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« Choisissez la différence »

Publié le 30 juin 2007
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Cessez de voir la bouteille à moitié vide et imaginez tout ce que vous pouvez faire avec la moitié pleine. C’est le message délivré par Ralph Hababou, dirigeant du cabinet PB/RH Conseil, fondateur de la chaîne Columbus Café, dans son ouvrage « Service gagnant » (éd. First). Pour lui, dans un monde couleur promo où les prix visent le « toujours-plus-bas », il existe une autre issue que le suicide économique pour ceux qui ne peuvent pas livrer le combat. « Il faut offrir des services, du sens, de l’innovation et de l’originalité ! », affirme Ralph Hababou. Il nous explique pourquoi.

« Le Moniteur » : Alors que le low cost », semble être devenu la règle, vous nous dites qu’il est possible de tirer son épingle du jeu autrement qu’en s’alignant. Mais comment ?

Ralph Hababou : Il y a plusieurs inconvénients à avoir comme seule stratégie le prix. Tout d’abord, pour réussir dans un marché où les compétiteurs l’utilisent comme arme, il ne sert à rien d’être le plus intelligent, le plus compétent ni le plus innovant : il suffit d’être le plus riche pour tenir le coup avec des marges réduites et de patienter le temps que les concurrents disparaissent. Autre inconvénient : c’est la stratégie la plus simple et la plus rapide du monde à copier. Il suffit d’un quart de seconde à n’importe qui pour baisser ses prix et vendre encore moins cher. C’est donc une stratégie limitée dans le temps. Le prix attire des curieux tandis que le service fidélise des clients.

Vous écrivez que pour livrer la bataille contre les prix, tout est une question de terrain. Y aurait-il des exclus ?

Non. Seulement ne gaspillez pas votre énergie à essayer d’aller sur le terrain du prix si vous n’êtes pas certain d’avoir la structure et la capacité d’être durablement le moins cher. Il y aura toujours des clients qui seront motivés uniquement par le prix. Inutile de perdre votre temps à tenter de les faire venir sur le terrain du service si c’est celui que vous avez choisi. En revanche, pour les clients disposés à payer plus cher pour obtenir quelque chose en plus, demandez-vous si vous êtes prêt à les séduire, à vous adapter aux tendances qui caractérisent les nouveaux clients (lire encadré) et à les faire venir sur le terrain où vous êtes le meilleur. Le pire choix, c’est justement de ne pas choisir son camp. En effet, dans les périodes économiques difficiles comme aujourd’hui, les extrêmes triomphent : le prix le moins cher ou la différenciation par le service. Il n’y a plus de place pour les entreprises tièdes qui refusent d’évoluer et de se remettre en cause, qui continuent à admirer leur avenir dans un rétroviseur.

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Sourire et conseil peuvent-ils vraiment rivaliser avec étiquettes fluo et prix barrés ?

Si vous vous positionnez sur le service, il faut faire le deuil du « CA automatique ». Il faut prendre le temps de connaître sa clientèle, de la segmenter, de s’y adapter. C’est à vous d’aller vers le client, de lui montrer votre disponibilité, votre compétence. C’est plus long mais l’effet est plus durable. Dans ce domaine, l’exemple de la boulangerie est parlant. Tout la condamnait à disparaître à tout jamais de nos rues commerçantes. Pourtant, elle a su remettre en cause ses fondamentaux en s’adaptant au client d’aujourd’hui tout en multipliant ses prix par sept (en passant de 1 franc à 1 euro). Les boulangers étaient encore 50 000 artisans répartis sur tout le territoire au début des années 1970 (35 000 aujourd’hui), bénéficiant tranquillement d’un monopole de fait lorsque de grandes sociétés se sont mises à fabriquer du pain dans des quantités importantes avec des procédés industriels. Puis, ce fut le tour des hypermarchés. Enfin, est venue la concurrence des fausses boulangeries, les terminaux de cuisson, qui servaient du pain chaud et moins cher toute la journée. C’est la libéralisation du prix du pain, le 1er janvier 1987, qui a précipité les choses. Avec des prix encadrés, à quoi bon se casser la tête ? Si les prix sont libres, on peut vendre moins cher, c’est sûr, mais il est devenu possible de vendre plus cher des produits plus créatifs et de meilleure qualité. Ne pouvant s’aligner ni techniquement ni financièrement, la solution a été de se distinguer en fabriquant un pain de qualité, plus coûteux en matières premières et plus exigeant en charges salariales, mais vendu au prix souhaité. Résultat : dans certains hypermarchés, les laboratoires ferment car ils ne sont pas si rentables et sont remplacés par des terminaux de cuisson ; les magasins de centre-ville équipés de ces mêmes terminaux cessent leur activité parce qu’ils sont proches d’une boulangerie artisanale qui leur prend leur clientèle et parce que la boulangère, elle, continue d’appeler les clients par leur nom.

Vous affirmez que la formation est l’investissement le plus rapide à rentabiliser. Pouvez-vous nous l’expliquer ?

Aujourd’hui, pour avoir des informations on n’a pas besoin d’aller voir quelqu’un. Entre Internet et les médias, chacun a accès à une foule de données (un Français sur deux a recours à Internet pour ses informations santé*). Aussi, lorsque le client s’adresse à celui qui est censé être le spécialiste, le pharmacien par exemple, il est sans pitié. Il attend un degré d’information supérieur à celui qu’il possède, une personnalisation du conseil. Il en est de même dans tous les secteurs. L’exigence augmente d’autant plus que le niveau moyen de la qualité de service s’améliore. Conséquence : les excellents d’hier deviennent simplement bons s’ils n’ont pas progressé au même rythme que les autres. Par exemple, pour qualifier un accueil téléphonique, on avait l’habitude de dire familièrement : « C’est comme à la Sécu ! » Mais je ne sais pas si vous avez appelé récemment votre CPAM, même si tout n’est pas encore parfait, on décroche rapidement et vous tombez sur des gens compétents pour répondre à vos questions. Les efforts effectués par certains secteurs publics créent chez le client un niveau d’exigence supérieur, qui se répercute sur les autres secteurs. Attention donc à ceux qui ont tendance à s’endormir sur leurs lauriers. La performance dans le service client n’est pas acquise une bonne fois pour toutes, mais se mérite tous les jours. C’est un voyage, pas une destination. n

* Enquête Sofres pour Kiria

Les neuf nouvelles tendances du client

Il veut tout, tout de suite.

Il veut avoir le sentiment d’être unique.

Il en veut pour son argent.

Il veut être rassuré.

Il veut qu’on lui simplifie la vie.

Il veut pouvoir zapper.

Il veut pouvoir réclamer s’il est mécontent.

Il en veut toujours plus.

Il veut sauver la planète et aider les autres.