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UNE BONNE ENTAME POUR 2012

Publié le 16 juin 2012
Par Francois Pouzaud
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Sur le premier trimestre 2012, les officines ont connu un répit. Un vent de reprise a soufflé sur leur activité lié au décalage des pathologies hivernales. Mais, depuis avril, la décélération semble avoir repris ses droits, exception faite de l’automédication.

En 2012, le marché pharmaceutique français était annoncé en récession, IMS Health France prévoyant une diminution du chiffre d’affaires de 2 %. Mais l’activité des officines a repris des couleurs sur le premier quadrimestre. En effet, de janvier à avril 2012, le chiffre d’affaires global du réseau (en prix public TTC) progresse de 1 % à 12,135 milliards d’euros (sorties consommateurs, source Celtipharm issue d’un panel de 3 004 pharmacies). La fréquentation de la clientèle sur cette période est en hausse de 0,6 % et le panier moyen gagne 0,4 % à 32,79 € (contre 32,65 € pour la même période de l’année 2011).

« La reprise constatée sur le premier trimestre est liée au décalage de la pathologie hivernale », commente Jean-François Derré, directeur associé de Celtipharm, lors de la 5e rencontre de la Société française des antioxydants. Après une fin d’année 2011 moribonde (– 1,2 % en décembre par rapport au même mois de l’année précédente), les températures au-dessus des normales saisonnières en janvier n’ont pas dynamisé les ventes en officine (+ 0,3 %). Mais après un début d’hiver particulièrement doux, la France s’est trouvée plongée dans une intense vague de froid en février, à l’origine d’un pic d’activité sur ce mois de + 3,6 %. Le nombre de cas de grippe par semaine a atteint un record (près de 300 000 du 20 février au 26 février) avant de diminuer progressivement entre le mois de mars et début avril, coïncidant avec l’extinction de l’épidémie grippale. Du fait d’épisodes grippaux résiduels jusqu’au début du printemps, l’activité en mars reste bien orientée (+ 1 %), avant qu’elle ne reprenne son cours normal à la baisse en avril (– 0,7 %).

La reprise concerne tous les segments

Celtipharm a analysé le dynamisme de chaque segment en cumul fixe sur les quatre premiers mois de l’année 2012 par rapport au même quadrimestre de l’année 2011. L’état des lieux montre que l’automédication est une pratique de plus en plus répandue chez les Français. En effet, alors que les ventes de médicaments (toutes catégories confondues) progressent de 0,4 % à 9,882 Md€, l’automédication (qui regroupe les médicaments de prescription médicale facultative, non prescrits, non remboursés, conseillés par le pharmacien) se distingue (+ 3,8 % à 736 M€). Mais ce n’est pas le seul motif de satisfaction. La reprise de ce début d’année est générale, comme si la crise avait besoin de marquer une pause.

La croissance n’est pas en reste sur les segments des accessoires et dispositifs médicaux (+ 4,3 % à 714 M€), de l’hygiène et de la cosmétologie (+ 3,3 % à 482 M€), de la diététique et compléments alimentaires (+ 6 % à 351 M€) et des produits divers (+ 1,6 % à 323 M€). Seuls les produits vétérinaires sont à la peine (– 0,6 % à 53 M€), ce qui n’est pas tellement surprenant, le froid sibérien ayant plombé sur le premier trimestre les ventes d’antiparasitaires externes.

Malgré cette embellie passagère, l’activité des officines (en cumul sur les 12 derniers mois arrêté à fin avril 2012) régresse de 1,3 % à 36,144 Md€, tirant ainsi vers le bas le chiffre d’affaires moyen par officine de 1,639 M€ à fin décembre à 1,626 M€ à l’issue du premier quadrimestre 2012. Avril renoue avec un fléchissement du trafic en officine et du nombre des ordonnances (respectivement de – 0,6 % et – 0,3 %).

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Le réseau a perdu 572 M€ l’été dernier !

La récession annoncée est la conséquence des mesures prises par les pouvoirs publics en matière de baisse de prix, de déremboursement et de maîtrise médicalisée. Sur l’année 2011, les ventes issues des prescriptions des professionnels libéraux de ville ont ainsi baissé de 208 M€. L’été dernier a été particulièrement meurtrier pour le réseau officinal qui, entre juillet et septembre, a perdu, selon Celtipharm, 572 M€ de chiffre d’affaires et 9 millions d’ordonnances, soit 25 000 € perdus par officine et 7 ordonnances en moins par jour et par officine. « L’affaire du Mediator a entraîné de nombreuses alertes sur des spécialités et, dans certains cas, des arrêts de commercialisation. En juillet, le nombre d’ordonnances et le trafic en officine ont plongé respectivement de 6,7 % et 6 % », explique Jean-François Derré. Il cite quelques exemples de dégringolade retentissante suite à une période de latence dans les traitements chroniques : – 1,7 million d’ordonnances sur 12 mois pour Nexen, – 1 million pour Fonzylane, – 4,8 millions pour Vastarel, – 1,6 million pour Actos/Competact ou encore – 0,8 million pour Protelos. « Hors effet Médiator, le chiffre d’affaires global des officines aurait dû normalement évoluer pendant l’été de + 0,3 % », ajoute Jean-François Derré.

