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Un prévisionnel sinon rien !

Publié le 1 avril 2023
Par Francois Pouzaud
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Inflation à marée haute, Covid-19 à marée basse, le titulaire d’officine se doit de rester attentif à l’évolution de ses marges, à la fixation de ses prix de vente pour les secteurs d’activité à marge libre, et à son prévisionnel d’exploitation 2023.

Les marges de l’officine sont durablement impactées par un environnement bouleversé et changeant en raison d’une série d’événements : érosion du taux de marge liée à la nouvelle envolée des médicaments chers, nette décélération des activités Covid-19, inflation sur les salaires et sur les coûts d’exploitation, baisse de prix sur les génériques, guerre des prix sur le hors-remboursable sur fond de crise du pouvoir d’achat, développement des nouvelles missions, etc. Dans ce contexte d’incertitude, l’analyse de la marge et l’établissement d’un prévisionnel d’exploitation revêtent de toute évidence une importance essentielle et permanente.

Un contrôle précis des marges.

Le contrôle des marges, réalisé à partir des statistiques fournies par les logiciels de gestion d’officine (LGO), doit s’appuyer sur une analyse effectuée par taux de TVA (2,1 %, 5,5 %, 10 % et 20 %). Pour comprendre l’évolution de la marge sur la TVA à 2,1 %, le titulaire doit distinguer son activité sur les médicaments de prix fabricant hors taxe (PFHT) inférieurs à 150 € de celle sur les médicaments dont le prix oscille entre 150 € et 1 930 € et de celle des médicaments très chers au-delà de 1 930 € où la rémunération est figée. Si des différences existent entre les chiffres issus de la comptabilité et ceux des tableaux d’évolution de la marge fournis par les LGO, elles peuvent s’expliquer par plusieurs dysfonctionnements comptables : une mauvaise mise à jour des prix d’achat dans le LGO ou du suivi de la négociation commerciale, un enregistrement aléatoire du stock, une démarque inconnue, etc.

La marge réglementée n’est pas libre…

« Sur les médicaments remboursables à marge réglementée, le pharmacien ne peut agir que sur le prix d’achat – négociation d’une remise grossiste ou sur les achats de génériques et certains achats directs », rappelle Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet AdequA. Avec la marge dite « libre » sur les médicaments de conseil et la parapharmacie, le pharmacien a la possibilité de jouer à la fois sur le prix d’achat et le prix de vente final. « Appliquer un coefficient sur le prix d’achat HT pour déterminer un prix de vente TTC est une méthode qui a ses limites, puisqu’elle ne prend pas en considération le contexte, ni les prix psychologiques », prévient-il. Il est possible de contrôler la cohérence des coefficients multiplicateurs appliqués dans l’officine à partir des ventes TTC par taux de TVA issues du LGO et à partir des achats revendus lors de l’exercice. « Pour maîtriser sa marge en valeur, il est souhaitable d’appliquer une politique de prix juste », conclut-il.

Jouer au Juste Prix.

« Les prospections de marge et de rentabilité sont incontournables pour toutes les officines, tant l’intermède de la crise du Covid, le retour de l’inflation et la flambée des coûts salariaux ont fait perdre des repères », poursuit Olivier Delétoille. Ainsi, pour éviter de vrais décrochages en valeur de la marge (hors activités 0 %) et de la rentabilité sur le plan opérationnel, l’expert-comptable d’AdequA alerte sur certains pièges concernant les activités non remboursables : « La répercussion de l’augmentation du prix d’achat sur le prix de vente n’est pas forcément suffisante. Par exemple, un produit acheté 7 € vendu 10 € dégageait l’année dernière une marge de 3 €. Si les prix d’achat et de vente passent respectivement à 8 € et 11 €, le pharmacien a l’impression de conserver sa marge en valeur. Or, il perd en réalité de la rentabilité puisque l’ensemble de ses charges d’exploitation ont augmenté et que lui-même subit les conséquences de l’inflation sur ses revenus. Le prix de vente devrait plutôt être de 12 € pour conserver la même marge. » Dans une pharmacie qui réalise l’essentiel de ses activités sur le non-remboursable, « limiter la hausse des prix est un non-sens et cette politique peut s’avérer catastrophique », estime Olivier Delétoille.

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Un prévisionnel d’exploitation à surveiller.

Au même titre qu’un contrôle resserré de l’évolution des marges, un prévisionnel d’exploitation est plus que jamais nécessaire dans cette période d’incertitude. François Gillot, expert-comptable du cabinet CAAG, détaille au maximum dans les présentations des comptes de ses clients, les activités et fait ressortir celles relatives au Covid-19 : « Cependant, une partie des missions liées à la vaccination sera maintenue et, par ailleurs, il y aura sans doute le développement de nouvelles autres missions. Nous retenons, selon les officines, entre 6 000 € et 20 000 €/an de rémunération officinale », précise-t-il. S’agissant des produits chers, François Gillot intègre dans les prévisionnels une baisse significative du pourcentage de marge s’ils sont en évolution conséquente. « Elle peut se projeter grâce à des simulations d’évolution de marge en volume, établies à partir des statistiques de la marge dégressive lissée », ajoute-t-il. Pour les frais généraux, s’il était de règle de retenir une évolution moyenne de 1 %, il convient désormais, selon lui, de retenir 3 %, voire de prévoir des évolutions spécifiques et détaillées sur certains postes de frais généraux, notamment l’électricité. Le prévisionnel sur les frais de personnel doit également intégrer une évolution plus rapide qu’avant : « Sans présumer des augmentations à venir sur la grille des salaires, il convient d’anticiper, surtout au regard d’un recrutement qui demeure tendu », conseille-t-il. Enfin, si la pharmacie est en cours de remboursement d’emprunt d’installation, l’évolution des taux d’intérêt (proches de 4 % en février 2023, selon les opérateurs du marché de la transaction en pharmacie) est impactante et amène parfois à ne plus recourir à certains plans d’étalement de la dette ou de refinancement. « Dans ce contexte, une hausse des prix de vente sera nécessaire. Mais, la simple répercussion de l’évolution des prix d’achat ne permettra pas d’absorber cette hausse des charges, et une augmentation des prix trop importante risquerait de ralentir le nombre de ventes, les patients priorisant aussi leurs dépenses… un vrai dilemme », avoue François Gillot.

– 8,9 %

C’est la baisse du chiffre d’affaires total des officines en janvier 2023 versus janvier 2022.

Source : FSPF

– 24 000 €

C’est la baisse de la marge et de la rentabilité à laquelle une officine de 2 M€ de chiffre d’affaires doit s’attendre en 2023*.

* à volume de ventes constant. Source : étude CGP 2023.

LES TERMES À MAÎTRISER

– La marge commerciale en valeur, c’est la différence entre le prix de vente hors taxe et le prix d’achat hors taxe.

– Le taux de marge commerciale, c’est le rapport entre la marge en valeur et le chiffre d’affaires hors taxes. Cette donnée est relative, la marge commerciale en valeur étant la plus importante.

– La marge brute globale, c’est la marge commerciale à laquelle on ajoute l’ensemble des honoraires de dispensation, des prestations de services, des coopérations commerciales, des nouvelles rémunérations et des nouvelles missions.