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Maîtriser ses prélèvements personnels

Publié le 28 mai 2015
Par Francois Pouzaud
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Bien gérer ses prélèvements personnels devient crucial quand l’évolution de l’activité devient capricieuse et imprévisible, et quand la trésorerie joue les yo-yo et avec les nerfs des dirigeants.

Les prélèvements personnels doivent rester cohérents avec les capacités financières de l’entreprise. Bâtir une politique de prélèvement permettra de respecter cette règle de bon sens. Cela consiste pour le pharmacien titulaire à déterminer, tous les mois, les possibilités contributives de son affaire en vue d’assurer son train de vie. Malgré les fluctuations souvent imprévisibles de l’activité d’une officine, « il faut en début d’exercice définir un niveau de prélèvement personnel mensuel et s’y tenir toute l’année », insiste Emmanuel Leroy, expert-comptable chez KPMG. Voici comment.

LE BON calcul

La méthode de calcul de prélèvements mensuels doit être simple et rapide à mettre en oeuvre. Il faut au préalable l’étayer par un budget prévisionnel d’exploitation simplifié qui reprend les éléments du dernier compte de résultat en les actualisant en fonction de ses décisions de gestion pour le nouvel exercice : embauche d’un nouveau salarié, investissements… A demander à son expert-comptable. « Notre travail consiste à calculer la performance commerciale de gestion [PCG] en retranchant de la marge commerciale les charges externes, les impôts et taxes et les frais de personnel », détaille Emmanuel Leroy.

Bon à savoir. C’est à partir de la PCG qu’il est possible de définir une rémunération cohérente. Pour cela, il faut d’abord retrancher de la PCG les charges sociales du ou des titulaires, les remboursements d’emprunt, et éventuellement l’impôt sur les sociétés (en cas de société à l’IS). En fonction de la somme restante, la rémunération mensuelle du titulaire peut alors être fixée. « Sa régularité permet au titulaire de conserver des revenus stables même les mois où la PCG est plus faible comme en août », assure Emmanuel Leroy.

LA BONNE gestion

Une fois soustrait de la PCG les charges, les emprunts, les impôts (en cas de société) et la rémunération du ou des titulaires, il doit rester un excédent. Cela signifie que les prélèvements personnels sont en adéquation avec l’excédent dégagé. Si, au contraire, il y a un déficit structurel de PCG, c’est qu’il y a trop de prélèvements personnels, trop d’emprunts à rembourser et/ou des frais de personnels trop élevés. Le souci peut aussi provenir d’un dérapage des frais généraux. A moins que le problème soit en rapport avec une insuffisance de marge liée, par exemple, à une mauvaise politique commerciale. Le titulaire doit dans ce cas prendre de nouvelles dispositions (baisser sa rémunération, renégocier ses frais bancaires, modifier sa politique de prix…).

A retenir. la fourchette correcte des prélèvements des titulaires doit représenter environ un tiers de la PCG. Une fois tous les prélèvements effectués, l’excédent de PCG devrait représenter près d’un quart de la PCG. Mais, selon les mois, l’excédent de PCG peut être plus faible, voire négatif sur un mois donné (insuffisance de PCG). L’important étant que sur 12 mois il reste un excédent. Dans le cas contraire, cela voudrait dire que les pharmaciens ont prélevé plus qu’ils ne pouvaient.

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LA JUSTE trésorerie

Une fois ce premier travail sur la rémunération réalisé, il faut déterminer les flux prévisionnels de trésorerie. Un budget de trésorerie recense les encaissements et les décaissements dus chaque mois (dont les prélèvements personnels), tout d’abord de façon prévisionnelle pour le comparer ensuite au réalisé. Ce contrôle permet certains ajustements selon l’évolution des PCG de l’entreprise. « L’idéal est d’avoir une trésorerie excédentaire en fin de trimestre, après paiement des cotisations sociales à l’Urssaf, elle doit correspondre au minimum à une quinzaine de jours d’achats TTC », précise Emmanuel Leroy.

LES PIÈGES à éviter

En entreprise individuelle soumise à l’IR, le titulaire ne perçoit pas de salaire mais retire de l’argent pour vivre. Cela peut lui jouer des tours. Le risque de confondre tiroir-caisse avec son porte-monnaie et le compte bancaire de la pharmacie avec son compte personnel est important.

Autre piège à connaître à l’IR : « l’effet de ciseaux » (effet survenant lorsque le niveau de l’impôt sur le revenu devient plus important que les ressources nettes laissées au ménage pour vivre). Il peut être facilement prévenu en mettant de l’argent de côté lors des premières années de remboursement de l’emprunt professionnel, quand la fiscalité n’est pas encore trop lourde. Ce problème ne se rencontre pas dans le régime des sociétés à l’IS où l’impôt société est linéaire.

Le B.A.-ba de la rémunération des titulaires

La rémunération de gérance (en société) ou les prélèvements de l’exploitant (en entreprise individuelle) ne peuvent pas être déterminés à la légère ou en fonction des besoins personnels du chef d’entreprise. Ils doivent être en phase avec la capacité financière de l’entreprise et nécessitent un calcul du disponible financier avant rémunération.

En entreprise individuelle (soumise à l’impôt sur le revenu)

• Les prélèvements de l’exploitant sont libres, sans conséquence juridique, car l’entrepreneur individuel ne paie pas l’impôt sur ce qu’il prélève mais sur ce qu’il gagne (revenu BIC).

• Néanmoins, les prélèvements du titulaire ne doivent pas mettre en péril la trésorerie de l’officine.

• Ces prélèvements doivent être réguliers et prévus au travers d’un prévisionnel d’exploitation et d’un budget de trésorerie mensuelle, établis par l’expert-comptable de façon prospective à l’issue de la clôture des comptes annuels.

En société

La rémunération du travail des dirigeants est fixée par l’assemblée générale une fois par an. Elle est régulière tous les mois, d’où l’importance de viser juste. A ne pas confondre avec la rémunération du capital distribuée aux associés une fois par an en fin d’exercice s’il reste des bénéfices.

SEL

La fin des dividendes ?

En complément de la rémunération mensuelle de gérance, les associés d’une SeL perçoivent une fois par an des revenus en fonction des bénéfices dégagés. Ils peuvent arbitrer entre rémunération (prime exceptionnelle ou augmentation de salaire actée par une décision collective des associés) ou dividendes (distribution de tout ou partie des bénéfices). Mais les dernières évolutions fiscales et sociales sont, sans doute, des entraves aux dividendes : suppression de l’abattement forfaitaire de 3 050 € (ou 1 525 € pour un célibataire) qui permettait une exonération d’IRPP sur les 5 080 premiers euros brut de dividendes, assujettissement aux cotisations sociales pour les dividendes versés aux gérants majoritaires pour leur partie supérieure à 10 % du capital et du compte courant, etc.

En conclusion. S’il n’y a pas à rémunérer le capital d’investisseurs, mieux vaut, pour les exploitants, miser sur les rémunérations que des dividendes.

POUR ALLER + LOIN

→ L’optimisation de la rémunération du dirigeant. Par Bruno Chrétien. Edition Gualino éditeur.

→ Gestion des rémunérations. Par Jean-Pierre Magot et Jean-Marie Peretti. Edition Vuibert.

→ Bâtir une stratégie de rémunération. Par Bernard Roman. Edition Dunod.