Le marketing fait-il toujours rêver ?
Créatif, dynamique, homme (ou femme) de communication, de contact… le regard que les étudiants portent sur le chef de produit est particulièrement flatteur. Aujourd’hui encore, le marketing reste une filière très prisée. Mais la réalité du métier correspond-t-elle toujours aux attentes ?
Au sein de l‘Association pour l’industrie des étudiants en pharmacie (APIEP), un tiers des membres veut faire du marketing. Il y a toujours un monde fou aux conférences, constate Aurélie, de Paris XI. La filière est très prisée, c’est même bouché : trop de personnes veulent s’orienter vers un DESS ou une école de commerce. » A Paris V, l’engouement est similaire : chaque année, près de 20 % des étudiants option industrie se destinent au marketing. A Marseille, paradoxalement, la majorité s’intéresse à la galénique. Mais selon Stéphanie, l’une des seules étudiantes de sa promo à être attirée par le métier de chef de produit, c’est un pur hasard : « Les intervenants étaient surpris. En général, un bon tiers des étudiants vise le poste de chef de produit. »
Mais quelles sont les raisons qui expliquent ce perpétuel engouement ? « C’est un métier dynamique, créatif et de communication », assure Stéphanie. Antoine, en 5e année à Paris XI, « a envie d’animer des projets. Ce sont des métiers très dynamiques, qui offrent pas mal d’opportunités, surtout au niveau international. » Marina est devenue une convaincue depuis un stage effectué en 3e année : « Je suis arrivée chez Glaxo- SmithKline lors du lancement du nouvel Augmentin. J’ai participé à un film de motivation destiné aux visiteurs médicaux qui comparait le produit à la concurrence. On a utilisé l’analogie avec l’évolution des marques de voitures. A cette époque, le service marketing a joué avec des personnages de BD comme Boule et Bill ou Achille Talon pour rajeunir la marque », précise l’étudiante enthousiaste.
« Les étudiants ont une image un peu magique du métier », constate Olivier Marquis, du cabinet de recrutement Antenor. « Il a un côté ludique, ajoute Ludovic Jubé, directeur du département recrutement médical-marketing de Ventiv Health. C’est un peu le chef d’orchestre. Il a un produit qu’il doit développer. Pour ce faire, il est en contact avec le Développement clinique, les Affaires réglementaires, la production, les études de marché mais il se charge aussi du relationnel avec l’extérieur (agences de communication) et centralise toutes les données. »
A côté, la production fait piètre figure. Un métier austère, un aspect « travail à la chaîne »… les férus de marketing ne sont pas toujours tendres. Quant aux Affaires réglementaires, elles sont laissées aux amateurs de dossiers. « Soyons clairs, avoue Olivier Marquis, c’est moins attractif de venir sur un site avec les contraintes de la production, comme les horaires de travail du matin ou de la nuit. C’est moins sexy que de venir au siège social. » Sans compter un salaire souvent plus intéressant (voir encadré ci-contre).
Partie de l’internat, Caroline Marchand a préféré bifurquer en cours de route après avoir découvert le marketing par « bouche à oreille ». Aujourd’hui chef de produit junior à l’international chez Aventis Pasteur pour le vaccin anti-grippal, elle n’est pas déçue : « Le quotidien est rythmé par l’élaboration de documents promotionnels, des échanges réguliers avec les filiales, des analyses stratégiques du marché… Une campagne axée sur la prévention est développée tous les ans pour chaque hémisphère. Comme le produit est implanté dans de nombreux pays, nous faisons le choix d’élaborer une campagne « standard » qui sera proposée à l’ensemble de notre zone internationale. »
Une exception car la stratégie est rarement définie au niveau des filiales où la créativité est donc moindre qu’on ne l’imagine. « L’objectif du chef de produit est d’abord la rentabilité et le retour sur investissement, explique Ludovic Jubé. Il doit monter au maximum les ventes de son produit sans sortir du cadre légal. Il est confronté à la réalité des chiffres, à la rigueur, la méthode. »
Sonia Guiramand-Hugon a découvert cet aspect qu’elle ne connaissait pas : « Je venais de la filière biologie médicale. Je n’étais pas dans une logique de chiffres, de ventes, de rationalisation. Pour Xenical, je suis responsable d’un budget promotionnel avec un objectif de ventes sur l’année, précise la jeune pharmacienne, chef de produit junior chez Roche. Je dois choisir quels investissements promotionnels faire pour aboutir à cet objectif, sur qui je vais investir en particulier, pharmaciens d’officine ou endocrinologues. Ensuite, je réfléchis aux moyens à mettre en oeuvre pour augmenter les ventes. » Elle ne décide pas seule. Le choix final revient au chef de gamme qui arbitre ensuite entre les propositions des différents chefs de produit.
En poste depuis un an, Sonia Guiramand-Hugon se donne trois ou quatre ans comme chef de produit avant d’évoluer. « Mais une fois qu’ils se sont occupés d’un produit, d’un lancement, puis du produit phare, que reste-t-il aux chefs de produit ? Ils tournent vite autour de leur produit et se lassent », constate Françoise Dezael, responsable du recrutement chez Bernard Krief Ressources humaines. Or, dans cette branche, il n’y a pas beaucoup d’évolution possible. Le titre de chef de groupe (ou de gamme) tend à disparaître parce que les chefs de produit gèrent de plus en plus non pas un seul mais plusieurs médicaments. Les postes de direction marketing sont également peu nombreux et réservés à ceux qui connaissent le terrain, qui ont démarré par la visite médicale. « Ce n’est pas le cas dans la production, précise la responsable de recrutement qui regrette le désintérêt des étudiants. C’est un secteur où l’on a vite des responsabilités, où l’on manage rapidement d’importantes équipes. Et ceux que je rencontre sont toujours passionnés. » Faute d’évolution, certains ont fini par quitter l’industrie pour aller à l’officine… et devenir manager.
Le boom des salaires
Si les étudiants n’avancent pas le salaire comme une motivation, il n’est pas à négliger : on gagne mieux sa vie dans le marketing que dans d’autres branches de l’industrie. Selon Ludovic Jubé, de Ventiv Health, un chef de produit junior gagne annuellement 3 à 4 000 euros de plus qu’un responsable de production débutant.
– Chef de produit junior : 31-37 KE/an.
– Chef de produit senior : 46-49 KE/an.
– Chef de groupe : 61,5-69 KE/an.
– Directeur marketing : 115 KE/an.
– Directeur marketing et ventes : 107 KE/an.
Les laboratoires sont friands de pharmaciens
« Les pharmaciens sont toujours très demandés dans les postes marketing, assure Françoise Dezael. Leur formation leur permet de cumuler leur 6e année avec un DESS et un stage marketing ce qui n’est pas le cas pour les médecins. » Une remarque confirmée par les chiffres du SNIP : la branche marketing de l’industrie pharmaceutique compte 30 % de pharmaciens, 15 % de médecins, 20 % d’autres scientifiques Bac + 4, 30 % Bac + 4 non scientifiques et 5 % d’ingénieurs. On aurait pu imaginer que l’industrie emploie plus de « marketers », mais, pour Ludovic Jubé, elle reste traditionnelle dans ses choix. « Nous avons une dominante scientifique parmi nos chefs de produit », confirme Antoine Duclercq, directeur des ressources humaines chez Schering. Olivier Marquis a constaté une évolution dans le secteur de l’OTC. « Les laboratoires OTC font moins appel qu’auparavant à des gens venant de l’éthique et plus de la grande distribution. »
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