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VERS UNE NOUVELLE ORGANISATION

Publié le 16 juin 2012
Par Claire Bouquigny
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Adjoints et préparateurs, par leur formation spécifique, sont appelés à effectuer des tâches différentes. Pour autant, leur rôle n’est pas toujours clairement défini. Une situation qui devrait évoluer avec les nouvelles missions, voire la création d’un nouveau métier à l’officine.

Dans les officines où il y a des grosses équipes, les rôles de chacun sont bien définis. C’est seulement dans le cas d’équipes restreintes que la polyvalence est nécessaire », explique Philippe Denry, pharmacien responsable des relations sociales à la FSPF.

Pour Arielle Bonnefoy, préparatrice représentant Force ouvrière à la Commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation professionnelle (CPNE-FP) de la pharmacie d’officine, préparateurs et adjoints « effectuent les mêmes tâches, sauf que les premiers sont censés travailler sous le contrôle des seconds ». Florence Bohuon, préparatrice, estime d’ailleurs que « l’adjoint reste une référence pour les questions techniques ». Entre ces deux extrêmes, on peut rencontrer des situations diverses et variées. Car aucun texte officiel ne définit précisément les tâches et le rôle de chacun. Le métier de préparateur a été créé pour la fabrication de médicaments. Or, sa fonction a largement évolué au fil du temps. D’où la difficulté pour les titulaires de manager une équipe avec des profils différents et des fonctions aux frontières poreuses.

« Trouver un équilibre au travers des compétences des uns et des autres »

Ainsi, de nombreuses tâches peuvent être effectuées indifféremment par des préparateurs ou par des adjoints : réception des commandes, gestion des stocks, merchandising, vitrines, travail administratif… Ces tâches, que les préparateurs ont pratiquées durant leurs périodes d’apprentissage, sont néanmoins en décalage avec la formation universitaire des adjoints. Quant à la dispensation des médicaments, elle suppose l’association d’un savoir théorique scientifique et d’un bon « relationnel ». C’est l’apanage des pharmaciens, qui ont reçu une formation de haut niveau en pharmacologie. Toutefois la présence de logiciels signalant les contre-indications fait que les préparateurs – dont la formation est moins théorique – peuvent délivrer des médicaments.

Pour autant, de nombreux préparateurs vivent comme une injustice le fait d’exécuter les mêmes tâches que les adjoints mais pour un salaire bien inférieur. Certains estiment également qu’ils ne sont jamais rassurés quand ils délivrent. Ils ressentent que leur niveau de formation est insuffisant au regard de la responsabilité qui leur incombe de délivrer des médicaments dont ils méconnaissent les mécanismes d’action. Quant aux adjoints, selon le Contrat d’études prospectives mené en 2006, ils ont le sentiment que « la plupart des connaissances acquises au cours de leurs études ne sont jamais sollicitées ».

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Chaque titulaire doit par conséquent composer avec tous ces éléments et « trouver un équilibre au travers des qualités des uns et des autres », explique Michel Caillaud, ex-président de l’UNPF. Et de détailler : « Au sein de l’équipe, certains sont plus sur la théorie. D’autres sont plus pratiques, ils donnent aux patients des explications qui sont plus compréhensibles, ils ont plus de chaleur et de contact. Tous les patients ne sont pas identiques non plus. C’est un sujet très vaste, à géométrie variable. Dans mon officine, on se voit, on discute, on fait des réunions ensemble. Mais chaque titulaire le gère avec son ressenti. »

Mener une réflexion globale sur la séparation des activités

Cet état de fait devrait trouver son épilogue avec la mise en place des nouvelles missions définies par la loi HPST. « Cela va devenir simple, affirme Jean-Charles Tellier, ex-président de la section A de l’Ordre. Il va y avoir un partage des tâches car les préparateurs ne sont pas impliqués dans les nouvelles missions. Celles-ci seront réservées aux pharmaciens. Il y aura une traçabilité qui sera liée au fait que le pharmacien engage sa responsabilité et qu’il doit justifier de cette activité pour qu’elle soit rémunérée. » Jean-Charles Tellier regrette que les préparateurs ne se soient pas engagés dans les débats sur les nouvelles missions : « J’ai attiré l’attention sur ce sujet depuis plusieurs années, mais je n’ai pas plus été entendu par les pharmaciens que par les préparateurs… » De fait, les préparateurs ne sont pas cités dans les textes de la loi HPST et leur rôle devra se limiter à ce que dit le Code de la santé publique. En effet, souligne Jean-Charles Tellier, « les pharmaciens ne vont pas lâcher les missions qui viennent de leur être octroyées et qu’ils exécuteront sur rendez-vous à l’officine ». Pour lui, il reste une voie d’évolution possible pour les préparateurs : les dispositifs médicaux et le maintien à domicile. Encore faudrait-il « qu’ils la réclament », sachant par ailleurs que « ce ne sont pas leurs activités qui sont en cause mais leur niveau de formation initiale ».

