Expérience client : Jusqu’où pousser la personnalisation ?
Bienvenue Madame Dupont, votre crème hydratante doit être bientôt terminée, je vous propose une promo de 2 € sur le pot de 50 ml, si vous prenez le soin de nuit avec… Concernant votre diabète, je vous invite à faire un test sur notre appareil Sudoscan avec Laurent, notre pharmacien formé à la prise en charge de cette maladie. Il reçoit sur rendez-vous le jeudi pour ce type de suivi. C’est gratuit et ça dure un quart d’heure. Vous aurez un sms pour vous confirmer l’horaire »… Jusqu’où peut aller la personnalisation de l’expérience client en officine ? A la Pharmacie du Chêne, à Chabanière (69), on a cette culture là ! « Nous adaptons toujours notre discours à la personne qui est en face de nous », explique la co-titulaire, Laure Pontvianne. « Nous avons la capacité de personnaliser la vente, parce que nous connaissons nos clients/patients. Nous notons tout ce que les gens achètent dans le LGO, y compris la parapharmacie. Ils peuvent venir chercher la même crème que la fois précédente, nous savons de laquelle il s’agit ! », complète son associée, Carine de Barba Monin.
VERS la co-construction.
La personnalisation de l’offre est un phénomène qui fait vendre depuis longtemps. Certaines marques ont même fait de la personnalisation du produit une stratégie à part entière. « Le client a de plus en plus souvent la possibilité de customiser son produit. Sur un vêtement, le client peut ajouter un élément de son choix (comme chez Adidas à La Défense, Ndlr). En cosmétique, Laboté propose du sur-mesure, Bite Lip Lab, en Amérique du Nord, permet de concevoir sa propre teinte de rouge à lèvres… », observe Hélène Maillet, directrice de l’innovation de l’agence Market Value, spécialisée dans les design graphique et environnement. En santé, le marché des vitamines évolue dans ce sens avec Persona Cosmetics (Nestlé), Care/of, ou encore la toute jeune marque française Cuure. Toutes trois conçoivent un cocktail de compléments alimentaires personnalisable que le client reçoit dans un emballage estampillé à son nom. « Aujourd’hui, le client co-construit son expérience. A partir du moment où c’est lui qui choisit, ça marche ! Il a ce qu’il veut et se sent unique », estime Yannick Franc, consultant spécialisé dans la distribution au sein de la société de conseil Equancy.
MIEUX connaître son client.
Les outils de gestion sur les programmes de fidélité facilitent le ciblage. « Via les programmes relationnels, on peut envoyer des promotions adaptées en fonction de la typologie du client (son lieu d’habitation, la composition de son foyer…). Les messages sont adressés soit à une personne en particulier soit à des groupes au comportement relativement homogène. Toutefois, si la plupart des enseignes ont un programme relationnel, peu d’entre elles ont un programme personnalisé. Monoprix a envoyé des réductions spécifiques selon la typologie de ses clients, Picard aussi… », poursuit Yannick Franc. En pharmacie, le groupement Pharmabest revendique plus de 570 000 personnes encartées et la capacité à cibler ses messages. « Nous sommes les seuls à réaliser ce genre de chose en officines. Notre système permet à notre groupement et aux laboratoires d’avoir des relations avec les clients, au profit des pharmacies. Nous pouvons envoyer des e-mails, alors qu’une pharmacie n’aurait pas le droit de le faire », explique Alain Styl, Dg de Pharmabest. Pour 120 opérations par an – avec en jeu, en moyenne, 10 % de réduction -, un message est ciblé auprès de certains membres My Very Best Card. Résultat, des gens qui ne seraient peut-être pas venus à l’officine à ce moment-là, s’y rendent pour faire une affaire. « On peut compter sur 150 à 300 clients additionnels dans une grosse pharmacie », précise Frédéric Popiolek, responsable des projets numériques de l’enseigne. « Les personnes sont accros à nos communications. Le taux de désinscription est de 0,15 % ! ».
TOUCHER la corde sensible.
