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Une profession en recherche d’équilibre
Si, en 2022, la décroissance du nombre de pharmaciens titulaires et d’officine est moins forte qu’en 2021, la situation n’est pas pour autant brillante. Entre problèmes de recrutement, désaffection de la filière officine, difficultés d’accès aux soins et augmentation du nombre de missions, la profession fait face à de nombreux défis. Dont celui d’améliorer son attractivité.
Chaque année, l’Ordre des pharmaciens présente son étude sur la démographie de la profession. La dernière a été dévoilée le 11 juillet dernier. Pas de grands bouleversements, mais des chiffres révélant des évolutions qui interpellent. Premier constat : au 1er janvier 2023, 73 795 pharmaciens sont inscrits au tableau de l’Ordre, toutes sections confondues. Ce qui représente une « baisse » de 0,3 % en un an, qui survient toutefois après une remontée en 2021 (74 035 inscrits). C’est la deuxième fois depuis 2016 que le nombre de pharmaciens passe sous la barre des 74 000, le premier repli étant survenu en 2020, en pleine crise sanitaire. Une évolution qui s’inscrit « en continuité avec la diminution progressive du nombre de pharmaciens inscrits depuis 2016 (-1 %) », observe ainsi l’Ordre dans son panorama 2022 de la démographie. Cette tendance est d’ailleurs observée sur le nombre de primo-inscrits : seuls 2 337 pharmaciens se sont inscrits pour la première fois à l’Ordre en 2022, soit 205 de moins que l’année précédente.
Moins de titulaires et plus d’adjoints
La section A, qui regroupe les pharmaciens titulaires n’échappe pas à ces phénomènes. En 2022, elle compte 24 913 pharmaciens, soit – 1,1 % par rapport à 2021, mais – 9,7 % par rapport à 2012. Pour autant, la section A représente un tiers des pharmaciens inscrits à l’Ordre. Selon l’institution ordinale, cette baisse s’explique par la restructuration du réseau officinal depuis plus de 10 ans et par les regroupements de ces structures sur le territoire national. De fait, en 2022, on dénombre 20 142 officines, soit – 0,9 % de pharmacies par rapport à 2021 et – 10 % en comparaison avec 2012. En effet, il y a dix ans, 24 913 officines existaient. Le nombre de pharmacies pour 10 000 habitants est ainsi passé de 34 en 2012 à 30 en 2022, soit une diminution de 12 %. Malgré cette évolution, le nombre moyen de titulaires par officine, à savoir 1,2, reste stable.
Autres constantes de la section : les femmes demeurent majoritaires parmi les titulaires d’officine (56 % de femmes versus 44 % d’hommes), mais dans une moindre proportion par rapport au nombre total de femmes inscrites à l’Ordre (68 % toutes sections confondues). La moyenne d’âge des titulaires est plutôt stable : en 2002, elle s’établit à 49,6 ans, contre 49,8 ans en 2021. L’âge moyen (plus élevé de 2,9 ans que celui de l’ensemble des pharmaciens inscrits à l’Ordre) occulte néanmoins le vieillissement de la population des titulaires sur les dix dernières années. Ainsi, plus de la moitié des titulaires ont 50 ans et plus (soit 12 512 pharmaciens). En 2012, seuls 13,6 % des pharmaciens titulaires d’officine étaient âgés de 60 ans et plus, alors qu’ils sont désormais 22,1 %. Si les moins de 40 ans sont de plus en plus présents en section A (22 % en 2022 versus 19 % en 2012), ce qui peut traduire un rajeunissement de la titularisation, cette tendance « reste à confirmer dans les années à venir », note l’institution ordinale.
Le nombre de titulaires n’incarne pas à lui seul le secteur de la pharmacie d’officine. Les adjoints (section D) jouent eux aussi un rôle important. En 2022, 28 496 pharmaciens sont inscrits en section D, dont 28 192 rattachés principalement à cette section. Ce qui représente une évolution de 0,3 % par rapport à 2021. Et plus de 95 % exercent en officine. L’âge moyen des adjoints s’élève à 44,6 ans ; il a légèrement augmenté par rapport à l’année précédente de 0,2 année. La section D reste la plus féminisée avec 79,4 % de femmes.
Il faut aussi noter que le nombre d’adjoints par officine progresse alors que le nombre d’officines diminue. Pour l’Ordre, cette hausse est due au phénomène de regroupement d’officines qui entraîne la création de structures de taille plus importante. Le nombre d’adjoints par officine étant lié à l’activité globale de l’officine, il « suit donc ce mouvement et tend à augmenter » et « évolue de manière corrélée avec les fermetures d’officines » (211 fermetures en 2022 contre 220 en 2021).
Autre tendance constatée : le nombre accru de pharmaciens adjoints intérimaires. Plus de 3 100 pharmaciens intérimaires sont inscrits pour des remplacements réguliers tout au long de l’année, soit + 5,4 % par rapport à 2021. Ce qui constitue le niveau le plus haut jamais atteint. « Cette nouvelle hausse traduit un choix de mode d’exercice pour nos confrères, qui est soit pérenne, soit transitoire, avant de reprendre un poste d’adjoint au sein d’une pharmacie. Cette donnée étant à rapprocher du fait que près d’un quart des pharmaciens intérimaires en officine ont moins de 36 ans », explique Jérôme Parésys-Barbier, président de la section D, dans le panorama 2022.
