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Capital confiance

Publié le 1 octobre 2019
Par Favienne Colin
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Même si elle reste forte, la confiance dans l’officine décline. et si la reconquérir passait par une meilleure compréhension des nouvelles attentes du consommateur ? hyper connecté, hyper informé, le consommateur accorde du crédit aux conseillers apportant la preuve de leurs arguments et il est à la recherche d’une offre cohérente avec les valeurs du commerce qu’il a choisi. En un mot, il est de plus en plus exigeant.

Là où le consommateur était auparavant en confiance par défaut, il est aujourd’hui en défiance par défaut. Du coup, il attend qu’on lui apporte la preuve qu’il peut avoir confiance », explique Patrice Sabourin, directeur du développement business et consommateurs de L’Oréal Cosmétique Active France. Il tire là l’un des enseignements d’une analyse menée avec Kantar WorldPanel, basée sur l’observation des achats en hygiène beauté de 2018, tous circuits confondus1. Dans un contexte où l’image de la pharmacie s’est dégradée, un tel constat ne peut qu’interpeler les officinaux. Avec Kantar, le géant des cosmétiques a identifié dix attentes érigées au rang de “standards” de consommation, parmi lesquels la défiance. Ces nouvelles postures2 fournissent des pistes concrètes pour faire évoluer la manière de pratiquer le commerce et de gagner la confiance des consommateurs.

LE CONSOMM’ACTEUR prend le pouvoir.

C’est déstabilisant pour les professionnels de santé : la défiance semble presque devenue une posture chez le client, comme chez le patient. Résultat, la confiance dans les marques d’hygiène beauté a chuté de 5 points entre 2013 et 2018, pour tomber à 27 %. Désormais, près de deux tiers des Français se disent prêts à payer plus cher pour de la meilleure qualité. Cette proportion se montait seulement à 47,9 %, en 2010 ! Pour résumer, Kantar et L’Oréal observent que nous sommes dans une période de “déconsommation choisie”. Autrement dit, le consommateur devient de plus en plus acteur et se fait moins influencer par les tarifs. Et pour avoir sa confiance, il faut lui proposer des façons d’acheter “moins mais mieux”. Le “consomm’acteur” est sensible à des offres qui seraient présentées comme “une sélection”. Dans ce cas, il attend qu’on explique pourquoi l’équipe a fait le choix de telle ou telle marque (parce qu’elle est sans paraben, bio, ou locale, par exemple…). Certains titulaires ont déjà commencé à y travailler, en proposant, par exemple, des gondoles intitulées : “Votre pharmacien a sélectionné pour vous”. Certaines enseignes, comme Pharm’O Naturel et Antón & Willem, vont plus loin en vendant uniquement des produits naturels. Ces arbitrages du consommateur favorisent le segment de l’hygiène beauté bio, en progression de 16 % en valeur, entre 2015 et 2018, selon une étude des Echos. « La pharmacie doit investir dans le bio, vecteur de confiance, de crédibilité et de transparence… », en conclut Patrice Sabourin. « La naturalité, moins enfermante que le bio, revêt une capacité de recrutement de nouveaux consommateurs pour le circuit de la pharmacie et pour la catégorie hygiène/beauté. Elle va rapidement devenir un nouveau standard. Bientôt, l’essentiel des portefeuilles de marques l’incarneront à travers les produits, la communication… ». La catégorie des produits identifiée “végétal” progresse déjà de 28 % en valeur, selon cette même étude.

TOUJOURS plus de transparence.

La quête du consomm’acteur qui recherche plus d’authenticité et de transparence nécessite un discours pointu. Le personnel ne doit pas être perçu comme des “vendeurs”, mais des “conseillers”. La nuance est de taille. « La confiance vient de la qualité du travail fourni. Je sais mon équipe compétente, parce que formée tout au long de l’année, notamment via Ma Formation Officinale », analyse Benjamin Gauthier, titulaire de la Pharmacie de la Baleine, à Sainte-Anne sur l’île de la Réunion. Après plusieurs années de démarche “qualité”, son officine (environ 2 M d’€ de C.A) est certifiée Pharma + Confiance depuis 2018 et il estime que cette méthode de travail génère la confiance. « Il en découle que le patient vient et reste fidèle, parce qu’il n’y a pas d’erreur, qu’on cherche toujours à s’améliorer… Au quotidien, les gens ne nous disent pas “j’ai confiance en vous”, mais “ici, on est bien conseillé !” ». Pour L’Oréal, la formation passe aussi par la création d’une appli maison. « Les applications, comme Yuka, vont dans le sens d’une démarche plus transparente. […] Il est toutefois capital que les informations qu’elle délivre soient prouvées, avérées et vérifiées scientifiquement, ce qui n’est pas toujours le cas. Aujourd’hui, les équipes officinales se retrouvent face à des clients qui utilisent ces applis. Demain, nous mettrons à disposition de la conseillère une appli lui donnant accès à des informations précises et fiables sur les ingrédients. Elle prendra la photo avec son smartphone, devant le client, et pourra s’appuyer sur ces applis pour un conseil encore plus expert, plutôt que de les subir », confie Patrice Sabourin. Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’un des nouveaux standards, celui du “consommateur connecté”.

