FIDÉLISER SA CLIENTÈLE
Selon les spécialistes du marketing, la fidélisation coûte 5 à 10 fois moins cher que de conquérir de nouveaux clients. En ces temps où le panier moyen diminue, c’est donc une stratégie essentielle à mettre en place au sein de l’officine.
La pharmacie n’échappe pas aux tendances et sa clientèle se révèle tout aussi « zappeuse » que les autres. C’est pourquoi la fidélisation doit aujourd’hui faire partie intégrante de la stratégie du titulaire, et ce d’autant plus que quelques actions, simples et peu onéreuses, existent si elles sont bien ciblées. Pour Joëlle Hermouet, consultante chez Formaplus « l’objectif de toute action de fidélisation doit être l’ordonnance. A l’heure où les prescriptions diminuent, les pharmaciens ne peuvent se permettre de perdre des clients sur ce segment. Tout ce qui pourra être mis en œuvre sur la parapharmacie, moins contrainte par la législation, aura un impact indirect sur l’ordonnance ».
Trois mots clés : accueil, agencement et conseil
Pour que leurs clients reviennent, la spécialiste du marketing encourage les officinaux à rester sur les bases de la fidélisation que sont la qualité de l’accueil, les conseils et l’agencement des locaux. « Le conseil et les actions de prévention montrent leur pertinence en matière de fidélisation. Nous le vérifions chaque année avec les rendez-vous santé que nous organisons sur des thèmes comme le dépistage du diabète. Nos clients sont séduits et souvent ils nous adressent des amis qui souhaitent se faire dépister et ne savent pas toujours où s’adresser », constate Maud Mingeau, titulaire à Pouilly-sur-Loire (Nièvre) et vice-présidente de la commission « recherche et développement » du groupement Giphar.
La facilité de stationnement, l’amplitude horaire, l’accessibilité, le service sont également des incontournables que les pharmaciens négligent encore. Une fois ces actions élémentaires mises en place, la fidélisation passe par la constitution d’éléments différenciants qui doivent être organisés au regard de la typologie de clientèle. « Les marges doivent être analysées pour définir les priorités, mais pas seulement. Il convient d’impliquer l’équipe dans ces choix et miser sur leurs compétences. L’étude des pratiques de la concurrence et son bassin de clientèle sont également importants », informe Joëlle Hermouet.
Raisonner par univers
La consultante de Formaplus conseille de réfléchir en univers. De la dermocosmétique aux produits vétérinaires en passant par l’orthopédie, secteur en croissance, ou encore le bien-être, les démarches et les moyens de fidélisation seront en fonction des attentes de la clientèle. « Il est plus facile de cibler d’une part les secteurs sur lesquels on souhaite s’investir, et d’autre part les actions à mener », estime Joëlle Hermouet, qui mentionne quelques initiatives. « En dermocosmétique, les diagnostics de peau et capillaires sont appréciés des clients, mais ils doivent être accompagnés d’un suivi qui peut prendre la forme d’une fiche sur laquelle le pharmacien va répertorier les spécificités du client. Il sera ainsi force de proposition lors de chaque vente. En santé bien-être, les animations autour d’un thème sont des initiatives qui drainent de la clientèle. » Autant de pistes à exploiter avec l’objectif d’écouter et de répertorier les besoins de chacun. « Un client fidèle est un client qui se sent écouté et unique. Chaque fois que l’on peut le conseiller en lui demandant s’il a été satisfait de son précédent achat, que l’on peut nommer et dater, c’est un atout qui fait la différence. »
La carte, un Graal inatteignable
Au-delà de ces initiatives, certains pharmaciens lorgnent les outils mis en place dans d’autres commerces, et notamment la carte de fidélité. A l’heure actuelle, la législation empêche son utilisation par les pharmaciens. Yvette Pennaneach, titulaire à Quimper (Finistère), dispose d’une base de données lui permettant de consentir quelques avantages à ses plus fidèles clients en parapharmacie. « En théorie, les clients sont toujours demandeurs d’avantages, mais, lorsqu’ils existent, ils ne sont pas toujours plus fidèles. Nous pratiquons ce système depuis plusieurs années et nous constatons que la majorité de nos clients n’y adhérent pas. En revanche, les cartes fidélité des laboratoires permettent souvent d’obtenir des réductions appréciées par notre clientèle », constate la pharmacienne bretonne. Quant à Vanessa Ange, titulaire depuis deux ans à Publier (Haute-Savoie) d’une pharmacie située à moins de deux kilomètres d’un centre commercial, elle propose depuis peu à ses clients de répertorier sur une fiche l’ensemble de leurs achats en parapharmacie et de leur consentir une réduction en fonction de leur volume d’achats. « Le volume des ventes de parapharmacie n’a pas significativement augmenté, mais c’est un avantage qui séduit malgré tout de plus en plus de clients », analyse-t-elle.
Au sein des groupements, où la carte de fidélité existe mais dont la discrétion est de mise, il est estimé que le panier moyen des possesseurs dépasse de 40 % le panier moyen national et que le nombre de passage de ces derniers est également plus élevé. En marge des chiffres et pour se mettre au diapason du Code de la santé publique, les systèmes de fidélité doivent adopter des formes singulières, un équilibre pas toujours simple à manier. Mathias Raimbault en a fait les frais récemment. Fondateur du label consommateur Pharmesprit, son idée a fait long feu. « Notre système prenait la forme d’une carte de fidélité, mais, compte tenu de la loi, les pharmaciens réalisaient seulement un pré-enregistrement et il revenait au client de confirmer ce dernier sur Internet. Cette adhésion permettait aux porteurs de la carte d’obtenir bien évidemment des réductions liées à leur volume d’achat, mais leur donnait également accès à des informations sur des promotions ou des données qualitatives concernant l’accueil ou les conseils des pharmacies », explique Mathias Raimbault, convaincu que la fidélisation est un élément incontournable pour les officinaux. Reste à trouver les bons dosages et les bons usages des outils éprouvés par d’autres secteurs d’activité pour ne pas contrevenir à la loi !
L’Ordre ouvert à la discussion
Pour Alain Delgutte, président de la section A de l’Ordre des pharmaciens, la fidélisation de la clientèle doit obéir aux règles édictées par l’article R. 5125-28 du Code de la santé publique, lequel stipule qu’« il est interdit aux pharmaciens d’officine d’octroyer à leur clientèle des primes ou des avantages matériels directs ou indirects, de lui donner des objets ou produits quelconques à moins que ceux-ci ne soient de valeur négligeable, et d’avoir recours à des moyens de fidélisation de la clientèle pour une officine donnée ».
Alain Delgutte renvoie aux us et coutumes de l’administration fiscale pour définir cette valeur négligeable à moins de trente euros. En revanche, il reconnaît que la fidélisation des clients est « un vrai questionnement pour les officinaux ». Aussi ouvre-t-il la voie à une réflexion sur ce sujet. « Avec le Collectif des groupements et les syndicats, nous souhaitons regarder, à droit constant, ce qu’il est possible de mettre en place comme outils de fidélisation », annonce-t-il.
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