La pharmacie entre en bio résistance
L’inflation vide les paniers alimentaires des produits bio. Les consommateurs vont-ils aussi se détourner de l’offre sur ce segment en pharmacie ? Pour l’instant, la réponse est « non », grâce à la forte valeur ajoutée du conseil.
L’actuelle flambée des prix, due au contexte inflationniste, pousse les consommateurs à pratiquer des arbitrages. Plus chers en moyenne de 30 % que les produits conventionnels équivalents1, les produits bio n’ont donc plus la cote auprès des Français. Résultat : après des années d’euphorie et de croissance à deux chiffres, les enseignes 100 % bio (Biocoop, Naturalia, La Vie Claire, etc.) font grise mine, voire certaines, comme Les Nouveaux Robinson, mettent la clé sous la porte. La tendance ne s’arrête pas à ces magasins spécialisés et déferle sur les grandes et moyennes surfaces (GMS) où les achats de produits bio sont en baisse (de l’ordre de – 5 %, selon un panel IRI). Les linéaires hygiène-beauté sur lesquels nombre d’acteurs (L’Oréal, Léa Nature, Henkel, etc.) se sont positionnés pour surfer sur la vague du bio sont également impactés, mais ils s’en sortent mieux que les produits alimentaires. « C’est dans les grandes surfaces alimentaires – le circuit par lequel le bio a été démocratisé – que le segment des cosmétiques bio, qui se distinguent par leurs prix accessibles et un positionnement moins premium que les produits alimentaires, a le plus progressé ces trois dernières années », indique Benoît Samarcq, directeur d’études chez Xerfi Precepta2.
La pharmacie en tire profit.
« Le poids du bio est extrêmement stable en pharmacie et sa croissance s’aligne sur celle du circuit pharmaceutique, sans toutefois la dépasser », déclare Nicolas Grélaud, responsable des opérations chez OpenHealth. Autrement dit, la tendance à la baisse des autres circuits n’entame pas la bonne santé officinale. Elle pourrait même lui être salutaire grâce à un report des achats des « pratiquants » bio, ceux-là même qui se sont détournés des magasins bio ces derniers mois pour des raisons économiques. Ainsi, « sur le marché des compléments alimentaires bio à base de plantes, le différentiel des prix, plus élevés dans les enseignes bio, ne semble plus justifié et pourrait être profitable à la pharmacie », relève Nicolas Grélaud. En outre, « les consommateurs trouvent, en officine, le conseil et la caution du pharmacien, regardés comme des valeurs positives lors de l’achat d’un produit de santé », souligne Nicolas Bertrand, directeur du développement chez Cosmébio, créateur du label.
Un bon conseil n’a pas de prix.
Du côté des cosmétiques, les références bio et naturelles sont passées d’un marché de niche à un marché de masse. « Les pharmacies et les parapharmacies s’imposent comme le deuxième circuit de distribution le plus dynamique, derrière les grandes surfaces », indique Benoît Samarcq. Là encore, le besoin de conseil des consommateurs plaide en faveur de la pharmacie : « Les enseignes spécialisées, très disparates, et a fortiori les grandes surfaces, ne se donnent pas toujours les moyens de travailler leurs rayons avec des agencements catégoriels, des mises en avant et des animations. Or, les consommateurs de cosmétiques bio sont en attente d’informations », souligne Nicolas Bertrand.
La cosmétique bio reste séduisante.
L’avenir des cosmétiques bio et naturels semble plus prometteur que prévu. « Le marché dispose de solides fondamentaux, affirme Benoît Samarcq. Avec une croissance de seulement 2 %, tous circuits confondus en 2022, les cosmétiques bio et naturels devraient remonter la pente d’ici à 2025 avec une progression de 6 % en moyenne, sans pour autant renouer avec l’embellie des années précédentes. » En cause : la défiance d’une part des consommateurs envers la cosmétique conventionnelle, l’élargissement de l’offre et le poids croissant des millenials, adeptes de bio et de naturel. « Pour se distinguer, l’officine doit faire le tri entre le bio certifié et le greenwashing qui inclut les formules conventionnelles affichant de très faibles pourcentages d’ingrédients bio », insiste Nicolas Bertrand.
1. Source : Nielsen IQ, octobre 2022.
2. Benoît Samarcq est l’auteur de l’étude « La dynamique des cosmétiques bio et naturels sur le point de s’enrayer ? », présentée par Xerfi Precepta, en novembre 2022.
51 %
des Français ont acheté un produit de cosmétique bio au cours des 12 derniers mois.
Source : étude Ifop réalisée pour Cosmébio, 2022.
8 %
C’est la part de marché du bio en pharmacie.
Source : Openhealth Company, 2022.
LE LABEL BIO NE SUFFIT PLUS
Les attentes des consommateurs qui s’engagent sur le bio dépassent, aujourd’hui, « la simple présence d’un label qui n’est plus, à lui seul, gage de succès, et portent également sur l’écoresponsabilité des produits qui se traduit par l’essor de la beauté zéro déchet (cosmétique solide, vrac, etc.) », souligne Cécile Desclos, directrice d’études au sein du groupe Les Échos Études. Autrement dit, « les acteurs du bio doivent enrichir leur proposition de valeurs », développe-t-elle. En gestation, l’EcoBeautyScore, qui a pour objectif de développer un système de notation de l’impact environnemental des produits de beauté, « pourrait brouiller l’image du bio, déjà parasitée par l’existence d’autres labels (HVE pour haute valeur environnementale, zéro résidu de pesticides, végan, etc.) et faire évoluer le jeu concurrentiel des marques », ajoute Benoît Samarcq, directeur d’études chez Xerfi Precepta.
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