Il est bien prévu depuis plusieurs années que la formation des préparateurs soit revue à la hausse mais, faute d’un accord, les négociations sont actuellement au point mort. Les partenaires sociaux de la branche veulent une formation en trois ans avec le maintien de l’alternance, alors que le ministère de la Santé souhaite un BTS en deux ans. Le volontarisme des membres de la CPNE-FP n’y a rien changé malgré les diverses entrevues qu’ils ont obtenues avec les conseillers des ministres en charge du dossier, et même du Premier ministre. Il est vrai que la période préélectorale n’a pas été propice à l’avancée de telles négociations. Il y a fort à parier cependant que les négociations, quand elles reprendront, pourraient prendre un tour nouveau. En effet, la formation des préparateurs devrait être intégrée dans le travail de réingénierie des professions de santé que mène actuellement la Direction générale de l’organisation des soins (DGOS). « Tous les diplômes du domaine sanitaire sont concernés et certains d’entre eux vont entrer dans le système LMD. C’est une décision politique qui fait suite aux accords de Bologne imposant que tous les diplômes soient revus selon le même schéma d’ici la fin de 2012. Pour les préparateurs en pharmacie, on attend l’arbitrage du ministère de la Santé », a commenté Dominique Monguillon, conseillère pédagogique nationale à la DGOS, dans une interview accordée à la revue Porphyre en décembre 2011. Ce travail de réingénierie pourrait entraîner a minima une évolution de la pratique de l’apprentissage. Car, a expliqué Dominique Monguillon, « avant on évaluait un étudiant par des actes ; maintenant, il doit montrer qu’il est capable de mobiliser des compétences. C’est plus difficile pour les maîtres de stage qui doivent évaluer des compétences déclinées en actes concrets et des capacités à s’adapter à des situations nouvelles ». Par ailleurs, la DGOS pourrait étudier, parallèlement au choix de la CPNE-FP, les deux projets de licence portés par la conférence des doyens des facultés de pharmacie et par l’Association nationale des préparateurs en pharmacie hospitalière, ce dernier étant à visée uniquement hospitalière.

Vers un métier intermédiaire en officine ?

Une hypothèse envisageable également est la création d’un métier de niveau intermédiaire comme le préconise le rapport Hénart-Berland-Cadet paru en 2011 (voir encadré p. 23 et interview ci-contre). En effet, ses auteurs relèvent qu’il y a un « partage inapproprié du champ des activités entre les métiers médicaux et paramédicaux » et un vide important entre les uns qui suivent six à onze ans d’études universitaires, et les autres qui ont trois ans de formation professionnelle. Créer une formation intermédiaire reviendrait à suivre l’exemple des pays du Nord de l’Europe. En effet, en Finlande, en Norvège, en Suède et aux Pays-Bas, des « assistants en pharmacie » trouvent leur place entre les pharmaciens et les « techniciens ». Ils ont en général une formation de niveau licence acquise par la voie universitaire et peuvent délivrer des médicaments. Les techniciens sont formés en un an et demi à deux ans par alternance en écoles spécialisées et s’occupent plutôt des aspects d’administration et de gestion des stocks. Telle sera peut-être la voie à suivre pour imaginer la future organisation des équipes officinales.

Mener une réflexion globale sur l’ensemble des professions de santé

Préparateurs et adjoints sont concernés par la réflexion menée sur l’ensemble des professions de santé préconisée par Danielle Cadet, Laurent Hénart et le Pr Yvon Berland, auteurs du « Rapport relatif aux métiers de santé de niveau intermédiaire » paru en 2011, chargés par Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, de proposer des transformations du système de santé. Certaines de leurs remarques, comme un « partage inapproprié du champ des activités entre les métiers médicaux et paramédicaux », sont proches de la problématique de l’officine. Les rapporteurs ont également constaté qu’il y a un « vide sidéral » entre les personnels médicaux, qui suivent entre huit et onze ans d’études universitaires, et les auxiliaires médicaux qui ne suivent en général que trois ans de formation professionnelle. Une situation qui fait écho à celle de l’officine avec un écart de six ans entre le brevet professionnel de niveau bac des préparateurs et le doctorat des pharmaciens.

Pour pallier cette situation, les auteurs proposent de créer des métiers intermédiaires qui se spécifieraient par un haut niveau de compétences et de qualification et par une prise de responsabilité identifiée. Mais aussi de « restructurer l’offre de soins afin que chaque acteur de santé soit à son juste niveau de compétences et de formation », et que cette évolution s’inscrive « dans une dynamique de complémentarité et non de concurrence ».

Déséquilibre entre responsabilité et formation

« C’est le même boulot quand tout va bien, mais, en cas de problème, le préparateur apprécie qu’un pharmacien soit là pour endosser la responsabilité », souligne Philippe Denry, pharmacien responsable des relations sociales à la FSPF. En effet, la responsabilité civile et professionnelle des préparateurs relève du titulaire, ou de l’adjoint quand ce dernier a la charge de diriger l’équipe, stipule le Code de la santé publique : « les préparateurs assument leurs tâches sous la responsabilité et le contrôle effectif d’un pharmacien ». Pourtant, selon un rapport de l’IGAS, ce contrôle ne serait pas vraiment effectif. Pour Philippe Denry, il ne s’agit pas d’une réalité car le contrôle peut être fait de différentes manières et notamment « a posteriori, quand on range les ordonnances ». Il reste toutefois aux préparateurs la responsabilité de déterminer à quels moments ils doivent prendre conseil auprès du pharmacien. « Sinon c’est une faute ! », prévient Daniel Burlet, pharmacien représentant l’USPO à la CPNE-FP (Commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation professionnelle). Car, précise le Code de la santé publique, « leur responsabilité pénale demeure engagée ». Mais si l’on se réfère à leur niveau de formation, il apparaît qu’à niveau égal – un BP –, l’enjeu d’une erreur professionnelle est considérablement plus grand pour un préparateur que pour une fleuriste ou un coiffeur !