Pour lutter contre les circuits illicites, il faut surveiller les frontières et renforcer le réglementaire, déjà existant mais pas toujours reconnu. Car les textes sont là. » Serge Barbereau, pharmacien et vice-président de ReMed, a tenu à rappeler cette réalité lors de la conférence « Comment fiabiliser le circuit pharmaceutique en Afrique ? » organisée par l’association le 27 mars dernier sur le salon Pharmagora.
Car la lutte des pays d’Afrique contre les faux médicaments ne date pas d’aujourd’hui. Mais il semblerait que ceux-ci s’engagent désormais à coordonner leurs forces de sécurité, à assurer une réglementation forte et à impliquer des acteurs reconnus tels qu’Interpol. Un engagement renforcé le 12 octobre 2009 par l’« appel de Cotonou » lancé par Jacques Chirac – au nom de sa Fondation – pour inciter les politiques du monde entier à se mobiliser contre ce trafic. Comme le rappelle Vincent Mehnito, pharmacien inspecteur de la santé publique en France et membre de ReMed : « Sans la sécurisation, nous sommes voués à des échecs thérapeutiques et les Etats subissent des pertes importantes car ils ne perçoivent pas la taxe au passage des frontières. La réglementation dans les pays en voie de développement doit balayer tout le champ du circuit du médicament et elle doit être accompagnée de sanctions dissuasives. »
Moutiatou Toukourou, pharmacienne et présidente de l’ONG Pharmaction, fait remarquer : « Cela fait vingt ans que nous nous battons et le phénomène empire. La voie répressive ne suffit pas. Dans nos pays et dans les circuits licites, les médicaments coûtent trop cher et les populations n’ont pas les moyens de les acheter ! »
« Rien ne changera sans engagement politique ? »
Parfait Kouassi, président de l’Inter Ordre des pharmaciens d’Afrique (IOPA) et de l’ordre des pharmaciens de Côte d’Ivoire, souligne que le taux de contrefaçon dans les circuits licites est relativement faible, et tient à faire savoir que « les médicaments de rue ne sont pas forcément moins chers que ceux des pharmacies ».
Malgré les bonnes volontés, comme l’Intersyndicale des pharmaciens d’Afrique (Ispharma), présidée par Boniface Okouya, la traçabilité des médicaments importés est loin d’être atteinte. « Nous avons engagé des surveillants des imports-exports de médicaments, mis à contribution les douanes et la police, créé un laboratoire de contrôle. Enfin, nous menons une campagne de sensibilisation de grande envergure dans les médias pour que les gens sachent qu’ils prennent des risques s’ils ne vont pas chez le pharmacien », explique-t-il.
Au Sénégal – où la rue représente 40 % du marché pharmaceutique du pays –, Aboubakrine Sarr, président du syndicat des pharmaciens, indique aussi que les axes prioritaires sont la sensibilisation du grand public, la répression du marché illicite, l’accessibilité du médicament par la promotion des génériques et l’implantation des officines dans les endroits les plus reculés. Avant de conclure, en accord avec les autres intervenants, que « rien ne changera sans l’engagement politique, incontournable pour que la loi soit véritablement appliquée ».