En 2012, la crise de confiance sur le médicament est toujours vivace, il ne faut donc pas s’attendre à un retournement de tendance durable. « Le médicament est toujours mal vu dans l’opinion publique, il est passé avec l’affaire Mediator d’un statut de médicament miracle à celui de médicament poison. Quant au générique, il fait toujours les choux gras des médias et le médicament va continuer à traverser une période difficile en 2012 », annonce Yann Aubé, directeur associé, responsable des opérations chez Celtipharm. Ses prévisions pour 2012 ne sont pas fameuses.

L’activité pharmaceutique devrait peu augmenter en chiffre d’affaires, de 0,45 % à 36,178 Md€, avant de décroître de 0,25 % à 36,088 Md€ en 2013.

Sur le marché du médicament remboursable qui représente 81,6 % du chiffre d’affaires d’une officine en moyenne, une décroissance de 0,23 % en valeur à 29,348 Md€ est attendue en 2012 et de – 1,21 % à 28,991 Md€ en 2013.

Le marché de l’OTC strict, pris à périmètre constant (hors délistages et déremboursements responsables d’une augmentation mécanique du marché), suivrait la tendance générale de l’activité pharmaceutique : + 3,45 % à 2,132 Md€ et – 2,79 % à 2,073 Md€ en 2013. En revanche, le marché de l’automédication continuerait à croître régulièrement en 2012 (+ 3,7 % à 2,196 Md€) mais aussi en 2013 (+ 3,6 % à 2,275 Md€).

Les labos gagneraient peu avec l’OTC

Dans l’univers de l’OTC, la dynamique est induite majoritairement par les grandes marques, présentant une offre large ou une marque ombrelle, investissant en communication auprès des pharmaciens et des consommateurs. Le montant brut des investissements publicitaires des laboratoires sur le marché de la prescription médicale facultative, qui avait augmenté de 43,7 % en 2010, augmente de 7 % à 171,985 M€ en 2011.

Comme l’a expliqué Pascal Brossard, président de l’Association français de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable, lors de la journée de la Société française des antioxydants : « Le laboratoire doit atteindre une masse critique avant de pouvoir se lancer dans la communication grand public. Il doit réaliser un minimum de 10 M€ de chiffre d’affaires pour pouvoir consacrer 2 à 3 M€ en achats d’espaces publicitaires, ce qui représente environ 30 % de son chiffre d’affaires. Une vingtaine de marques seulement dépassent 10 M€ de chiffre d’affaires ; en dessous de ce seuil, celle qui investit en publicité ne peut pas gagner d’argent. Compte tenu du potentiel de développement de l’automédication dans l’avenir, l’intérêt de ce marché est plus stratégique à moyen terme que financier à court terme. »

Le ticket d’entrée est cher et, pour pouvoir se l’offrir, les laboratoires jouent la carte des marques ombrelle pour gagner rapidement la masse critique. « Plus le laboratoire est gros, plus il aura de chances de réussir sur ce marché, poursuit Pascal Brossard. Aujourd’hui, le dixième laboratoire d’OTC fait 40 M€ de chiffre d’affaires et le vingtième 15 M€. Il faut aussi qu’il investisse dans une force de vente d’au moins 24 à 25 délégués, ce qui coûte en frais 3 M€, soit 15 % du chiffre d’affaires d’un laboratoire de 20 M€ qui disparaissent en frais promotionnels ! »

Automédication : la France à la traîne de l’Europe

En France, l’automédication représente 6,4 % du marché des médicaments, alors que la moyenne européenne est de 10,4 %. C’est ce qu’a révélé l’AFIPA (Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable) en présentation du congrès annuel de l’Association européenne des spécialités pharmaceutiques grand public organisé du 6 au 8 juin à Nice. En cause ? Le retard français en matière de switchs car, en 2010 et 2011, seules neuf molécules ont été délistées. Or, grâce aux consultations médicales et aux remboursements de médicaments évités, il aurait été possible de générer 398,4 millions d’euros d’économies si 114 molécules avaient été délistées, et 1,5 milliard dans le cadre d’un délistage complet (c’est-à-dire avec déremboursement associé), d’après Celtipharm. Pour l’AFIPA, la France pourrait s’inspirer des facteurs de succès de l’automédication dans les pays européens où elle est plus fortement implantée, comme en Italie (8,5 %), Allemagne (14,4 %), Royaume-Uni (18,1 %) ou Pologne (26 %). Dans ces pays, un certain nombre de mesures ont permis de créer une dynamique du marché, comme des campagnes télévisées d’information en collaboration avec le ministère de la Santé en Italie. Autre exemple : au Royaume-Uni, des événements locaux et des formations en ligne destinés aux patients sont organisés pour expliquer l’automédication.

Les 4 poids lourds de l’automédication

Dans la continuité de l’année 2011, quatre segments portent plus particulièrement le dynamisme du marché de l’automédication sur les quatre premiers mois de l’année 2012. En cumul sur douze mois à fin avril, le premier segment en chiffre d’affaires, les voies respiratoires (530 M€), progresse de 1,9 % (+ 9,8 M€) par rapport à la même période de l’année précédente. Le deuxième marché d’automédication, l’antalgie (395 M€), est toujours en verve (+ 4,2 %, + 15,9 M€). Les vitamines et suppléments minéraux, qui pointent à la 6e place en chiffre d’affaires (121 M€), représentent le segment le plus tonique (+ 9,2 %, + 10,3 M€). Enfin, le quatrième marché à bien s’illustrer, les médicaments antitabac (81 M€), enregistre une hausse des ventes de 4,8 % (+ 3,7 M€).