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4 raisons d’utiliser un tableau de bord

Publié le 4 décembre 2010
Par Yves Rivoal
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Le tableau de bord s’impose comme un outil de pilotage incontournable de l’activité. Quelle est la méthodologie à suivre pour le mettre en place ? Quels éléments doivent y figurer ? Suivez le pilote.

Les pharmacies sont devenues de véritables PME, et les pharmaciens de vrais chefs d’entreprise. Dans un contexte de plus en plus concurrentiel, conjugué à un effritement des marges, un tableau de bord mensuel est essentiel afin de piloter l’activité au plus juste. » Ce conseil de Lionel Canesi, expert-comptable au cabinet C2C Pharma à Marseille et vice-président de CGP, beaucoup de pharmaciens ont encore du mal à l’entendre tant ils ont les yeux rivés sur l’évolution de leur chiffre d’affaires, lequel symbolise à lui seul la valeur de l’officine et conditionne donc sa stratégie. « Combien de pharmaciens me disent que leur officine fonctionne bien, qu’ils ont plein de nouveaux clients, raconte Lionel Canesi. Mais quand on regarde les chiffres, on s’aperçoit que la fréquentation est en baisse, ou que l’augmentation du chiffre d’affaires cache une diminution de la rentabilité. Il ne faut jamais se fier à ses impressions, qui sont souvent fausses, mais se raccrocher à la réalité des chiffres. »

1. Etablir un état des lieux

Alors que le bilan récapitule tout ce qui s’est passé dans l’officine pendant l’année, le tableau de bord braque les projecteurs sur le mois qui vient de s’écouler, comme l’explique Laurent Cassel, associé du cabinet d’expert-comptable ArythmA. « C’est un peu comme un état des lieux de l’activité, de la marge et de la rentabilité, sans avoir à attendre la publication du bilan. Il est en effet inconcevable de rester pendant un an sans mesurer les décisions que l’on prend, notamment sur le niveau de rentabilité dégagé. Et, généralement, quand on y prend goût, il devient impossible de s’en passer. » Pour s’assurer que la pharmacie est en phase avec les objectifs d’activité commerciale, il faut d’abord intégrer les chiffres d’affaires réalisés sur les différents taux de TVA, mois par mois, pour l’année en cours, mais aussi pour l’année n – 1, afin de pouvoir identifier une évolution. Pour obtenir cet état des lieux, il faut aussi inscrire dans le tableau de bord le nombre de jours ouvrés et le chiffre d’affaires moyen par jour en euro, ainsi que le nombre de clients et le panier moyen.

2. Avoir une vision globale de l’activité

Deux autres composantes de l’activité sont à mesurer :

La composition du chiffre d’affaires à 2,1 %. « Celui-ci est composé de produits très chers, qui permettent de générer beaucoup de chiffre mais peu de marge. A contrario, les produits classiques et les génériques se vendent moins chers, mais génèrent plus de marge. Si l’on se contente d’analyser le 2,1 % de manière brute, on peut donc passer à côté de beaucoup de choses », conseille Lionel Canesi.

Toutes ces informations sur l’activité commerciale figurent de manière fragmentée dans le logiciel de gestion de l’officine. Il s’agit simplement de les synthétiser sur une seule page pour avoir une vision globale de l’activité.

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La marge dégressive lissée par taux de TVA. « Sur ce point, il faut faire preuve d’une grande rigueur de gestion, conseille Lionel Canesi. Si vous recevez un stock de médicaments avec une facture établie le 30, et si vous ne le rentrez que le 1er du mois, votre marge sera complètement fausse. »

3. Mesurer la performance

Le troisième volet du tableau de bord se réfère à la rentabilité. Pour l’obtenir, il faut d’abord soustraire du chiffre d’affaires les achats et les charges d’exploitation que sont les salaires bruts de l’équipe et les charges sociales. Ces deux postes sont à comptabiliser tous les mois. En revanche, les impôts et les taxes (hors impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés) peuvent, eux, être budgétés seulement en début d’année. Il en est de même pour les charges externes (le loyer, l’assurance, les frais postaux…), qui représentent en général 4 % du chiffre d’affaires.

