un petit présentoir où figure déjà de la documentation. L’affichette rappelant le régime des prix pourra également être placée sur un présentoir. En tout cas, évitez de la coller sur la face du comptoir. Elle peut en revanche être une continuité des messages déjà présents à l’officine, par exemple une charte de qualité figurant sur un totem. »
– L’impact ne pourra être que positif. « Mais c’est vrai que cela représente du temps au départ. Je conseille aux pharmaciens de prendre deux jours complets pour tout faire en bloc et le faire bien une bonne fois pour toutes. En tout cas, il faut le penser comme une opportunité plus que comme une obligation réglementaire. »
– Pharmacie = épicerie ? « C’est se voiler la face que de dire cela ! Pour n’importe quel consommateur, voir le prix que l’on va payer est tout à fait normal. Et le fait qu’il s’agisse de médicaments n’y change rien. »
– La DGCCRF vigilante. « Il faut se méfier. Concernant l’affichage des prix en général, la DGCCRF qui passe dans une officine prévient habituellement le pharmacien contrevenant de se mettre en règle en vue d’un second contrôle. Or je viens d’avoir connaissance de deux cas, dans l’Ouest, de verbalisation très lourde de pharmaciens pour non-affichage des prix au litre et au kilo pour des produits de consommation courante, ceci sans mise en garde préalable. »
Propos recueillis par François Silvan
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