5 clés pour mettre en place un challenge
Le dernier produit antirhume vendu en échange d’un chèque-cadeau ou d’une coquette commission de 50 centimes d’euro par boîte, c’est tentant. Les challenges, souvent proposés par les laboratoires, permettent-ils réellement de doper les ventes ? Et la motivation des équipes ? Cinq clés pour mettre en place les challenges sans faire entrer (trop) de compétition entre vos collaborateurs.
Pour des gammes dermocosmétiques ou pour conseiller tel ou tel médicament, les pharmaciens sont souvent sollicités pour répondre à des challenges afin de vendre les marques d’un laboratoire en priorité. L’occasion de « booster » les ventes, mais aussi de dynamiser l’équipe officinale. Ces challenges, plutôt ponctuels, rejoignent ceux, lancés en interne par certains pharmaciens, désireux de (re) motiver leur personnel. Ils n’hésitent pas à récompenser par des chèques-cadeau ou des petites primes, des comportements qu’ils estiment bénéfiques au fonctionnement de l’officine. Mais cet instrument ludique, gratifiant et peu contraignant ne peut cependant être mis en place sans règles du jeu préétablies.
1 Bien choisir son challenge
Deux catégories de challenges s’offrent aux pharmaciens. Celui, interne, mis en place par le titulaire pour gratifier ses collaborateurs, et celui proposé par les laboratoires. Il peut concerner un produit de parapharmacie ou de dermocosmétique, mais aussi un produit en libre accès. Par exemple, Oscillococcinum est l’objet de challenges hivernaux.
La carotte ? Les laboratoires récompensent les vendeurs d’une officine, individuellement, par des primes allant de 50 centimes à 1 euro (ou plus) par boîte vendue, voire par des équivalents en chèques-cadeau. En général, ces challenges durent un mois. Damien Ferreol, responsable du centre de formation chez Elysambre, juge que la durée adoptée par son laboratoire – une semaine – est idéale pour tenir les équipes en haleine. « Au delà, on risque un essoufflement », note-t-il, ajoutant que deux animations, doublées de deux challenges par an, suffisent à augmenter les ventes annuelles du produit challengé de 57 % en moyenne.
Mieux vaut par ailleurs mettre tous ses œufs dans le même panier en ne réalisant qu’un seul challenge à la fois. On risque sinon de voir ces différentes compétitions se « cannibaliser », le personnel ne pouvant s’investir dans la promotion de plusieurs produits en parallèle, a fortiori s’ils sont concurrents. En tout état de cause, l’épreuve doit être adaptée, en taille et en catégorie de produit, à la configuration de l’officine.
2 Gagner en équipe
« Les challenges mettent de l’ambiance dans mon officine », se félicite Stéphane Gloro, titulaire de la Grande pharmacie de la gare, située à Vincennes (94). Ce pharmacien, qui dirige une équipe de trois préparatrices et d’une pharmacienne, apprécie l’aspect ludique des challenges organisés par les laboratoires, et de voir le plaisir de l’équipe à tenter de reconnaître les clients-mystère qu’ils envoient. Pour ne pas virer à la compétition, le challenge doit recueillir l’adhésion de la majeure partie de l’équipe. Ainsi, les challenges interpharmacies sont appréciés pour leur faculté à renforcer la cohésion. « Il y a une véritable émulation, un plaisir de réussir en équipe », se félicite le titulaire de la pharmacie Saint-Priest, à Saint-Priest-en-Jarez (42), qui vient de remporter un trophée de 1 300 euros à l’issue d’un challenge d’une marque de maquillage. Attention, « il ne faut pas mettre l’accent sur le côté personnel », conseille Philippe Levy, consultant et dirigeant de Néopharma. De fait, comme le remarque une préparatrice de la région parisienne, qui a tenu à garder l’anonymat, les challenges mal introduits par le titulaire peuvent être source de dissensions dans l’équipe. « Certains collègues se précipitent sur le client pour se positionner favorablement au détriment des autres qui sont, de facto, relégués dans les tâches de réception des colis, des rangements… » Au contraire, bien encadrés, les challenges peuvent se révéler une précieuse aide à la gestion du personnel.