« La différence entre la marge commerciale et les charges d’exploitation permet de dégager la performance commerciale et de gestion, explique Laurent Cassel. A la différence de l’EBE qui ne me paraît pas très adapté à l’officine, la PCG met en lumière la “performance” de l’équipe. Car le travail du pharmacien et de ses collaborateurs, c’est de générer du chiffre d’affaires et de la marge, tout en maîtrisant les charges. Tous les autres postes à déduire de la PCG, c’est-à-dire la rémunération du dirigeant et ses charges sociales, les dotations aux amortissements, ou l’impôt sur les sociétés ne sont que des charges sur lesquelles l’équipe n’a aucun poids. Tout dépend du choix d’optimisation fiscale, de la structure juridique et du régime d’imposition du pharmacien. »

4. Interpréter les indicateurs

La première vertu du tableau de bord, c’est le pilotage du budget annuel en fonction des résultats obtenus au fil des mois. Sur un plan plus commercial, il permet de voir si la fréquentation baisse ou pas, si les frais de personnel sont adaptés aux évolutions de l’activité. Il permet aussi d’anticiper sur le plan fiscal et juridique, sans avoir besoin d’attendre la publication du bilan, car il sera alors trop tard pour réagir. « Quand le chiffre d’affaires évolue rapidement, il faut être capable de prendre très vite les bonnes décisions. Il faut donc suivre sa rentabilité comme le lait sur le feu, souligne Laurent Cassel. Un pharmacien qui voit son activité exploser pourrait être tenté de recruter à tort et à travers. Avec le tableau de bord, il s’apercevra par exemple que si son chiffre d’affaires a progressé de 15 %, sa rentabilité a pu baisser en valeur. »

Les tableaux de bord mesurent également un autre indicateur essentiel : celui de la fréquentation. « Lorsque le nombre de clients baisse, le pharmacien engagera un travail d’analyse pour savoir si sa pharmacie est assez animée, si l’équipe est conviviale et conseille bien les clients. Il commencera aussi à surveiller la concurrence… Pendant longtemps, les pharmaciens n’avaient pas à se poser toutes ces questions. Maintenant, rares sont ceux qui peuvent faire l’impasse sur l’environnement économique de proximité », conclut Lionel Canesi.

Simple, concret et non chronophage

« Souvent, des pharmaciens qui mettent en place un tableau de bord abandonnent car ce travail leur semble trop abstrait, et ils ont du mal à faire le lien entre le chiffre d’affaires, la marge et la rentabilité, constate Laurent Cassel (ArythmA). Pour rendre les choses plus opérationnelles, il convient de rattacher le suivi mensuel aux objectifs pluriannuels. Si l’objectif de rentabilité est de 360 000 € par an sur cinq ans par exemple, le tableau de bord sera en mesure d’indiquer régulièrement si l’entreprise est dans les temps. Cet indicateur conditionnera alors le pilotage de l’officine. » Il est inutile d’y consacrer deux jours par mois, une ou deux heures doivent suffire. Pas besoin non plus d’investir dans un progiciel. Un tableur comme Excel ou OpenOffice, qui a l’avantage d’être gratuit, peut très bien faire l’affaire.

Cinq minutes par jour

« Depuis que j’ai repris l’officine en 2006, j’utilise des tableaux de bord pour gérer le quotidien et piloter l’avenir. » Marie-Agnès Canet (ci-contre), titulaire à Château-Gontier (Mayenne), consacre cinq minutes chaque jour à un tableau de bord qui comprend une quinzaine d’indicateurs comme le chiffre d’affaires par taux de TVA, le nombre de paniers et de clients… Tous les mois, elle édite un second tableau qui évalue la performance commerciale et de gestion ainsi que le résultat comptable.

« Ces deux tableaux me permettent de vérifier que la progression de l’activité est conforme aux prévisions, mais aussi de connaître la marge sans avoir besoin de solliciter mon expert-comptable. Et lorsque je m’aperçois que je suis en retard, je peux réagir en temps réel. Je me compare aussi aux indicateurs de chiffre d’affaires et de marge publiés par Le Moniteur des pharmacies tous les mois, ainsi qu’aux tableaux de bord de mon groupement, Cofisanté. »

Pour vérifier les grands équilibres économiques et les ressources financières nécessaires au développement de sa pharmacie, Marie-Agnès Canet édite enfin un tableau de bord sur l’année passée, l’année en cours et les dix ans à venir.