Améliorer l’attractivité
« Cette évolution du nombre de pharmaciens, globalement stable dans le temps, n’est que faussement rassurante et il convient de regarder ces chiffres à la loupe pour expliquer les difficultés et les tensions de recrutement croissantes rencontrées actuellement par toutes les filières de la pharmacie. Il s’agit en effet d’une photographie en trompe-l’œil », a cependant alerté Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (Cnop), le 11 juillet. Et de poursuivre : « Cette évolution couplée à l’apparition croissante de difficultés d’accès aux soins demande une nouvelle organisation associée à des délégations de tâches supplémentaires pour répondre aux besoins de la population. » A condition d’avoir « des ressources humaines suffisantes et un renouvellement générationnel continu et garanti. Car si cette tendance se poursuit, la part des 25-30 ans ne parviendra pas à compenser les nombreux départs à la retraite, et ceux à venir qui sont masqués par l’allongement des carrières », a-t-elle ajouté. « Le nombre insuffisant de diplômés au cours des dernières années au regard de l’augmentation des besoins de la population et des missions croissantes des pharmaciens, un taux d’évaporation important à la sortie de la faculté, une désaffection pour la filière “officine” ces dernières années, ou encore des projets de reconversion chez des salariés lassés de l’officine après la crise du Covid-19 conduisent à des difficultés de recrutement dans les officines de pharmacie », résume Bruno Maleine, président de la section A, dans le panorama 2022.
Garantir la démographie pharmaceutique et améliorer l’attractivité de la profession sont justement les deux axes de la feuille de route 2023 de l’Ordre. Il compte s’engager dans une étude prospective destinée à modéliser les tendances démographiques à l’horizon 2050 pour chaque métier de la pharmacie. Ce qui permettra d’anticiper les prochaines évolutions et d’estimer le besoin en pharmaciens pour assurer les missions de santé publique en métropole comme en outre-mer. Ces travaux seront présentés à l’été 2024. Sur le point spécifique et ô combien essentiel de l’attractivité, l’Ordre a élaboré des propositions visant à simplifier et à mieux adapter les dispositifs de reconnaissance des diplômes étrangers en fonction du métier. Elles ont été portées auprès des ministères et parlementaires dans le cadre des projets de loi notamment sur l’immigration. En effet, 1 915 pharmaciens étrangers exercent en France, dont près de la moitié comme adjoints à l’officine et 26 % en tant que titulaires. Un nombre qui a augmenté de 6 % par rapport à 2021 et croît constamment depuis 10 ans. L’Ordre a aussi réuni ces derniers mois les représentants de la profession pour tenter d’identifier un consensus sur des propositions d’adaptation de la première année d’accès aux études de santé. Ces travaux vont être poursuivis selon l’évolution du nombre de places pourvues à l’issue de l’année universitaire 2022-2023 et de la volonté du gouvernement de modifier les modalités d’accès aux études de pharmacie. Une nouvelle campagne de communication sur les métiers de la pharmacie doit également être lancée cet automne. Enfin, l’Ordre vise à simplifier les passerelles entre les différents métiers de la pharmacie. « De nos jours, ces passerelles sont illisibles voire inexistantes », a relevé Carine Wolf-Thal. La commission des nouveaux inscrits de l’Ordre travaille donc à l’élaboration de fiches techniques pour mieux informer et accompagner des pharmaciens dans leur reconversion. Pour la présidente du Cnop, « mettre en place des passerelles est crucial. Mais ça ne veut pas dire “shunter” les compétences. Les métiers ont évolué et ils nécessitent une mise à jour des compétences ». L’objectif est non seulement de permettre à un pharmacien souhaitant se reconvertir d’acquérir les compétences nécessaires, mais également d’offrir des opportunités à ceux qui veulent explorer les différentes filières. Carine Wolf-Thal se dit « persuadée que c’est un facteur d’attractivité pour les jeunes. Actuellement, plus personne ne veut exercer dans un couloir en se disant qu’il ne pourra plus jamais en sortir de toute sa carrière ». Autant de projets qui nécessiteront la mobilisation des pouvoirs publics.
À retenir
– Au 1er janvier 2023, l’Ordre compte 73 795 pharmaciens, dont 24 913 titulaires d’officine et 28 496 adjoints.
– Les effectifs sont relativement stables, mais masquent des difficultés de recrutement, notamment en officine.
– Afin de mieux anticiper les évolutions démographiques, l’Ordre va réaliser des études prospectives.
– Pour améliorer l’attractivité des filières pharmaceutiques, l’institution ordinale veut en particulier simplifier la reconnaissance des diplômes étrangers, ainsi que les passerelles entre les différentes filières.
![Bilans de prévention : pas si simples !](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2024/07/article-defaults-visuel-680x320.jpg)