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Comment gérer l’impact de l’inflation ?

Publié le 1 mars 2023
Par Francois Pouzaud
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La bonne gestion des stocks, des achats, des marges, des commandes et des coûts repose sur le respect d’équilibres financiers qui peuvent être mis à mal en période d’inflation. Les préserver en 2023 demande plus de suivi et de rigueur de la part du titulaire et de bien effectuer ses calculs.

L’inflation devient un accélérateur de sélectivité dans l’achat des produits en pharmacie hors prescription », prévient David Syr, directeur général adjoint de Gers Data. Les titulaires vont donc devoir faire preuve d’adaptabilité pour proposer une offre en adéquation avec les attentes en matière de prix des consommateurs. C’est leur image de professionnels qui est en jeu !

Les points de contrôle.

La réorientation des achats des consommateurs peut se traduire par une baisse de la valeur du panier moyen. Pour la mesurer, il faut suivre tous les mois le panier moyen par taux de TVA. Cette analyse focalisée sur les catégories de produits les plus sensibles aux effets de l’inflation doit être complétée par un calcul du taux de fréquentation. « Les raisons d’une baisse du nombre de clients par jour sont souvent multiples : cela peut dépendre de facteurs externes et internes à l’officine », explique Philippe Becker, consultant pour le département pharmacie de Fiducial. Un facteur externe peut être une pharmacie concurrente ayant adopté une politique de prix plus agressive pour défendre le pouvoir d’achat de ses clients. Côté facteurs internes, cela peut être un manque de personnel entraînant du même coup une augmentation de l’attente au comptoir. Une partie de la clientèle se détournera alors pour aller vers la concurrence parce qu’elle y sera servie plus rapidement. Le suivi de ces deux indicateurs du tableau de bord aide le titulaire à prendre rapidement des décisions et à corriger ses actions. La hausse des charges de personnel, des dépenses de chauffage et d’électricité, etc. va aussi peser de plus en plus sur la rentabilité des pharmacies. « Il est recommandé d’effectuer des contrôles mensuels sur les frais de personnel et les charges externes, ainsi que sur d’autres postes clés comme le suivi des créances clients, les factures, la bonne conformité des conditions commerciales, notamment sur les remises, un inventaire du stock, etc. », détaille Emmanuel Leroy, expert-comptable chez KPMG.

Bien faire tourner son stock.

Le calcul du taux de marge commerciale ([marge brute/ventes HT] × 100) ne suffit pas à lui seul à mesurer la rentabilité réelle d’un produit. Le profit dégagé dépend toujours de la marge brute unitaire et des quantités vendues. Exemple : en 2022, un produit acheté 7 € et revendu 10 € a dégagé une marge de 3 €. Ce même produit a fait l’objet en 2023 d’une hausse tarifaire de 10 % (produit acheté 7,7 €). Pour conserver le même taux de marge de 30 %, la pharmacie devra alors le revendre 11 € (+ 1 €). Si le titulaire choisit de ne répercuter que la moitié de l’augmentation du laboratoire sur le prix de vente (10,5 €), le taux de marge du produit descendra alors à 26,6 %. Ce manque à gagner devra alors être compensé par une hausse des volumes de vente si le pharmacien ne peut pas encaisser des pertes. Avec la hausse des prix, le titulaire a donc tout intérêt à sélectionner plus drastiquement ses produits. Ainsi, en réduisant la largeur de gammes (nombre de lignes de produits proposées par le fabricant) et/ou la profondeur (nombre de références comprises à l’intérieur de chacune des différentes familles de produits) de son assortiment, la rotation des produits s’en trouvera accélérée. Rappelons qu’une bonne gestion des stocks suppose de bien maîtriser trois paramètres clés : le stock moyen de la période ([stock initial + stock final]/2), le coefficient de rotation des stocks (achat en quantité ou en €/stock moyen en quantité ou en €) et la durée moyenne de stockage en jours (durée de la période/coefficient de rotation).

Le temps, c’est de l’argent !

Les réponses aux questions « Faut-il commander souvent et peu ? » ou « moins souvent et beaucoup ? » et « en direct ou chez le grossiste ? » résident dans l’analyse des coûts du stock. Sans oublier les nombreux coûts cachés : les frais de main-d’œuvre pour le passage des commandes, leur réception, leur vérification, leur rangement, le contrôle des factures, leur classement, leur archivage, leur traitement comptable, la dépréciation, la casse, le vol, le coût induit par les ruptures de stock (rappel des clients, temps passé à trouver un fournisseur pour les produits en tension…), etc. « Alors que l’officine doit trouver des gisements d’heures à réaffecter au patient, l’un d’eux se trouve au niveau de la gestion des achats et des stocks », estime Joffrey Blondel, directeur financement et gestion de l’officine de Cerp Rouen groupe Astera. Selon lui, un titulaire consacre en moyenne 35 jours complets par an exclusivement aux achats en direct. À cela s’ajoute le mois complet équivalent temps passé par le préparateur pour réceptionner et ranger la commande, mettre à jour les prix, etc. « Il ne s’agit pas de stigmatiser le direct ou de faire disparaître totalement ce coût, mais de le limiter uniquement aux laboratoires qui nécessitent vraiment d’être suivis en direct », précise-t-il. Quant aux deux premières questions sur la fréquence des commandes et leur volume, Laurence Lajou, consultante chez Something Else, société de conseil en marketing, stratégie, gestion et finance, considère, elle, « qu’il est plus intéressant financièrement de commander peu et fréquemment pour des produits dont le prix d’achat est supérieur à 5 € et de commander beaucoup et moins fréquemment pour les produits dont le prix d’achat est inférieur à 5 €. » Bref, l’inflation oblige à tout un calcul. D’autant que cette situation pourrait bien durer, a averti Jean-Marc Aubert, vice-président Healthcare France Iqvia, lors des 13es rencontres de l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo) qui se sont tenues le 8 février dernier : « Après le choc pétrolier de 1973, l’inflation dans notre pays a duré, il n’y a pas aujourd’hui de raison qu’elle s’arrête plus vite. »

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3,8 %

C’est la croissance annuelle du chiffre d’affaires global en moyenne du réseau officinal entre 2018 et 2022.

Source : Iqvia aux 13es rencontres de l’Uspo, février 2023.

LE BON TIMING POUR TOUCHER SON ESCOMPTE

S’agissant du stock, la perte liée au capital immobilisé doit être largement compensée par la remise et par l’escompte pour paiement comptant que le titulaire doit négocier à un pourcentage rémunérateur. Par exemple, si une facture à 60 jours est payée comptant moyennant un escompte de 2 %, le taux d’intérêt annuel atteint alors 12 % (2 % × 360/60). Si la facture est à 45 jours, le taux d’intérêt est encore supérieur à 16 % (2 % × 360/45). Pour maintenir l’équilibre de sa trésorerie, le titulaire a peut-être un bénéfice à jouer en assumant volontairement un découvert autorisé sur son compte bancaire. Sur une commande de 2 000 € payée comptant, l’escompte sera de 40 € (2 % × 2 000 €) et le coût du découvert de 20 €/mois (12 %/an, soit 1 %/mois), soit encore un gain pour le titulaire de 20 €. D’autant qu’en réalité, le paiement comptant veut souvent dire, compte tenu des délais d’arrivée de la facture et d’envoi du règlement, un paiement sous 8 ou 15 jours.