La sous-traitance passe la surmultipliée
Plus de cinquante entreprises fabriquent aujourd’hui comprimés, gélules, sachets, sirops… pour le compte des laboratoires pharmaceutiques. Un secteur ouvert aux jeunes pharmaciens à la recherche d’une première expérience dans la production.
Les façonniers sont des entreprises méconnues et ne sont pas évaluées à leur juste valeur, regrette Jean-Yves Robertou, pharmacien responsable chez Elaiapharm et directeur général du site de Sophia-Antipolis (06). Le terme de sous-traitant est assez péjoratif. Nous sommes pourtant des fabricants à part entière. Nous fabriquons une centaine de produits et nous avons la responsabilité de la libération de ces produits sur le marché. » Jean-Yves Robertou a intégré l’univers du façonnage il y a six ans et travaille chez Elaiapharm depuis trois ans après avoir été responsable d’un laboratoire hospitalier et responsable assurance qualité dans un laboratoire éthique. « J’ai apprécié la diversité des productions, de travailler pour des clients variés, et la nécessité d’être réactif face à leurs demandes », détaille Jean-Yves Robertou.
Une activité en plein essor.
Les façonniers travaillent en effet pour le compte de nombreux laboratoires pharmaceutiques et le secteur est en plein développement. On compte plus de cinquante façonniers sur le marché français, sous-traitant pour l’industrie du médicament (comprimés, gélules, sirops, sachets, gels, sprays, injectables, aérosols…). « Les laboratoires pharmaceutiques externalisent de plus en plus de fonctions pour se recentrer sur leur coeur de métier, la recherche, et mettent l’accent sur le marketing et la vente, explique Henri Duhayot, directeur général de Sophartex, l’un des leaders du secteur. Certains laboratoires vont jusqu’à se séparer de leurs usines de production, parfois rachetées par les façonniers. » Le développement des génériqueurs a également boosté ce marché.
A quelques fonctions près, les entreprises de façonnage fonctionnent de la même manière qu’un laboratoire de princeps, sauf pour la partie exploitant (pharmacovigilance, publicité). Point commun de toutes ces entreprises : le coeur du métier reste la production et toutes les fonctions attenantes tels l’assurance qualité, le contrôle qualité… Des pharmaciens sont présents à ces postes clés. Spécialiste de la fabrication d’unidoses stériles, Unither en emploie une dizaine (sur 250 personnes) dont deux sont pharmaciens responsables, deux s’occupent d’assurance qualité, sans compter un pharmacien de production de nuit et un responsable de la libération des lots… Et l’entreprise est en pleine croissance : jusqu’ici située à Amiens (80), Unither a repris en outre, en janvier 2002, le site de Sanofi à Coutances (50) pour se mettre aux normes de la FDA, l’agence américaine du médicament, et se positionner sur le marché américain.
Porte ouverte aux débutants.
Chez Sophartex, spécialiste de la fabrication de sirops, d’aérosols, de gouttes nasales, de lotions et de formes sèches, les pharmaciens sont au nombre de 11 sur un total de 330 personnes, au service commercial, développement, assurance qualité et surtout cinq en production.
Parallèlement à leurs activités de fabrication, les façonniers, en particulier les leaders, tendent à développer de nouvelles activités en prenant pied dans la recherche et développement. Ainsi Unither, spécialiste des unidoses stériles, met au point et fabrique – au sein d’un service R #amp; D comptant six personnes dont quatre pharmaciens – des produits de lavage oculaire, des sérums physiologiques, des produits pour traiter l’asthme, pour laver les plaies, des antiseptiques.
Pour travailler dans le secteur, il n’est pas toujours nécessaire d’être expérimenté. Sophartex préfère employer des débutants. « Sauf pour des postes de chefs de service car nous les formons à notre manière de travailler, détaille Henri Duhayot. C’est un avantage de travailler chez un façonnier en début de carrière. Les jeunes pharmaciens acquièrent très vite une grande expérience car nous avons 150 formules différentes alors que dans un laboratoire classique, il n’en existe en général qu’une vingtaine. En trois ou quatre ans, ils apprennent plus de choses. » Chez Unither, la moyenne d’âge est de 32 ans. « Nous avons principalement des débutants, notamment parmi les derniers pharmaciens que nous avons recrutés, précise Laurent Demagnez, responsable des ressources humaines. Nous sommes une entreprise jeune, nous misons sur le dynamisme et l’envie d’évoluer. » Une formation complémentaire du type DESS ou une formation au management sont toutefois les bienvenues.
Beaucoup de pression.
Pour Edouard Gudin, pharmacien responsable du site de Coutances et directeur qualité et développement des sites d’Amiens et de Coutances chez Unither, l’avenir pour un pharmacien est dans ce type de société. « Les gros laboratoires vont se concentrer sur leur coeur d’activité. La place est donnée au marketing, aux ventes et, à un certain niveau, au développement. Chez un façonnier, un pharmacien retrouve toute sa place. On vit par et pour les médicaments que l’on fabrique. »
Mais les façonniers ne le cachent pas, la pression est plus forte sur le rythme de travail que dans les laboratoires classiques. Les sous-traitants sont soumis à un cahier des charges précis et à des impératifs de délais.
La mobilité ? Elle dépend de la taille de l’entreprise. Mais la diversité est moins importante que dans un laboratoire classique, soulignent les responsables des ressources humaines, puisque les façonniers s’occupent surtout de production : les évolutions tournent autour de la production et de la qualité. Un pharmacien peut devenir soit responsable de production et prendre en charge une équipe, soit passer à un poste managérial au niveau de la qualité, et devenir responsable du site de production.
Les façonniers en chiffres
– On compte une cinquantaine d’entreprises en France, représentant 5,5 % des effectifs de l’industrie pharmaceutique. Les leaders sont représentés par Delpharm – qui réalise une cinquantaine de millions d’euros de CA avec ses trois sites de Tours (37), Brétigny-sur-Orge (91) et Evreux (27) -, Sophartex – à Vernouillet (28) -, Laphal – à Allauch (13) -, Panpharma – à Fougères (35) – ou encore Chemineau – à Vouvray (37)…
– Le CA annuel moyen d’un façonnier tourne autour de 15 millions d’euros. – 72 % des façonniers couvrent le secteur des médicaments de prescription, 56,4 % celui des génériques et 41 % celui des produits vétérinaires.
Salaires
– Débutant assurance qualité/production : 28 à 34 kEuro(s).
– Responsable production : 35 à 40 kEuro(s).
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