GAGNER DE LA PLACE
Face à la nécessité de promouvoir l’offre officinale, comment tirer parti au mieux de sa surface de vente sans la menacer d’asphyxie ? La réponse doit conjuguer une vision stratégique et le sens du détail astucieux. Conseils d’experts.
Le développement des ventes hors ordonnance et la réduction des stocks ont progressivement entraîné l’inversion du fameux ratio moyen (70/30) entre le back-office et la surface de vente. Mais la rentabilisation de chaque mètre carré reste une préoccupation majeure des pharmaciens.
« Si la stratégie commerciale de certains les pousse à jouer le développement du mètre linéaire, d’autres préfèrent proposer moins, mais mieux », note David Van Acker, directeur commercial de Mobil M. En effet, « la surexposition donne une impression de chaos et nuit au repérage et à la visibilité », avertit Emmanuel Zittoun, dirigeant de TH Kohl. « Faire le tri dans ses linéaires permet d’éliminer les éléments qui prennent de la place sans apporter de valeur », poursuit-il. La démarche s’appuiera sur « une analyse de la rentabilité des gammes, associée à une réflexion en termes de projet d’entreprise », préconise Laure-Emmanuelle Coffin, dirigeante de Praxipharm. Lequel tiendra compte des compétences de l’équipe, de la zone de chalandise mais aussi de l’environnement concurrentiel. Cette approche merchandising est aussi l’occasion de repenser l’aménagement de l’officine et l’organisation des flux pour valoriser au mieux l’espace existant : « Il faut déterminer le nombre exact de comptoirs et de meubles nécessaires et concevoir le parcours client en considérant chaque zone comme potentiellement rentable », synthétise Alexandre Genton, directeur marketing de Fahrenberger.
Reprendre le contrôle de son espace
Ce grand ménage est l’occasion de se débarrasser d’un fléau : la prolifération de la PLV. « Plus qu’ils ne facilitent les ventes, les présentoirs fournis par les laboratoires ont tendance à saturer l’espace et à casser les flux au détriment de la réflexion menée en amont », pointe Alexandre Genton. « Mieux vaut anticiper en dédiant des mètres carrés aux promotions et autres offres saisonnières », estime David Van Acker. Mais le discernement doit aussi s’appliquer à ses propres excès de zèle, invite Laure-Emmanuelle Coffin : « En multipliant les services type fontaine à eau, espace d’attente, espace enfants, mise à disposition de documentation, en ajoutant des éléments de décoration pas toujours heureux, on risque de donner une image un peu cacophonique à l’officine. »
Les meubles actuels proposés par les agenceurs s’adaptent à une multitude de configurations pour optimiser un espace même contraint. « On peut créer visuellement de la profondeur avec des gondoles pas trop hautes, mais aussi miser sur des tablettes étroites pour grignoter des centimètres avec, in fine, la possibilité de mettre en place une gondole supplémentaire », fait valoir David Van Acker. Pour Emmanuel Zeittoun, « les étagères sans joue évitent toute perte de place et autorisent une grande flexibilité, l’identité visuelle des gammes suffisant à les distinguer », ajoute-t-il. Laure-Emmanuelle Coffin encourage à ce titre le recours aux gondoles et vasques sur roulettes, qui permettent de faire tourner les thématiques merchandising et de favoriser les achats spontanés. Sans oublier les colonnes-vasques, lesquelles, sur une emprise réduite, permettent de varier les possibilités de disposition des produits. Enfin, « il peut être intéressant d’envisager des gondoles équipées de Multilam afin de pouvoir les accessoiriser avec des broches, des paniers », indique la consultante.