Si la carte de fidélité entretient une relation quasi épistolaire, les consommateurs apprécient toujours d’être conseillés sur place. Et là, les grandes officines se trouvent face à un paradoxe. Alors qu’elles ont souvent un staff pointu, il semble que le consommateur perçoive davantage le choix et les prix que le conseil spécialisé. « L’expérience en magasin est liée aux émotions et ressentis d’un client par rapport à une marque, avant, pendant et après l’achat. La personnalisation est une façon d’angler cette expérience. Mais, si le conseil personnalisé se joue dans un environnement très “supermarché”, peut-être que la sauce ne prend pas. […] La personnalisation dépasse la recommandation ou le surmesure. Pour que cette promesse soit audible et appréciée à sa juste valeur, elle implique aussi un cadre propice à la recevoir », remarque Hélène Maillet. Et Yannick Franc de trancher : « la seule limite à la personnalisation, c’est le modèle économique ».
LE CAS DU MOIS
Dans une officine, chaque patient venu avec une ordonnance doit repartir avec un conseil personnalisé. Cela fait partie de l’acte pharmaceutique. Concernant les ventes de parapharmacie, de médecines douces… le consommateur est souvent amené à se promener dans les rayons et à choisir ses produits tout seul. Comme dans les autres commerces ! Or, une des tendances du retail réside dans la personnalisation de l’offre, du conseil, du service… Cela passe par des outils de gestion de la relation client, tels que des cartes de fidélité, l’exploitation de données récupérées lors de jeux concours, des applications pour s’adresser au consommateur en fonction de ses centres d’intérêts, de ses précédents achats, de son âge… Objectif : le séduire en lui proposant des offres sur-mesure. Et en officine, faut-il à tout prix personnaliser l’expérience client ?
LES EXPERTS
Yannick Franc CONSULTANT CHEZ EQUANCY
Hélène Maillet DIRECTRICE DE L’INNOVATION DE MARKET VALUE
Frédéric Popiolek RESPONSABLE DES PROJETS NUMÉRIQUES DE PHARMABEST
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PersonnalisationUn peu, mais pas trop !
Je suis favorable à la personnalisation, mais il nous faut nous adapter ! Pour les affaires, il faut bien un minimum de standardisation. Ce n’est pas tant la personnalisation, que la liberté des gens d’agir qui compte. Le client qui entre dans l’officine, doit rapidement repérer l’endroit et la personne de l’équipe qui lui correspond… sans être agressé par des messages inadaptés. C’est à nous de faire en sorte qu’il aille de lui-même vers le bon service, plutôt que le service ne vienne à lui. Dans notre officine, ça fonctionne plutôt bien. Et si nous avons des messages à faire passer, on le fait au comptoir », explique Marion Bardonnet, née Bandel, co-titulaire avec son époux, de la Pharmacie Bandel, à Belleville, dans le Beaujolais. Son officine dispose de la solution Weazy, un petit boîtier que les clients prennent à l’entrée et sur lesquels ils mentionnent le but de leur venue (chercher des médicaments, un conseil en MAD…). Objectif des titulaires : laisser la patientèle déambuler dans les rayons l’esprit libre, avant d’être avertie quand la personne de l’équipe adéquate est disponible. Une fois au comptoir, il est temps pour l’équipe de communiquer sur les services de l’officine et/ou les thèmes de la semaine, si ceux-ci sont adaptés au patient. Nous ne communiquons que sur des sujets santé, jamais sur les promos ou les prix. Ainsi, à la Pharmacie Bandel, la personnalisation s’effectue uniquement au comptoir. C’est à ce moment-là que le staff parle des rendez-vous proposés. Au menu : des rendez-vous “diabète” réalisés avec l’appareil Sudoscan (qui détecte les neuropathies), “MAD” et “cancéro”. Mais, là encore, la personnalisation a des limites. Les titulaires se refusent, par exemple, à pratiquer le diagnostic à domicile, qu’ils jugent “trop chronophage”.
AH OUI !
Proposer des produits à formuler de façon personnalisée et des services sur-mesure.
OH NON !
Ne pas oublier de créer une atmosphère chaleureuse, avec une surface de vente qui soit propice au conseil individualisé.
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