GAGNER en efficacité.

Face aux défiances, la pharmacie a aussi un défi à relever concernant la fluidité de son parcours client. Dans un monde où Amazon promet une livraison pour le lendemain, et envoie un sms pour rassurer au fil du voyage du colis, il est difficile de laisser le client attendre – et ce quoiqu’il vienne chercher – ou de lui demander de revenir le lendemain sans avoir reçu un message de confirmation. Cela aussi participe à de la confiance. Tout comme l’assortiment qui incarne le projet de l’officine, la mise en scène des produits et l’offre de services. Outre ces messages d’alerte, l’officine peut aussi revoir ses méthodes d’encaissement. Pourquoi le client devrait-il toujours passer par la caisse, quand il est conseillé en rayon ? Chez Sephora, on paie dans les rayons grâce à une tablette ; chez Amazon, une transaction s’effectue en un clic ; chez Decathlon ou encore Leroy Merlin, on trouve des solutions “scan, pay, leave” (scannez, payer, partez) où le client autonome se débrouille sans avoir à solliciter le staff pour régler ses achats ; chez 4 Casino, on trouve des caisses automatiques et l’on peut, par ailleurs, payer en scannant les codes-barres avec son smartphone. « Les caisses des officines étant vite submergées, au comptoir le personnel prend moins de temps de conseil, car la file d’attente est très anxiogène », remarque Patrice Sabourin. « D’où l’importance de trouver une solution pour que la transaction puisse se réaliser à la fois le plus rapidement possible et sous plusieurs formes. A l’instar de McDonald’s, par exemple. Aujourd’hui, on peut ainsi détourner le flux unique pour le démultiplier et alléger les caisses et permettre un échange. » Echange, source de confiance.

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Panel de 35 000 personnes représentatives de la population française.

Les 10 « standards » identifiés par Kantar/ L’Oréal : consomm’acteur, papillonnage, connecté, défiance, exigence; moins mais mieux, implication, saturation, naturalité, conseil.

L’ESSENTIEL

→ La pharmacie a un fort capital confiance, mais en baisse.

→ Le consommateur a de nouveaux critères pour accorder sa confiance.

→ Obtenir la confiance demande une forte implication, comme une formation pointue et un point de vente moderne aux standards du commerce actuel.

→ L’équipe, y compris le titulaire, doit incarner clairement les valeurs de l’officine, le consomm’acteur acceptant peu les incohérences.

+16 % c’est la progression en valeur des ventes de produits bio en hygiène/beauté, tous circuits confondus en France, entre 2015 et 2018. Par ces achats, les Français montrent la confiance qu’ils accordent à ce segment. Source : Les Echos, mai 2019.

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Face à un consommateur qui papillonne en fréquentant un nombre croissant de circuits de distribution (grande distribution, spécialistes, e-commerce…), se démarquer par la confiance devient essentiel. Selon L’Oréal et Kantar, cela passe notamment par la capacité du titulaire à incarner sa boutique. Cela peut sembler simple pour les petites officines où le patron est toujours là… mais, cette tendance s’élargie aux très gros points de vente (lire le dossier sur les pharmacies XXL, PHM N° 190 p. 16, “Les mastodontes s’enracinent”). C’est le cas, par exemple, de Martine Azémar, titulaire à Clermont-L’Hérault (34), qui est vraiment présente dans les rayons de ses 1 600 m2 de surface de vente pour conseiller ses patients. Ou encore d’Adrien Soumet, le titulaire qui a été le premier à ouvrir l’enseigne Apothical du groupement spécialiste des grosses officines GPO, dans le centre commercial Carré Sénart, en Seine-et-Marne, (lire reportage Pharmacie Carré Sénart, PHM N° 189, p. 28), est tous les jours visible au comptoir, au service de ses clients.

CONSOMMATION LOCALE

Les produits de PME affichent une augmentation de leurs ventes de 52 %, entre 2017 et 2018. Les Français déclarent, par ailleurs, essayer d’acheter local (pour 77 %, d’entre eux) ; accorder de l’importance aux formules sans conservateur (83 %) et avoir recours au faire soi-même (80 %).

Source : Kantar WorldPanel pour L’Oréal, étude 2019.

8,8/10 c’est l’indice de confiance attribuée aux pharmacies par les Français. Une note portée par des valeurs humaines comme l’empathie, la fiabilité, la rigueur, le conseil…

Source : Kantar WorldPanel pour L’Oréal, étude 2019.