Utiliser les emplacements inattendus
Dans la même veine, un brin de créativité peut permettre de démultiplier les surfaces d’exposition. Ainsi, des piliers peuvent accueillir des miroirs ou des supports d’accessoires. Et « pourquoi ne pas poser des étagères en vitrine jusqu’à mi-hauteur, masquées à l’extérieur par une vitrophanie ? », suggère Laure-Emmanuelle Coffin. Autre astuce côté enfants, « plutôt que d’installer table et chaises, on peut prévoir un tableau ou un écran, intégré au bas d’un linéaire, qui pourra occuper les bambins debout ». Sans oublier de mutualiser différents usages dans un même espace : « Un bureau facilement accessible se transforme en cabine de convivialité avec une cloison amovible ou un simple rideau », note David Van Acker.
Rationaliser l’arrière-boutique
Ce n’est parce qu’il échappe à la vue de la clientèle que cet espace doit être négligé. Au contraire, « la facilité d’accès aux produits et la gestion des flux du back-office sont un gage d’efficacité côté front-office », rappelle David Van Acker. Il s’agit de limiter les déplacements du personnel mais aussi les obstacles que constituent des cartons qui traînent, et ce, en rapprochant les zones de livraison, de déballage et de stockage. « Attention aux affiches périmées qui polluent l’esprit », prévient également Laure-Emmanuelle Coffin : « Mieux vaut délimiter des zones d’affichages thématiques régulièrement actualisés. »
Maintenir au long cours le résultat des efforts entrepris nécessite une organisation bien huilée, qui passe elle-même par une responsabilisation de l’équipe. En ce sens, « les règles merchandising de la pharmacie devront être formalisées par écrit, un référent dûment formé étant désigné comme le garant de leur application », recommande Laure-Emmanuelle Coffin. Contrôler quotidiennement les rayons permet ainsi de repérer les « couacs » visuels, les promotions qui ne tournent pas, et d’effectuer sans attendre les ajustements nécessaires.
Automates et digital pour désencombrer
« S’ils permettaient déjà d’augmenter la surface de vente via la délocalisation du stock, les robots permettent aujourd’hui de ranger de manière intelligente un maximum de produits dans un volume donné, jusqu’à 4 000 sur un mètre de robot », relève François Legaud, directeur commercial chez BD Dispensing France. L’automatisation permet de jouer sur une hauteur importante (jusqu’à 3,5 m) pour gagner de l’emprise au sol sans contrainte d’accès. « Mieux vaut choisir une machine de la plus grande taille possible pour une rentabilisation optimale sur sa durée de vie, et l’implanter au plus proche des comptoirs », conseille François Legaud. Il faut compter un investissement compris entre 70 000 euros pour un système standard et 120 000 euros pour une version sur mesure. Autre innovation, les linéaires digitaux. « L’idée est de remplacer un certain nombre de linéaires OTC derrière le comptoir par des écrans tactiles géants, reliés au robot de l’officine », explique François Legaud. « La dématérialisation de l’offre produit permet de la régénérer en direct en fonction des heures de la journée, correspondant à différents types de clientèles », souligne Alexandre Genton. On peut également les utiliser pour mettre en avant des produits difficiles à exposer, par exemple dans le maintien à domicile, ou communiquer sur des services. Selon les caractéristiques, il en coûtera tout de même 15 000 à 30 000 euros.
Pousser les murs sans s’agrandir
Titulaire à Paris, M. L. a profité de travaux de rénovation pour optimiser l’espace de son local de 50 m2 avec l’aide d’un agenceur. « En ouvrant la surface de vente vers l’arrière, nous avons pu reculer les comptoirs, en ajouter un, et surtout créer un mur en arc de cercle qui a permis d’augmenter le nombre d’étagères et leur visibilité, tout en gagnant près de 2,50 mètres en largeur. Nous avons ainsi pu refaire un petit bureau à l’arrière et aménager une cabine de confidentialité à proximité de l’espace de vente. Par ailleurs, l’entrée, qui était face au comptoir, a été déplacée sur le côté et un meuble judicieusement placé afin de réorienter la circulation des clients tout en les obligeant à passer devant de nouveaux linéaires. Enfin, les vitrines ont été équipées d’étagères en verre, devenant elles-mêmes des supports d’exposition sans nuire à la visibilité. »
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