3 Révéler de nouvelles compétences
Les challenges sont considérés par les pharmaciens qui les pratiquent comme de véritables outils de management. « Ils tiennent l’équipe en éveil », confie un pharmacien. Mais, il est nécessaire en amont « de bien connaître son personnel pour savoir ce qui motive les différents membres », précise Philippe Levy. L’expert n’hésite pas à préconiser une approche comportementale pour repérer les employés qui seraient dopés par ces procédés. Il distingue quatre catégories d’employés.
– Ceux qui sont motivés par l’argent ou le cadeau ont une approche « mercantile ». Faciles à convaincre, ils apprécient l’aspect ludique, le caractère sportif de l’épreuve et seront fiers de remporter le titre de « meilleur vendeur ».
– Les salariés à la recherche de sécurité et de reconnaissance, à qui il convient de proposer des challenges qui privilégient la qualité et d’autres indicateurs que la simple vente.
– Les employés ayant besoin de reconnaissance, qui ne sont pas intéressés par la prime mais par les responsabilités qui leur seront confiées.
– Enfin, le quatrième type de salariés aime détenir une certaine liberté d’initiatives, voire prendre des risques.
Pour Philippe Levy, ces deux dernières catégories sont moins sensibles à la motivation matérielle, mais cherchent à être reconnues pour leurs spécificités et leurs compétences.
4 Préserver l’éthique malgré les primes
Pour composer avec ces quatre typologies de salariés, le pharmacien devra « saupoudrer » ses challenges selon le profil de ses collaborateurs : l’accueil, la qualité du conseil, le nombre de clients, les initiatives prises… Mais en tout état de cause, le pharmacien doit garder la main sur les épreuves qu’il organise, qui doivent rester un outil. « Il n’est pas question de se laisser phagocyter par les laboratoires », met en garde Philippe Levy. Pourtant, il peut être difficile, pour le personnel engagé dans un challenge, de préserver son objectivité. « Il est certain que la prime, même minime, m’influence dans mon conseil au client. Même si je ne suis pas totalement convaincue du produit, je ne peux pas dire que je reste neutre », reconnaît une préparatrice lilloise. C’est justement le reproche que l’Ordre fait à ces challenges, qu’il juge incompatibles avec les exigences de crédibilité de la profession. Pour Michel Laspougeas, chargé des relations extérieures du conseil national de la section A, « l’officinal doit fournir un travail de transparence dans son officine et la loi va faire monter en puissance ces obligations de qualité ». Par ailleurs, l’ordinal craint que les challenges créent des inégalités entre les confrères selon leur lieu d’implantation. En revanche, s’il ne pratique pas lui-même la compétition interne dans son officine du Gers – une politique de rémunération correcte et un treizième mois les rendent superflus – , il ne critique pas pour autant certains confrères qui y ont recours pour motiver leurs salariés à davantage de qualité.
5 Faire progresser ses collaborateurs
Qu’ils soient internes ou externes, les challenges concernent les titulaires qui souhaitent user davantage de la carotte que du bâton. Avec pour objectif de faire progresser l’entreprise. « Face aux problèmes de retard de certains membres de mon équipe, j’ai mis en place un système de prime de 100 euros à la fin du mois pour mes préparatrices qui font davantage preuve de ponctualité, mais aussi pour celles qui ont montré plus de flexibilité face aux changements de planning », confie un titulaire qui souhaite là encore garder l’anonymat. Stéphane Gloro avoue, quant à lui, que les challenges des laboratoires lui ont donné envie d’appliquer sa propreformule à son officine. Pour l’heure, il est encore à la recherche des critères et des coefficients qui permettraient à chacune de ses salariées de gagner des chèques-cadeau.
Un outil de management idéal
Un titulaire ne motive pas son personnel. Celui-ci doit se motiver lui-même. Il faut donc faire en sorte de placer les équipes dans des conditions idéales pour générer cette motivation. Le challenge est, dans ce sens, un instrument managérial idéal. Communiqué à l’équipe, partagé avec ses différents membres, il constitue un véritable projet destiné à soutenir le développement de l’officine.
Philippe Lévy, dirigeant de Neopharma